Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Profession perpétuelle d’une sœur Bénédictine du Sacré-Cœur de Montmartre en la Basilique du Sacré-Cœur
Samedi 15 avril 2023 - Basilique du Sacré-Cœur (18e)
– Année A
- Ac 2,42-47 ; Ps 117 ; 1 P 1,3-9 ; Jn 20,19-31
D’après transcription
Mes sœurs,
Mes frères et sœurs qui sont devant moi, nous venons d’entendre cette demande formulée par Sœur Marie Pierre, de vivre la fidélité au Seigneur dans la Congrégation des Sœurs Bénédictines, ici, et dans les autres lieux où elle sera affectée au long de sa vie religieuse.
Nous entendons cela, et nous en tirons certainement la première conclusion que ce que demande Sœur Marie Pierre, c’est de répondre à l’appel de Dieu. Et donc, que c’est Dieu qui est le premier acteur dans cette histoire entre lui et elle. C’est toujours lui qui est le premier, c’est lui qui est le premier à agir et en répondant à cet appel, Sœur Marie Pierre sait qu’elle peut compter sur lui et sur l’Église pour vivre cette fidélité qui lui est demandée et à laquelle elle veut réellement s’engager. Ce qui signifie que ce ne sont pas d’abord ses forces à elle, ce ne sont pas d’abord nos forces à nous qui nous mettent dans la fidélité, mais d’abord la puissance de Dieu qui agit dans le cœur de Sœur Marie Pierre, dans notre cœur à tous. Si nous voulons être fidèles nous ne le serons jamais seulement par les forces qui sont en nous, comme si elles étaient le produit de nous-mêmes et de notre seule volonté. Notre volonté, elle est d’abord fondée sur l’amour de Dieu qui nous a choisis, qui a choisi Sr Marie Pierre, pour lui être fidèle et être de lui un signe, un signe qui durera, un signe qui manifestera tout au long de sa vie, désormais, cet attachement qui est le sien et qui devient un attachement unique.
Il est important d’entendre cela dans le monde d’aujourd’hui qui est, en général, à la fois fier de ses réalisations et inquiet de ses échecs. Fier de ses réalisations, c’est-à-dire désireux certainement de mettre toutes ses forces, mais souvent oublieux que ses forces-là s’appuient d’abord sur la puissance de Dieu. C’est un acte de foi, c’est un acte de foi que fait Sœur Marie Pierre, c’est un acte de foi que fait toute l’Église à chaque fois que quelqu’un s’engage. C’est un acte de foi que nous faisons aujourd’hui avec elle, et auquel elle nous convie à participer. Nous ne pouvons pas ignorer que c’est cette prière-là qui soutient en permanence notre Église, qui soutient en permanence ceux qui souhaitent devenir des disciples de Jésus et des témoins de l’amour de Dieu indicible et pourtant bien vivant, de l’amour fidèle, de l’amour indissoluble de Dieu à notre égard.
Maintenant, quand nous avons entendu cet engagement et cette promesse de vivre, nous savons qu’ils se manifestent de façon variée. La lecture que nous avons entendue, tirée du Livre des Actes des Apôtres, donne des indications extrêmement fortes. Les frères, dit cette lecture, étaient assidus à l’enseignement des Apôtres. Nous traduisons aujourd’hui l’enseignement des Apôtres par le Livre de la Parole de Dieu, les Évangiles, les Actes des Apôtres, les lettres des Apôtres, saint Paul, saint Pierre, et les autres. Et tout cela nourrit tout à fait la fidélité quotidienne de qui veut s’engager à être disciple du Christ. Écouter la Parole de Dieu, écouter l’Écriture, la lire, la partager ensemble, la méditer, en faire profiter d’autres, entendre des commentaires comme celui que je vous fais en ce moment, et d’autres. Pour se laisser nourrir par cette parole, pour faire en sorte que l’engagement pris soit toujours un engagement vécu avec la fidélité de Dieu qui est première. C’est sa parole qui nous entraine, c’est sa parole qui nous appelle, c’est sa parole qui nous constitue en Église. C’est sa parole qui nous engage.
Ils étaient assidus à l’enseignement des Apôtres, ils étaient assidus à la communion fraternelle : cette façon de vivre, que vous avez choisie Sœur Marie Pierre, en communauté, dans une communauté chrétienne, dans une communauté de croyantes et de fidèles, désireuses de vivre et de faire la volonté de Dieu. Cette communion fraternelle qui vous unit bien au-delà d’une sympathie dans la fraternité que Dieu crée entre les hommes, dans la fraternité qui fait que nous nous savons les uns et les autres enfants, fils et filles de Dieu, frères et sœurs les uns des autres, dépassant simplement les capacités de nous entendre les uns avec les autres, mais désireux surtout de faire une communauté qui agit, une communauté qui montre quelque chose de l’Évangile, une communauté qui témoigne de son amour pour le Père, le Fils et l’Esprit Saint. C’est cela la communion fraternelle qu’il s’agit de vivre.
