Et si Jésus avait eu un avocat ?
Paris Notre-Dame du 17 avril 2025
Avocat et catholique, Laurent Delvolvé s’est plongé dans les récits de la Passion avec les outils du droit. Dans L’Avocat de Jésus, le lecteur est invité à suivre l’avocat du Christ, l’occasion de relire, au cœur de la Semaine sainte, ce drame fondateur à la lumière de la justice des hommes.

Propos recueillis par Mathilde Rambaud
Paris Notre-Dame – Quel regard portez-vous sur la manière dont la justice a été rendue envers Jésus ?
Laurent Delvolvé – En lisant les Évangiles, et particulièrement les récits de la Passion, je me suis posé la question de la régularité du procès de Jésus. Était-il conforme aux règles de droit applicables à l’époque ? Jésus a, en effet, fait face à deux procès : l’un religieux et l’autre romain. Dans ces deux cas, le droit a-t-il été respecté ? Par exemple, peut-on juger une personne en pleine nuit ? Le condamner à mort la veille de la Pâque ? Les droits de la défense ont-ils été assurés ? Un seul élément, jamais évoqué à ma connaissance, est de savoir si Jésus avait eu droit à un avocat. C’est étonnant ! Il s’agit tout de même d’une accusation et d’un risque de condamnation à mort avec exécution immédiate. Et je ne suis pas le seul à m’être interrogé puisqu’il y a eu, assez récemment encore, des demandes en révision du procès de Jésus. Ces questions juridiques dépassent donc largement le cadre de notre appréciation chrétienne et peuvent intéresser tout le monde.
P. N.-D. – Dans votre livre, le lecteur est projeté en l’an 33, en tant qu’avocat du « mis en examen » Jésus…
L. D. – Déformation professionnelle sans doute, mais je me suis demandé quelle aurait été ma plaidoirie si j’avais eu à prendre la parole pour défendre Jésus devant le Sanhédrin (tribunal suprême d’Israël) ou Pilate. Mais nous nous trouvons dans un espace-temps qui n’est pas de l’ordre historique mais bien spirituel, ce qui m’a amené à effectuer cette transposition entre 2025 et l’an 33. C’est ce que nous faisons en participant à la messe : dans l’eucharistie, nous communions aux souffrances du Christ et participons à sa Résurrection. Il ne s’agit pas d’une commémoration, c’est actuel. Et donc, à chaque fois que s’opère le sacrifice, s’opère tout aussi actuellement le procès. J’ai donc fait le choix non pas de remonter dans le temps mais de le vivre aujourd’hui. Sur le plan spirituel, je peux me placer aux côtés du Christ non pas pour obtenir son acquittement mais pour l’accompagner sur son chemin de croix judiciaire, m’associer personnellement à ses souffrances et vivre, avec lui, sa Résurrection.
P. N.-D. – Et vous allez même plus loin : Jésus récuse son avocat. Pourquoi ce choix ?
L. D. – Dans le jardin des Oliviers, Jésus demande à Pierre de rengainer son épée en lui rappelant que s’il avait eu besoin d’être défendu, il aurait fait appel à des cohortes célestes envoyées par son Père. J’ai transposé cet épisode dans un dialogue avec Jésus qui demande à son avocat de ne pas le défendre parce qu’il doit aller au bout pour faire la volonté de son Père. Sauf qu’en 2025, en matière criminelle, on ne peut pas être jugé en cour d’assises sans avocat. C’est un droit fondamental que d’avoir une défense surtout lorsque l’on risque la peine maximale. Dans ce dialogue issu de mon imagination, Jésus accepte finalement la présence de l’avocat pour qu’il participe – à sa modeste place mais à sa place tout de même – à sa Passion, cherchant à être une sorte de Simon de Cyrène qui porte, autant qu’il le peut, la croix judiciaire avec le Christ.
P. N.-D. – Votre livre est-il aussi une manière, en creux, d’interpeller notre rapport à la justice ?
L. D. – Absolument. Il me semble que la méditation de la Passion peut nous aider à intégrer davantage encore les droits de l’homme dans notre justice actuelle : la place fondamentale des victimes, les droits à un procès équitable, à être entendu et défendu, etc. Et ces droits rejoignent les principes fondamentaux de notre foi chrétienne, j’en suis intimement convaincu. Le procès de Jésus peut nous permettre de méditer sur ce qu’il conviendrait de faire pour qu’une véritable justice puisse être mieux rendue dans notre société actuelle.
– L’Avocat de Jésus, Laurent Delvolvé, éd. Téqui, 146 p., 2025, 18 €. Acheter en ligne.

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