Réflexions théologiques
Paris Notre-Dame du 30 octobre 2014
P. N.-D. – La Commission théologique internationale vient de publier un document intitulé Le sensus fidei dans la vie de l’Église (Éd. du Cerf). Quel en est le message principal ?
P. Serge-Thomas Bonino – Il vise à souligner l’importance du sensus fidei , c’est à- dire du sens de la foi. Cette notion signifie que tout chrétien possède en lui une sorte de flair ou de sixième sens pour discerner ce qui est conforme ou non à l’Évangile. Cette capacité venant de l’Esprit Saint est évoquée dans les Écritures : « Vous avez reçu l’onction venant du Saint, et tous vous possédez la science (1 Jn 2, 20). » Les croyants ne sont ainsi pas seulement instruits de l’extérieur. Même si le magistère ecclésiastique du pape et des évêques a reçu du Christ autorité pour discerner ce qui relève vraiment de la foi apostolique, il n’y a pas d’un côté l’Église enseignante (le magistère) et de l’autre l’Église enseignée (les fidèles). Les deux doivent dialoguer. Ce principe n’a pas toujours été assez appliqué. La consultation des fidèles a été revalorisée au XIXe siècle par des théologiens comme le cardinal John Henry Newman, et surtout, par le concile Vatican II. Le document Le sensus fidei dans la vie de l’Église rappelle toutefois que le sensus fidei ne correspond pas à l’opinion publique majoritaire de l’ensemble des baptisés. Il s’exprime surtout à travers les personnes qui vivent profondément de leur foi dans la prière, la participation à la vie ecclésiale, la lecture de l’Écriture sainte, etc. Dans le brouhaha des opinions, les saints sont ainsi particulièrement capables de distinguer ce qui vient de Dieu et ce qui vient de l’esprit du monde.
P. N.-D. - La Commission théologique internationale a aussi rendu public le document Dieu Trinité, unité des hommes. Le monothéisme chrétien contre la violence (Éd. du Cerf). Quels en sont les points essentiels ?
P. Serge-Thomas Bonino – Ce document a pour but de répliquer aux préjugés selon lesquels le monothéisme, en affirmant une vérité objective et universelle, mènerait à la prétention d’un pouvoir exclusif de la part d’un groupe humain et donc à la violence. Si la violence religieuse a pu exister chez certains chrétiens, elle est en réalité incompatible avec l’esprit du christianisme et la confession trinitaire du Dieu unique. La croyance en un seul Dieu, Père de tous les hommes, implique que tous les habitants de la Terre sont frères et doivent se respecter entre eux. Jésus lui-même a refusé le recours à la violence au nom de Dieu et il a été victime de la violence des hommes. La vraie source de l’intolérance est en réalité le relativisme. Car si on considère que la Vérité n’existe pas et qu’il n’y a pas de critères pour en discuter, on justifie le fait que chacun puisse imposer sa manière de voir les choses, selon ses propres critères personnels. Le document Dieu Trinité, unité des hommes affirme aussi l’incompatibilité de la violence avec l’esprit religieux en général : une religion authentique doit avoir pour but de construire la fraternité entre tous les hommes. • Propos recueillis par Céline Marcon
La Commission biblique pontificale vient aussi de publier un ouvrage : Inspiration et vérité de l’Écriture sainte (Coédition Bayard- Cerf-Fleurus-Mame).