Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Messe et confirmations des paroisses du doyenné Picpus-Bercy lors de la Pentecôte

Dimanche 27 mai 2012 - Saint-Esprit (12e)

 Année B
 Ac 2, 1-11 ; Ps 103 ; Ga 5, 16-25 ; Jn 15, 26 - 16, 12-15 ;

Frères et Sœurs,

Que va changer la venue de l’Esprit-Saint dans le monde et dans notre vie ? Cette question se pose pour chacun d’entre nous. Elle se pose avec plus de force encore pour celles et ceux qui vont être confirmés aujourd’hui. Que peuvent-ils attendre de l’Esprit Saint ? Que vont-ils recevoir de l’Esprit Saint ?

Pour essayer de répondre, nous allons écouter simplement ce que nous dit l’Écriture. Quand il parle à ses disciples et leur annonce la venue de l’Esprit, Jésus leur promet deux choses :

• La première est d’accéder à la plénitude de la connaissance de Dieu. Dieu nul ne l’a jamais vu et nul ne le verra jamais. Alors, que pouvons-nous donc savoir de Dieu ? Nous le connaissons par celui qu’il a envoyé, son Fils, Jésus, qui est Dieu lui-même. À travers lui - et seulement à travers lui - nous connaissons le Père. Cette connaissance que nous avons du Père par le témoignage du Fils prend sa force dans notre propre esprit parce que l’Esprit Saint authentifie ce témoignage du Christ.

L’Esprit qu’il envoie témoigne pour nous que Jésus ne nous trompe pas. C’est ainsi qu’il nous fait croire au Christ, qui est la vérité toute entière. Un témoin est quelqu’un qui a vu quelque chose que les autres n’ont pas vu. De même, l’Esprit rend témoignage au Christ parce qu’il confirme en nous que celui qui est venu visiblement dans notre vie d’homme est bien le Fils de Dieu lui-même.

• Mais ce témoignage ne vient pas simplement pour nous aider à croire. Jésus annonce aussi à ses disciples que l’accueil de ce témoignage les fait entrer dans sa propre mission : « L’Esprit de vérité rendra témoignage en ma faveur et vous aussi vous rendrez témoignage, vous qui êtes avec moi depuis le commencement. » (Jn 15, 26) Comment pouvons-nous être témoin ? Les disciples peuvent être témoins parce qu’ils ont accompagné Jésus tout au long de son ministère public. Ils ont vu les signes et les miracles qu’il a accomplis. Ils ont entendus ses discours et ses enseignements. Au moment de choisir celui qui remplacera Judas dans le collège des douze, ils tirent au sort parmi ceux qui étaient avec Jésus depuis le baptême de Jean-Baptiste et jusqu’à la Résurrection, quelqu’un qui, comme eux, a vu et entendu. Voilà tout ce dont ils vont être témoins et dont nous aussi nous sommes invités à être témoins à notre tour.

Que change l’Esprit Saint ? Le récit de la Pentecôte nous l’enseigne. Nous voyons les douze réunis dans une pièce, protégés et enfermés par crainte de subir ce que Jésus lui-même a subi. Ils sont dans la prière, probablement aussi dans la tristesse parce que Jésus les a quittés. Ils se consolent peut-être d’être un si petit groupe au milieu d’un monde qui ne connait pas le Christ. Peut-être se plaignent-ils les uns aux autres que ce soit si difficile d’être ami du Christ au milieu d’un monde qui le rejette ? Mais voilà que l’Esprit descend sur chacun d’eux, sous la forme d’une flamme. Et à partir de ce moment-là, au lieu d’être comme des étrangers au milieu de la foule des pèlerins de Jérusalem, ils se mettent à parler de telle façon qu’ils sont compris par tous. Ne me demandez pas comment cela se passe ! Je n’en sais rien et je ne connais pas de secret pour apprendre les langues étrangères ! L’Évangile ne nous le dit pas. Mais le récit des actes manifeste que le langage de Dieu touche le cœur de tous les hommes. Tous ces peuples du Moyen-Orient représentés à Jérusalem comprennent ce que disent les apôtres en araméen. Les disciples de Jésus ne sont plus les titulaires d’une connaissance cachée, ils sont les témoins d’une connaissance partagée.

Nous sommes aussi appelés à être les témoins d’une connaissance partagée avec les hommes et les femmes qui nous entourent. Nous ne sommes pas appelés à vivre entre nous. Nous ne sommes pas appelés à rester entre nous à gémir parce que nous serions moins nombreux que les autres, et à nous plaindre parce que les autres ne penseraient pas comme nous. Nous sommes appelés à aller au-devant des autres et à témoigner devant eux que Jésus change quelque chose à notre vie. Evidemment, ce témoignage peut prendre toute sorte de formes. Mais ne cherchez pas et n’attendez pas d’abord les signes les plus extraordinaires. C’est d’abord par notre manière de vivre que nous témoignons de la présence et de l’action de Dieu dans notre vie. Le langage que tous les hommes comprennent, avant d’être des paroles, c’est le discours des actes. En nous voyant vivre, ils doivent pouvoir se demander ce qui nous habite pour nous donner de vivre d’une façon différente.

Dans l’Epître aux Galates, saint Paul donne des indicateurs de cette puissance de l’Esprit, de cette capacité d’aimer nos frères qu’il développe en nous. Mais attention, aimer nos frères ne signifie pas simplement aimer nos proches et notre famille. Certes, il est vrai que l’Esprit nous aide à aimer notre famille et nos amis proches. Mais l’Esprit nous donne d’aimer nos frères de manière universelle. Il nous apprend à nous reconnaitre le prochain de celui qui a besoin de nous, comme nous dit la parabole du Bon Samaritain (Lc 10, 36-37). Il nous apprend à nous faire proches les uns des autres, à être frères les uns des autres. Au lieu de nous observer avec jalousie, ou envie, ou rancune, il nous donne la force de nous réjouir de ce qui arrive de bon aux autres, et de les assister quand il leur arrive du malheur.

Témoigner du Christ, c’est vivre de cet amour. Témoigner du Christ c’est vivre dans la constance, la paix et la joie. Car l’Esprit du Christ nous apprend à faire confiance à la présence et à l’amour de Dieu dans tous les événements de notre vie, les événements heureux comme les événements malheureux. Ceux qui n’ont pas d’espérance et ceux pour qui la vie s’arrête avec la mort, sont désespérés par leurs malheurs et leurs échecs. Pour eux, c’est comme s’il n’y avait pas de deuxième chance. Mais ceux qui croient que Dieu est vivant et les aime traversent ces événements avec force. Ils n’évitent pas les souffrances de la vie, mais ils savent qu’il y a un amour plus grand que leurs souffrances.

Frères et sœurs, l’Esprit de Dieu lui-même nous est donné aujourd’hui et particulièrement à vous qui allez être confirmés. C’est un Esprit de lumière et de force, de paix et de joie, c’est l’Esprit d’amour. Qu’il transforme chacune de nos existences. Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris

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