Silence, on dîne !

Paris Notre-Dame du 16 mars 2023

Le Collège des Bernardins propose depuis une douzaine d’années des dîners pris en silence, désormais ouverts au grand public. Une occasion unique de nourrir son corps, son esprit… mais aussi son âme.

Une soeur dominicaine, étudiante au Collège des Bernardins, lit un extrait de la Lettre aux femmes de saint Jean-Paul II du 29 juin 1995.
© Mathilde Rambaud

Quatre soirs par an, le Collège des Bernardins (5e) accueille des soirées singulières : des dîners pris en silence. Si le concept n’est pas nouveau dans ce haut lieu culturel parisien, son ouverture au public, elle, l’est. Au départ destinées aux mécènes de l’institution, ces soirées proposent aux convives un repas nocturne au cours duquel les échanges verbaux laissent place à des lectures à haute voix et intermèdes musicaux. À l’origine de cette initiative, les producteurs Thierry Bizot et Édouard de Vésinne qui, en 2011, à l’occasion du festival de Cannes, entraînent une partie des festivaliers pour un déjeuner impromptu en silence à l’abbaye voisine de Lérins (Alpes-Maritimes). Face aux retours enthousiastes, les Dîners du silence investissent alors le Collège des Bernardins.
Et en ce 8 mars 2023, Journée internationale des droits des femmes, c’est l’une d’elles qui est mise à l’honneur en la personne de sainte Hildegarde de Bingen (1098-1179), bénédictine allemande canonisée et proclamée docteur de l’Église en 2012 par le pape Benoît XVI. À leur arrivée, les convives sont accueillis dans la nef par Jean-Marc Liduena, président de la Fondation des Bernardins : « Ces Dîners du silence sont une expérience magique, inoubliable et inspirante… alors bonne soirée et surtout bon silence ! » Au deuxième étage du prestigieux bâtiment, les tables qui accueillent habituellement des étudiants sont, ce soir-là, disposées en U et recouvertes de nappes et de vaisselle. Plongée dans la pénombre, la quarantaine de convives est accueillie par la douce et envoûtante mélodie d’un fado porté par Pierrick Hardy à la guitare et Chloé Breillot au chant : « Cette musique populaire portugaise, bien que profane, possède une dimension sacrée. Elle se prête donc bien à ce type de soirée où, en plus, nous jouons après de longs moments de silence, ce qui est rare – une première pour nous. »

Les vertus du silence

Pendant près d’une heure et demie, les sens sollicités, en éveil, sont comme décuplés. On redécouvre l’odeur du pain, la saveur du vin, la texture d’une tarte, le croquant d’une salade de fenouil, le bruit des pas sur la moquette… Si les premiers instants de silence peuvent s’avérer déroutants, peu à peu, chacun apprivoise la tranquillité du cadre : « Je dois avouer que cette atmosphère qui pousse à l’intériorité m’a naturellement incité à réciter quelques Je vous salue Marie », confie en souriant Alain, 84 ans, venu avec son épouse Marie-Hélène. Cette dernière ajoute : « Le silence revêt à mon sens une forme de dépouillement, se désencombrer est essentiel. » À intervalles réguliers, une religieuse dominicaine et l’écrivain Clara Dupont-Monod, lectrices de cette soirée, déclament avec douceur des textes aussi variés que le décret apostolique sur la canonisation d’Hildegarde de Bingen ou un extrait de Tristan et Iseut. À l’issue du dîner, les participants peinent à reprendre les conversations interrompues en début de soirée. « Le silence a une vertu extraordinaire, conclut Frédéric Bardoux, l’un des organisateurs : il évite le murmure et nous permet d’entrer dans une dimension de vie intérieure, à l’écoute de nous-même et du Christ. »

Mathilde Rambaud

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