Ils étaient fidèles à la fraction du pain. Ce que nous vivons en ce moment dans cette eucharistie le dit. Ce que nous appelons la fraction du pain, c’est vraiment la fraction du pain à la façon de Jésus, quand il annonce à ses disciples qu’il offre sa vie et que le pain et le vin qu’il est en train de bénir sont désormais le signe réel et efficace de sa présence au milieu des hommes, de son action qui sera de toujours, de sa fidélité qui est permanente. Être fidèle à la fraction du pain, c’est prendre force dans l’eucharistie du Seigneur, au moment où on la célèbre bien sûr, mais surtout tout au long de la vie, tout au long des jours : se laisser toucher par le don du Christ.
Et fidèle enfin aux prières. Dans la vie religieuse, dans la vie communautaire religieuse les prières prennent une forme très régulière, plusieurs fois par jour, et font entrer dans cette communion avec Dieu. Voilà ce que Sœur Marie Pierre a commencé à vivre dans cette communauté où elle veut rester. Voilà ce que nous nous cherchons à vivre aussi si nous voulons être fidèles au Seigneur : fidèles à l’enseignement des apôtres et à l’Évangile ; fidèles à la communion fraternelle entre nous, dépassant les amitiés ou les inimitiés, pour nous fonder dans une vraie fraternité qui vient de Dieu ; fidèles aux sacrements qui nous aident à vivre et nous aident à devenir des missionnaires et des témoins du Seigneur ; fidèles aux prières, les prières communes de l’Église, les prières individuelles de chacun de nous, qui nous laissent dans cette relation permanente avec le Seigneur.
Dans la vie religieuse, ces quatre signes forts prennent la forme des conseils évangéliques de pauvreté, de chasteté et d’obéissance qui, d’une certaine façon résument, mais autrement, ces quatre caractéristiques que je viens de rappeler. Mais, dans la vie religieuse, qui est une vie fraternelle, qui est une vie parsemée comme toutes les autres de difficultés, d’obstacles, d’épreuves, d’inquiétudes, il s’agit de vivre cette fidélité pour être capable de montrer le Seigneur vivant dans la vie de l’humanité, le Seigneur présent dans la vie des hommes et de notre Église, le Seigneur présent à une communauté rassemblée qui veut vivre cette joie de lui appartenir. Il est question, dans ce même passage, de l’allégresse des disciples. Ils sont dans la joie permanente parce qu’ils savent qu’ils appartiennent au Christ, parce qu’ils savent qu’ils veulent le suivre de cette façon que je viens de dire.
Alors voilà pourquoi le Seigneur, dans l’évangile, peut dire : Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange car tu as révélé cela aux tout-petits en le cachant aux sages et aux savants. Ce qui n’est pas une invitation à être ignorants de tout ce que, dans une vie religieuse, on cherche à apprendre pour approfondir la connaissance de Dieu. Mais qui cherche à nous mettre sur le chemin d’une simplicité et d’une vie fraternelle qui révèle l’amour de Dieu et qui nous permet d’entrer plus avant, jour après jour, dans la connaissance même du Père et du Fils, du Père et du Fils dans l’Esprit qui nous habite tous.
L’engagement auquel nous participons à l’instant est un engagement relativement rare dans la vie de l’Église, trop rare d’une certaine façon. Mais c’est un engagement qui nourrit toute la vie de l’Église et toute la vie des chrétiens qui sont ici et qui veulent participer à la fidélité du Christ. Que le Seigneur donne à Sœur Marie Pierre, aux communautés dans lesquelles elle vivra au long de sa vie, dans cette congrégation tout entière, la joie d’appartenir au Christ, de le montrer, et d’être ainsi missionnaire tout en restant liée à une communauté où on vit fidèlement et fraternellement. Que cet engagement vous soit, à vous tous, un signe, un signe de cette présence active de Dieu au milieu de nous.
Qu’il vous éclaire, qu’il vous inspire et que votre prière, en échange de la leur, soutienne les sœurs. Elles vous soutiennent et vous les soutenez. Ensemble nous sommes au service de cette fidélité de Dieu. Nous l’aimons, nous avons envie qu’elle grandisse dans nos communautés, dans toutes nos fraternités, et qu’elle soit un beau signe pour tous, que l’annonce de l’Évangile passe par de tels engagements. C’est ce que nous demandons maintenant au Seigneur pour Sœur Marie Pierre et pour chacun d’entre nous.
+Laurent Ulrich, archevêque de Paris