Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe à Saint-Ferdinand – Sainte-Thérèse de l’Enfant-Jésus
Dimanche 26 mars 2023 - Saint-Ferdinand – Sainte-Thérèse de l’Enfant-Jésus (17e)
– 5e dimanche de carême – Année A
- Ez 37,12-14 ; Ps 129, 1-8 ; Rm 8,8-11 ; Jn 11,1-45
D’après transcription
Nous venons tous de vivre un beau temps de carême. C’est le moment de regarder peut-être un peu en arrière, ce que nous avons pu récolter pour notre vie de foi, pour notre engagement de chrétien, à travers le carême de cette année. Nous avons d’abord entendu le récit des tentations de Jésus, qui sont aussi les nôtres, qui sont les tentations de tout homme, de tout croyant, à chaque époque elles prennent une forme différente mais elles sont les mêmes.
La tentation d’abord de réduire la vie au bien-être matériel, la tentation aussi de vouloir supprimer de nos existences les moments de difficultés, les contrariétés, les contradictions, la souffrance, la douleur, par toute sorte de moyens plus ou moins magiques, par tout sorte – dans notre époque aujourd’hui – de moyens plus ou moins techniques ou technologiques, qui prétendraient nous faire effacer ce qui est difficile. Peut-être aussi par toute sorte de moyens qui sont les paroles mensongères ou illusoires de quelques maîtres à penser, de quelques gourous de toute sorte qui embarrassent les existences, même parfois sans que nous nous en rendions tout à fait compte. Et puis enfin la tentation de la domination, de l’emprise sur les autres. Et nous savons que ceci guette tellement ceux qui font profession de religion, mais guette aussi tellement ceux qui apportent des soi-disant solutions pour vivre.
Nous avons pris conscience de ces tentations qui nous habitent. Mais nous avons eu, deuxième dimanche dans le récit de la transfiguration, la révélation du lien très fort, très étonnant, complétement unique entre Jésus et Dieu. Jésus Fils du Père, Jésus qui marche et qui va marcher sur le chemin de sa mission, de son ministère, avec cette grande assurance que Dieu le Père l’a envoyé et qu’il peut être certain qu’il ne l’abandonnera pas sur les chemins difficiles de sa vie publique, de son engagement pour nous, pour nous sauver, pour nous montrer le chemin.
Et puis nous avons eu le dimanche où nous avons entendu parler de la Samaritaine, celle qui a trouvé, dans la parole du Christ, la vraie source de vie. Elle sait que c’est lui le chemin, elle brûle maintenant de le faire connaître lui, parce qu’il lui a révélé qui elle était, ce qu’elle cherchait, pourquoi, désormais, elle voulait vivre.
Nous avons encore entendu le récit de la guérison de l’aveugle à la porte du Temple. Celui qui cherchait la lumière, celui qui, peu à peu, au long du récit que nous avons entendu dimanche dernier, va se mettre à non seulement être heureux d’être guéri mais à découvrir qui est Jésus pour lui. Et devant les autres à professer sa foi en lui, à prendre parti pour Jésus avec courage, s’opposant à ceux à qui Jésus est opposé, prenant le parti de l’écouter et de dire : c’est lui en qui je crois.
Et aujourd’hui, ce récit dans lequel nous comprenons que Jésus affronte la mort, le dernier ennemi de son combat de tous les jours, de son combat au milieu de nous. Jésus affronte la mort avant d’affronter la sienne, il affronte la mort d’un autre, d’un ami, d’une famille de ses amis. Il en est ému, il sait que c’est un moment difficile pour lui, s’annonce bientôt sa passion, le don de lui-même. Mais il lui faut déjà traverser cette épreuve d’accueillir l’événement de la maladie et de la mort d’un ami. Et c’est un combat aussi pour lui. Un combat parce que ses amis sont peut-être tentés de perdre confiance en lui. A ce moment-ci, il le somme de faire quelque chose, ils lui disent : c’est trop tard, tu es venu trop tard, tu ne peux plus rien pour le sauver. Et pourtant, il va provoquer la foi de Marthe, celle de Marie, et celle de nombreux juifs dit l’évangile, qui vont eux aussi lui faire confiance, qui vont vouloir marcher avec lui, alors que s’accumule contre lui tant de haine, tant de refus, tant de rejet. Et c’est vraiment le grand combat de Jésus contre le mal qui touche toutes nos vies, le mal définitif qui nous coupe ou qui pourrait nous couper de Dieu : la mort.
Alors, nous en sommes là, prêts à marcher avec Jésus, jusqu’à sa passion, sa mort et sa résurrection. Nous connaissons la fin de l’histoire d’une certaine façon, mais nous avons toujours besoin de rentrer dans cette histoire encore, nous avons toujours besoin d’accueillir Jésus qui combat avec nous et sûr que Dieu ne l’abandonne pas. Je sais bien, dit Marthe, que tout ce que tu demanderas à Dieu il te l’accordera. Oui je le crois. Crois-tu cela, dit-il à Marie ? Crois-tu que celui qui vit avec moi et croit en moi ne mourra pas mais entrera dans la vie avec moi ?
Voilà ce à quoi nous sommes invités ce matin, à croire, comme Marthe, comme Marie et comme les nombreux juifs qui vont lui faire confiance, au moment suprême où il va donner sa vie. Nous entrons aujourd’hui dans ce combat avec lui. Nous savons que dans nos propres existences il y a ce combat-là. Nous pouvons perdre confiance, perdre patience devant les difficultés de l’existence, devant les contrariétés qui nous sont opposées, devant les douleurs, devant les refus aussi de croire que nous constatons autour de nous. Nous pouvons être troublés par le fait de ce que parfois nous appelons l’indifférence grandissante, qui n’est peut-être pas si sûre que cela, tant d’hommes et de femmes sont à la recherche de quelque chose qui les fasse vivre vraiment. Et nous constatons que de nos proches, de nos amis, perdent confiance, s’éloignent du Christ, et c’est pour nous un sujet peut-être de doute.
Nous sommes invités ce matin à entrer dans ce grand combat de Dieu, dans ce grand combat de Jésus pour faire gagner la confiance en Dieu, pour faire gagner le bonheur d’être avec lui, pour faire gagner le courage de vivre avec lui. Que le Seigneur soit notre guide, notre soutien, notre lumière. Que son Évangile soit la parole qui nous fait vivre jour après jour et que sa confiance absolue dans son Père soit le vrai remède, la vraie assurance, dont nous avons besoin pour tenir bon avec espérance dans les combats de notre vie, qui sont les combats de Jésus avec nous, qui sont les combats de Dieu pour tout homme, en faveur de tout homme qu’il aime et qu’il veut sauver.
+Laurent Ulrich, archevêque de Paris