Rafles de 1942 : Faire mémoire avec Mgr Saliège

Paris Notre-Dame du 25 août 2022

Elle a été lue dans les synagogues en France le 16 juillet 2022, 80 ans après la grande rafle du Vel’d’Hiv. La lettre pastorale de Mgr Jules-Géraud Saliège Sur la personne humaine, publiée le 23 août 1942, a été lue à son tour cet été dans les églises, à l’occasion des célébrations de l’Assomption. Une proposition de la Conférence des évêques de France (CEF) que nous explique le P. Christophe Le Sourt, directeur du Service national pour les relations avec le judaïsme au sein de la CEF.

Le P. Christophe Le Sourt est directeur du Service national pour les relations avec le judaïsme au sein de la Conférence des évêques de France.
© Conférence des évêques de France

Paris Notre-Dame – Pourquoi avoir choisi la lecture de cette lettre cette année ?

P. Christophe Lesourt – Le Président de la Conférence des évêques de France (CEF), Mg Éric de Moulins-Beaufort, a souhaité que cette année 2022 soit une année mémorielle particulière, 80 ans après les événements de 1942, parmi lesquels la Conférence de Wannsee le 20 janvier, lorsque la « Solution finale » est planifiée. Le 20 janvier 2022, nous avons donc organisé un événement mémoriel, avec le Consistoire de France, le Mémorial de la Shoah et l’Amitié judéo-chrétienne, tourné spécifiquement vers un public de jeunes. La CEF et les diocèses se sont aussi associés aux commémorations des rafles d’août 1942 en zone occupée, parmi lesquelles celle « du Vel’d’Hiv », les 16 et 17 juillet. Le mercredi 7 septembre prochain sera également organisée une Journée d’études au Collège des Bernardins, en partenariat avec la Conférence des évêques de France, la Fédération protestante de France et le Consistoire central, pour contextualiser le positionnement des différentes Églises au moment des rafles. Une journée intitulée, 1942. Les Églises face à la persécution des Juifs. Silences, protestations et entraide, à laquelle participeront des historiens de référence comme Jacques Semelin, auteur d’Une énigme française. Pourquoi les trois quarts des Juifs en France n’ont pas été déportés (Albin Michel, 2022).

P. N.-D. – Que retenez-vous des mots de l’archevêque de Toulouse (Haute-Garonne), Mgr Jules-Géraud Saliège, en 1942 ?

C. L. – Cette lettre est la première prise de parole publique de l’épiscopat français dénonçant le caractère insupportable des rafles et de la déportation, aidant ainsi à une prise de conscience. Certains historiens parlent même d’un « 18 juin spirituel ». Sur son contenu, ce qui me bouleverse, c’est son étonnante et dramatique actualité alors qu’on observe la résurgence de l’antisémitisme en Europe et notamment en France [1]. Ce texte du cardinal Saliège – « Les étrangers sont des hommes, les étrangères sont des femmes », martèle-t-il – a quelque chose à dire à notre société sur la personne humaine. Au diapason du pape François et de ses prédécesseurs, notre Église souligne combien notre fraternité est une bénédiction pour le monde et combien nous devons lutter contre l’antisémitisme qui est un véritable fléau.

P. N.-D. – Pourquoi choisir la date du 15 août ?

C. L. – Il y a une proximité de dates. Les premières grandes rafles ont lieu mi-juillet 1942 et c’est le 23 août 1942 que Mgr Saliège publie sa lettre... Lettre qui cette année, a également été lue, le 16 juillet, dans toutes les synagogues de France. Le 15 août, fête de l’Assomption de la Vierge, c’est également un très grand signe qu’a donné Mgr de Moulins-Beaufort, en lui confiant nos frères et sœurs juifs. Nous faisons mémoire de leur peuple et de tous ceux et celles qui, au-delà de toute considération politique ou religieuse, ont été capables de se lever au nom de l’humanité, lumière dans la nuit de la Shoah. Nous sommes invités à prier pour notre pays, à la fois pour lutter contre toute forme de racisme, mais également pour toutes les questions liées à la dignité de la personne humaine.

Propos recueillis par Laurence Faure @LauFaur

[1D’après une enquête Ifop publiée dans Le Parisien le 26 janvier 2022, 85% des Français de confession juive et 64% de l’ensemble de la nation, pensent que l’antisémitisme est un sentiment répandu.

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