Rugby : transformer l’essai de l’évangélisation

Paris Notre-Dame – Qu’est-ce que l’Église a à voir avec le rugby ?

P. Jérémy Rigaux – Le joueur amateur que je suis pourrait s’amuser à développer une théologie du jeu de rugby… sans oublier que la première chapelle en rapport avec le sport en France s’appelle N.-D. de l’Ovalie, à Rocamadour (Lot) ! Mais au-delà du rugby, rien de ce qui touche, interpelle, intéresse les hommes ne doit laisser l’Église indifférente. Il y a un vrai enjeu missionnaire à manifester notre présence, notre prière aussi pour les sportifs, les équipes et les supporters, et à participer d’une manière ou d’une autre à ces grands événements sportifs qui sont, par essence, festifs et fraternels. C’est le sens d’inviter ses paroissiens à regarder un match ensemble ; c’est aussi la démarche entreprise par Holy Games [1] à proposer des événements sportifs – comme la course de la Saint-Denis le 8 octobre prochain [cf p. 2 de ce numéro] – ou fraternels – comme le 14 septembre dernier, où une cinquantaine de personnes ont participé à la messe à La Madeleine (8e) avant de se rendre sur la fanzone de la place de la Concorde pour suivre le match France – Uruguay. Par ailleurs, le sport à haut niveau et les valeurs qu’il véhicule sont propices à un dialogue constructif, tant il y a des ponts à faire entre sport et foi.

P. N.-D. – Que voulez-vous dire ?

J. R. – Le sport permet d’aborder beaucoup de thèmes fondamentaux de société. Je pense à la question de la vulnérabilité, de la blessure – et on l’a vu encore dernièrement avec la fracture de la mâchoire d’Antoine Dupont –, à l’échec ou encore au handicap, avec la tenue des jeux paralympiques en septembre prochain. Le sport, et a fortiori les grandes compétitions, permettent de braquer les projecteurs, d’explorer en profondeur ces questions qui touchent tous les hommes, traversent toutes les vies, mais sont totalement gommées de nos débats de société. Le sport permet aussi de sortir du néoplatonisme, cette vision (largement diffusée aujourd’hui) du corps exalté dans sa perfection et par conséquent mis à distance. La religion de l’incarnation ne peut qu’être interpellée, et même avoir quelque chose à dire, sur la dimension physique d’une vie d’homme. Il y a un message à transmettre sur la nécessaire unification, à travailler sans cesse, du corps, de l’âme et de l’esprit, et un vrai enjeu à établir un rapport au corps qui soit sain, saint et simple.

P. N.-D. – Comment vivre spirituellement ce temps sportif ?

J. R. – Il y a des valeurs communes au sport – comme la fraternité, l’ascèse, la discipline, le sens de l’effort et du sacrifice – qui deviennent, de manière assez évidente, des vertus dans la vie spirituelle. De même, comme amateurs et supporters, il y a une joie particulière à suivre et se réjouir pour son équipe ; dans un stade comble – et même s’il manque l’essentiel, à savoir une forme de transcendance –, on touche du doigt cette communion sportive avec des inconnus, une communion qui dépasse le cercle de nos connaissances. Tout cela n’est qu’un jeu, et ces joies sont bien éphémères, mais cela nous fait du bien de les partager et nous rappelle – comme un entraînement finalement – à quelle communion et à quelles joies – essentielles celles-là – nous sommes appelés comme enfants – et athlètes ? – de Dieu !

Propos recueillis par Charlotte Reynaud

Article extrait de Paris Notre-Dame du 5 octobre 2023

Sommaire

Sacerdoce : Prêtres, jusqu’au bout des âges • Rugby : Transformer l’essai de l’’évangélisation • Nomination : À la rencontre des nouveaux curés • Cinéma : Coup de chance de Woody Allen

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