Un orgue qui cache bien son jeu
Paris Notre-Dame du 20 avril 2023
La paroisse St-Albert-le-Grand vient d’inaugurer un orgue numérique original qui lui permet de jouer les sons d’orgues du monde entier.
Après trois ans de recherches infructueuses d’un orgue à tuyaux pour remplacer l’ancien, numérique et de piètre qualité, le P. Thierry de Lesquen, curé de la paroisse St-Albert-le-Grand (13e), commençait à perdre espoir. Jusqu’à ce qu’il ait vent d’un nouveau type d’orgue utilisant une technologie originale : un instrument numérique réunissant des enregistrements en haute qualité d’instruments du monde entier, permettant ainsi d’avoir accès à des orgues très divers dans un seul instrument. « Relié à des enceintes de bonne qualité, le résultat sonore est assez bluffant, explique le curé de la paroisse. On peut, par la suite, acheter des banques de sons de différents orgues, ce qui permet de changer d’instrument en quelques secondes sur les écrans tactiles de l’orgue, disposés en lieu et place des tirants de jeux. Cela donne ainsi des possibilités musicales que nous n’aurions jamais pu avoir avec un instrument classique. Pour notre église qui est basse de plafond, c’était la meilleure option. » Il a tout de même fallu que le P. de Lesquen tire avec son organiste plus de cent mètres de câble pour relier le nouvel orgue, installé à gauche du choeur, aux enceintes disposées dans le fond de l’église, au-dessus de la porte d’entrée. Sans omettre d’apporter sa touche d’origina¬lité… classique : les deux hauts parleurs noirs ont été dissimulés derrière des tuyaux d’orgue factices. Et c’est en grande pompe que cet orgue d’une nouvelle génération a été inauguré ce samedi 15 avril lors d’un concert devant une église comble, en présence du maire du 13e arrondissement, Jérôme Coumet.
Un rendu étonnant
Aux claviers, musical et numérique, Benjamin Intartaglia, organiste titulaire à la paroisse protestante Pentemont- Luxembourg (6e), invité pour l’occasion. « La technologie de reproduction et de simulation du son d’origine dans les orgues numériques a fait de remarquables progrès ces dix dernières années, souligne le musicien, si bien qu’aujourd’hui il est totalement impossible de distinguer à l’aveugle un véritable instrument d’un orgue numérique. » Le résultat est en effet déroutant. Les yeux fermés, difficile pour une oreille profane de faire la différence avec un véritable orgue à tuyaux. Cependant, l’appropriation de cet instrument n’est pas chose aisée pour les musiciens. « Dans les orgues numériques, explique Benjamin Intartaglia, l’absence de poids peut être gênante pour le musicien qui doit, en temps normal, doser dans son jeu le degré de force dans ses doigts et ses pieds s’il est habitué à un orgue à transmission mécanique. » Autre point qui peut être sensible et suppose un réglage, le décalage du son pour l’organiste entre le moment où il appuie sur la touche et celui où le son lui parvient depuis les enceintes.
Avec ce concert, le P. de Lesquen souhaitait « parcourir l’histoire depuis la période baroque (française et allemande) jusqu’à la période moderne pour que chacun puisse se faire une idée des capacités de l’instrument ». Au programme, des pièces classiques – de Charpentier, Bach, Mozart ou Schubert – et plus récentes – de César Franck ou Joseph Jongen – « sur » les orgues de l’abbaye aux hommes de Caen (Normandie) et des églises St-Michel de Zwolle (Pays-Bas) et St-John-Cantius de Cracovie (Pologne). Dans l’assemblée, Éloïse, paroissienne de 20 ans, est conquise : « Le rendu de cet instrument est étonnant ! J’ai été vraiment surprise par la variété des sonorités des différents orgues. » Et le P. de Lesquen de conclure : « Cet investissement est avant tout au service de la liturgie de notre paroisse que je souhaite rendre plus belle et par là-même, redonner du cachet à cette église méconnue. »
Mathilde Rambaud
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