Anniversaire du cardinal André Vingt-Trois

Mot d’accueil de Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Paris

Éminence, Monsieur le Cardinal, Monseigneur, Père André Vingt-Trois, Cher André…

Chacun vous appelle d’une manière ou d’une autre selon le degré de proximité, l’âge ou la situation dans la vie par rapport à toutes vos responsabilités…
Quoi qu’il en soit, tous ici sont très, très heureux de vous voir aujourd’hui et de vous fêter pour ces quatre-vingts ans passés depuis six petits jours.
Les soucis de l’âge et de la santé ne vous épargnent pas, l’inquiétude même de ne pas pouvoir être avec nous en ce dimanche a plané ces dernières semaines, et vous n’aimez pas particulièrement que l’on parle de vous. Vous ne vous préoccupez pas trop du jugement que l’on peut porter sur vous ! Mais vous ne désirez pas vraiment que l’on chante vos louanges.
Il vous faudra donc accepter pendant quelques minutes que j’ai l’air de le faire, tout en n’ayant pas l’intention de le faire !

Dans les entretiens que vous avez donnés à Philippine de Saint Pierre devant les caméras de KTO, vous avez évoqué ce que vous avez vécu dans ce 5e arrondissement de Paris, à l’école et au collège voisins, puis au lycée Henri IV, et vous reteniez que vous avez grandi, non sans les difficultés de l’occupation et des suites de la guerre, mais dans une atmosphère où les différents lieux de l’éducation, famille, école et autres activités, étaient sur une même ligne – ce que le pape François appelle aujourd’hui le « pacte éducatif global » : tous sont d’accord pour consentir ensemble à une éducation harmonieuse qui dispose à des choix de maturité pour toute la vie.

Mais ce qui aurait pu n’être qu’un choix conforme, vous avez perçu que c’était le lieu d’exercice d’une liberté. Quand vous êtes devenu prêtre, il y a cinquante-trois ans, et que vous avez commencé votre ministère à Sainte-Jeanne-de-Chantal avec le père Jean-Marie Lustiger, vous avez compris que désormais le monde avait changé et que ce n’était plus le moment de reproduire un modèle ancien. Le monde était devenu le lieu de confrontations, de débats, d’échanges et pour finir d’enrichissements. Et aujourd’hui, vous pouvez exprimer clairement que d’être chrétien, attaché au Christ, c’est être capable de se laisser déstabiliser par la parole d’un autre – Lui, le Christ – qui vous dit quelque chose à quoi vous ne vous attendiez pas et vous appelle ainsi à vous convertir !

Puis-je dire, personnellement, que j’ai été très frappé de cela pendant les douze années où nous avons été voisins dans l’assemblée des évêques, d’abord par le hasard de l’ordre alphabétique, ensuite en raison du choix de nos confrères évêques qui vous avaient choisi comme président de notre conférence, et moi comme vice-président ? J’ai souvent, en effet, constaté ce mouvement : devant un fait nouveau, ou une demande formulée par quelqu’un ou par un groupe même, d’abord une interjection, un froncement de sourcil pour ne pas dire davantage, ou un rire malicieux – et on l’impression que vous allez renvoyer la proposition dans ses propres buts. Et puis, quelque temps après, la manifestation que vous avez écoutée, que vous avez méditée, vous avez prié et construit une réponse qui tenait compte de ce qui vous avait en premier lieu surpris ou agacé !

Ce qui compte pour vous c’est que l’Église, au milieu des aléas de l’Histoire, continue de proposer par ses communautés et toutes ses initiatives des projets, des actions qui permettent à ceux que le Christ a rejoints, à ceux qui se sont laissé toucher par Lui, de se mettre au service des autres et de l’Évangile. Vous-même vous l’avez fait, et vous avez indiqué à d’autres le bonheur que c’est de le faire : se laisser « toucher au cœur pour mettre sa vie dans la balance », je vous cite.
Vous l’avez même fait en acceptant successivement toutes les charges que le Seigneur a mises sur vos épaules, précisant même que le métier d’évêque est humainement un peu impossible, mais qu’il faut bien en trouver ! Vous l’avez fait librement, parce que vous croyez que c’est l’empreinte même du Christ dans nos vies d’hommes : « la liberté dans la foi », et « une mission de liberté » ce sont les titres de deux livres d’entretiens que vous avez signés il y a quelques années.
C’est cette liberté que chacun vous reconnaît ; elle n’a pas été asservie par le Christ qui vous a désigné, bien au contraire, elle s’est épanouie. Vous savez que c’est le Christ, lui qui donne cette liberté, que nous célébrons avec vous ce soir.
C’est Lui qui nous rassemble, c’est vers Lui que nous nous tournons en reconnaissant humblement que nous avons péché et que nous savons pouvoir compter sur la miséricorde de Dieu qu’Il nous montre jour après jour.

– Lire l’homélie de Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Paris.

– Lire le mot de remerciement du cardinal André Vingt-Trois.

– À l’occasion de son anniversaire, le cardinal André Vingt-Trois a accordé à KTO une série d’entretiens compilée en un film documentaire inédit. Voir la vidéo