Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe à Saint-François-Xavier pour le début de l’année jubilaire menant vers le 150e Pèlerinage national de l’Assomption à Lourdes et anniversaire de la mort du Père Emmanuel d’Alzon, fondateur des Augustins et des Oblates de l’Assomption

Dimanche 20 novembre 2022 - Saint-François-Xavier (7e)

– Christ, Roi de l’Univers – Année C

- 2 S 5,1-3. Ps 121, 1-6 ; Col 1,12-20 ; Lc 23,35-43
D’après transcription

Nous parlons ce soir d’un roi, d’un roi qui ne ressemble pas à tous les rois de la terre et qui est pourtant le plus proche possible de tous les hommes, de tous les vivants, de tous les hommes et de toutes les femmes de la terre.

Il nous est d’abord donné un exemple, celui de David, David son Père – de lui, Jésus, le Fils de David comme il est souvent appelé dans l’Évangile - David, ce roi dont les chefs du peuple qui se sont réunis autour de lui disent : « Nous sommes de ta chair et de tes os. » Ce qui signifie que ce peuple de Dieu qui a besoin d’un roi reconnaît en lui quelqu’un qui est comme lui, un homme parmi les hommes, un homme qui ne cherche pas à se présenter comme une sorte de demi Dieu ; qui ne cherche pas d’abord à être tout auréolé de gloire ; qui ne cherche pas d’abord à être monté sur un piédestal, sur un trône immense et glorieux, mais est d’abord un homme parmi les hommes, l’un d’eux, l’un de ceux qu’il doit gouverner. Il n’attend pas qu’on le respecte au-delà de ce que l’on doit à tout homme. L’histoire nous le montrera, ce David capable lui aussi de faire des erreurs, des fautes, et de pécher, et de le reconnaître avec humilité, parce qu’il est un homme parmi les hommes. Et c’est un modèle qui s’imposera à travers l’histoire du peuple de Dieu. Non pas que tous les rois seront comme lui aussi simples, aussi clairement hommes parmi les hommes : certains failliront, certains chercheront à monter au-dessus de ce qu’ils sont. Mais on gardera toujours l’image de David, roi d’Israël, homme parmi les hommes, et modèle de la royauté à venir. Modèle que choisit Jésus : il est lui sans péché, mais il veut être roi tout en étant homme parmi les hommes. C’est ce que Dieu le Père a voulu, et c’est ce que le Fils réalise.

Nous comprenons que ce roi accepte d’être battu, condamné, méprisé, victime d’insultes sur la croix, alors même qu’il ne peut plus répondre, qu’il n’a plus aucun moyen à sa disposition pour faire respecter son humanité. Il accepte d’être ainsi ce roi. Il accepte d’être ainsi humilié par les chefs qui l’invectivent, par les soldats qui ricanent, par le larron - que l’on appelle le Mauvais Larron bien sûr - qui le somme de les sauver par sa puissance divine s’il en a vraiment une. Mais il y a aussi le peuple dans l’évangile de Luc, le peuple qui est là et qui n’est pas la foule décrite dans d’autres évangiles, la foule vindicative. Non, le peuple est là et il regarde. Il regarde Jésus : ce n’est pas rien ! Toute l’assemblée que nous sommes, mettons-nous en face de Jésus et regardons-le. Regardons ce qui va se passer. Est-ce que nous allons être du côté de ceux qui l’accusent ? Non, je ne le crois pas. Est-ce que nous allons être du côté de ceux qui veulent qu’il fasse un geste pour nous tirer de toutes les souffrances, de toutes les difficultés, de toutes les injustices que nous commettons ? Peut-être que nous n’oserons pas demander cela au Seigneur. Peut-être allons-nous être comme celui qu’on appelle le Bon Larron, celui qui se tourne avec une demande instante de n’être simplement « pas oublié dans le Royaume de Jésus ». Cet homme qui sait ce qu’il vaut, cet homme qui reconnaît, comme David, qu’il est capable de pécher, d’avoir fait du mal aux autres, d’avoir été injuste, mais qui il est là et comprend qu’il est à côté de Celui qui peut lui vouloir tout bien possible. De même que les chefs disaient tout à l’heure : « nous sommes de tes os et de ta chair. » Lui il dit : « Je suis à côté de toi, et toi tu es à côté de moi, ne m’oublie pas » (Lc 23,42).

