« Un reportage et une mission d’évangélisation »
Paris Notre-Dame du 22 juin 2023
Mission 2 CV. C’est le titre d’un livre qui reprend, dans une version enrichie, la série d’été parue chez Famille Chrétienne de deux journalistes : Théophane Leroux et Samuel Pruvot. En 2021, ils ont emprunté, en 2 CV, avec deux religieuses, la N7 pour rejoindre Saint-Tropez et ses fameux gendarmes. Explications de Théophane Leroux.
Paris Notre-Dame – D’où est venue cette idée farfelue ?
Théophane Leroux – En 2020, juste après la crise du Covid-19, j’ai perdu l’une de mes grands-tantes qui m’a légué sa 2 CV. Quand je me suis mis à son volant, j’ai été très étonné de voir le nombre de personnes qui se retournaient sur mon passage. J’en ai parlé à l’un de mes confrères journalistes chez Famille Chrétienne, Samuel Pruvot, très engagé dans la mission, en lui suggérant de monter un projet d’évangélisation avec une 2 CV. Il risquerait d’avoir du succès ! Nous nous sommes dit que ce serait amusant de tirer le fil et d’aller à Saint-Tropez (Var), avec des religieuses, à la rencontre de gendarmes. De fil en aiguille, cette discussion de comptoir est devenue une idée de série d’été. Après avoir trouvé une 2 CV – celle qui m’a été léguée n’étant pas en état de rouler sur une longue distance – et deux religieuses partantes, nous sommes partis une semaine au début du mois de juin 2021. Notre série a été publiée dans quatre numéros de l’été 2021.
P. N.-D. – Au-delà de l’originalité de l’initiative, quelle était votre volonté derrière ?
T. L. – Pour reprendre une expression de Samuel, je parlerais d’« expérience chimique ». Il s’agissait de faire entrer en réaction deux éléments différents – cet aspect décalé, ringard, de bonnes sœurs dans une 2 CV et la France de Macron, des masques… – et observer comment ils réagissent entre eux. C’était à la fois un reportage et une mission d’évangélisation.
P. N.-D. – Qu’avez-vous trouvé, ou plutôt qu’avez-vous rencontré ?
T. L. – Un pasteur alpiniste qui a grimpé l’Himalaya, une vieille dame pied-noir, une féministe tatouée qui nous a déclamé le prologue de saint Jean… Beaucoup de personnes sont venues à nous. C’était ce qui était le plus surprenant. Les personnes sont en attente qu’on leur parle. Avec notre proposition un peu étrange, nous sommes venus percuter leur quotidien en leur ouvrant une porte vers un autre monde. Beaucoup ont eu envie de s’y engouffrer, poussés par cette soif d’autre chose, de spiritualité, de sens, de sobriété… J’ai été très marqué par la joie et par l’accueil que nous avons reçu : par ces attitudes d’hospitalité, de très grande générosité, de simplicité.
Ce fut aussi l’occasion de découvrir un autre visage de la France. Cette nationale est une route déclassée par l’autoroute, les trains, les avions. La France que nous avons découverte est la France du “dos de carte postale”. C’est une périphérie aux deux sens du terme : géographique et spirituelle.
P. N.-D. – Vous êtes partis avec deux religieuses d’une communauté, le Verbe de vie, aujourd’hui dissoute pour abus. Comment avez-vous vécu cela ?
T. L. – Cette communauté a tout de suite répondu favorablement à notre demande, en 2021, en se montrant enthousiaste. Quand nous avons été mis au courant de la dissolution du Verbe de vie, en 2023, le projet du livre édité chez Première Partie – qui reprend le texte paru chez Famille Chrétienne, en l’enrichissant de réflexions – était déjà bien avancé. Nous avons pris le temps de la réflexion, en avons parlé à différentes personnes parmi lesquelles Mgr François Touvet, évêque de Châlons-en-Champagne (Marne), administrateur de la communauté avant sa dissolution. Nous avons décidé de changer le nom des religieuses et avons senti que ce que nous avions vécu ensemble dépassait nos personnes. Cela participe du mystère de l’Église et de la mission, je crois. Le message annoncé surpasse les personnes qui l’annoncent.
Propos recueillis par Isabelle Demangeat @LaZaab
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