C’est ce que Jésus fait toujours. L’évangéliste Luc est toujours désireux de montrer, à ceux qu’il évangélise par son récit, un Jésus rempli de miséricorde, de douceur, de bonté, et capable, à tout instant de la vie et dans toute circonstance de la vie, de manifester qu’il est proche de ceux qui souffrent, de ceux qui sont battus, de ceux qui sont méprisés, de ceux qui sont injustement traités. Et voilà que Jésus, en réponse à la demande du Bon Larron, va lui dire cette phrase que personne n’a oubliée : « Aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le paradis » (Lc 23,43). Bien sûr, c’est un futur, bien sûr c’est une promesse qui est faite pour après la mort ignominieuse de ces trois hommes. Mais ce futur et cette promesse sont tout de suite comme corrigés par le « aujourd’hui, avec moi ». Tu es à côté de moi, aujourd’hui je suis à côté de toi qui souffre ; qui souffre de la peine qui t’es infligée ; qui souffre aussi probablement du remords que tu sens. Je suis avec toi aujourd’hui et, déjà, d’être dans le paradis, c’est aujourd’hui que cela commence, c’est aujourd’hui que cela se passe. Voilà une phrase extraordinaire qu’il dit à tous ceux qui sont maltraités, à tous ceux qui sont méprisés, à tous ceux qui souffrent.

Et là je rappelle une des raisons pour lesquelles nous sommes là ce soir, le pèlerinage de Lourdes, et les malades. A tous, Jésus dit : avec moi, tu seras et tu es déjà dans le paradis. C’est parce que tu as confiance en moi, c’est parce que tu attends cela, c’est parce que tu t’es tourné vers moi avec confiance, que déjà ta vie est transformée, que déjà ta vie est promise à du bonheur, que déjà si tu te sens pécheur tu es en train de te laisser transformer parce que tu es avec moi.

C’est une nouvelle formidable que nous entendons. Le roi, le Roi de l’univers est celui qui se tient près de nous, toujours. Le Roi de l’Univers c’est celui près duquel nous pouvons toujours nous tenir, fidèlement. Et alors, nous tenant fidèlement à côté de Lui, nous sommes comme Lui, sensibles aux plus pauvres, aux plus étrangers, aux plus méprisés, aux plus inconnus, aux plus mis de côté, aux plus maltraités par l’injustice. Être fidèle, être avec Jésus, être aujourd’hui avec Lui, c’est porter avec Lui tous ceux-là qui attendent de Lui d’être dans le paradis.

Nous qui sommes ici, baptisés, comme l’a dit la deuxième lecture, la lettre aux Colossiens, l’hymne à Dieu le Père, cette hymne dit quelque chose de tout à fait étonnant aussi, qui reprend ce que je viens de dire. Nous avons été, par la grâce de Dieu, tirés des ténèbres, des ténèbres de notre péché, des ténèbres de nos souffrances, des ténèbres du non-sens qui parfois s’abat sur la vie d’un certain nombre d’hommes qui se demandent où ils vont, ce qu’ils font, ce qu’ils peuvent vivre encore. C’est si difficile : ils ont été si ballotés par la vie. Nous avons été tirés des ténèbres pour être, dit le texte que nous avons entendu, introduits dans le Royaume de son Fils, pour le pardon des péchés. C’est le baptême que nous avons reçu qui nous a introduits dans le Royaume de Jésus ; c’est le baptême que nous invoquons, aujourd’hui où nous célébrons cette eucharistie en la fête du Christ Roi de l’Univers. C’est le baptême qui nous rend si proches du Christ, parce que c’est Lui qui s’est rendu proche de nous, et nous invite à demeurer avec Lui, aujourd’hui. Il nous invite à demeurer avec Lui en étant attentifs, en étant capables de compassion, en étant désireux de toute justice, en étant remplis du bonheur d’être proches des amis de Jésus.

Rendons grâce à Dieu de nous avoir introduits dans le Royaume de son Fils, non pas pour que nous en tirions une sorte de profit égoïste, mais pour que nous soyons toujours avec Lui auprès de ceux qui souffrent le plus. Que nous soyons toujours fidèles à notre vocation de baptisés. Que nous sachions être toujours ouverts à ceux à qui Jésus ouvre les bras.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris

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