Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Consécration dans l’Ordre des Vierges à Saint-Germain l’Auxerrois

Samedi 13 mai 2023 - Saint-Germain l’Auxerrois (1er)

Consécration de deux femmes dans l’“Ordo Virginum” du diocèse de Paris

- Is 62,1-12 ; Ps 44 ; Jn 17,20-26
D’après transcription

Que de façons diverses le Seigneur cherche sans cesse à nous faire comprendre que ce qu’il désire le plus fortement c’est l’alliance qu’il compte établir sans cesse avec l’humanité tout entière, avec une part de cette humanité qui est son peuple choisi pour en témoigner, avec certains des membres de ce peuple choisi pour qu’ils en soient particulièrement porteurs, évidemment porteurs de l’alliance, ceux qui choisissent consciemment, avec force, le signe du mariage, mais porteurs de cette alliance aussi ceux et celles qui choisissent de rester dans le célibat, vécu dans la chasteté, comme un signe profond de l’alliance et de la fécondité qu’il désire pour tous.

Nous avons entendu tout à l’heure, dans la lecture d’Isaïe : « Sur tes remparts, Jérusalem, j’ai placé des veilleurs ; ni de jour ni de nuit, jamais ils ne doivent se taire. Vous qui tenez en éveil la mémoire du Seigneur, ne prenez aucun repos ! Ne lui laissez aucun repos qu’il n’ait rendu Jérusalem inébranlable, qu’il ne l’ait faite louange pour la terre ! » (Is 62,6-7). Ceux et celles que Dieu choisit, il les choisit en effet pour être des veilleurs, pour être toujours présents, pour être sans repos pour l’invoquer, sans repos jusqu’à ce qu’il ait transformé toute l’humanité. Mais d’abord celles-là mêmes, les personnes qu’il a choisies, son peuple tout entier, et peu à peu l’humanité tout entière, pour être louange à sa gloire, pour nous établir dans une alliance indéfectible, pour nous établir dans la louange à son nom, pour nous établir dans la joie, pour nous établir dans l’action de grâce pour ce qu’il fait à travers nous.

Nous avons aussi entendu l’évangile dans lequel le Seigneur Jésus attend que se manifeste à travers ses disciples, à travers ceux et celles qui marchent à sa suite, un signe d’unité : « Père, ceux que tu m’as donnés je veux qu’ils soient un, que cela se voie, qu’ils soient un en toi, comme toi et moi nous sommes un ». C’est donc bien la destinée de toute l’humanité qui passe d’abord par nous, croyants, qui est évoquée à travers ce désir de Dieu que l’alliance qu’il fait avec l’humanité soit rendue visible.

C’est évidemment un chemin très long pour l’humanité que de s’en rendre compte. C’est évidemment un long chemin aussi pour ceux et celles qui choisissent d’être fidèles, fidèles à manifester l’alliance du Seigneur. C’est ce chemin, Anne-Geneviève et Patricia, que vous choisissez de rendre visible, avec l’engagement que vous prenez aujourd’hui. C’est ce chemin que vous voulez vivre en prenant cet engagement devant l’Église, c’est ce chemin, en étant assurées que le Seigneur vous l’a inspiré, que le Seigneur vous a permis de le choisir, que le Seigneur vous permettra de le vivre aujourd’hui et demain. C’est ce beau chemin qu’il nous faut comprendre. Le chemin d’une alliance à vivre.

On appelle cela un charisme, un don qui est fait par Dieu. Un don que l’on accepte de porter, de recevoir et de faire grandir. Parfois le mot charisme, dans le monde d’aujourd’hui, est pris comme une sorte d’originalité de quelqu’un, une espèce de singularité, qu’il n’aurait de cesse de manifester au monde pour faire comprendre qu’il n’est pas comme les autres. Mais évidemment, cela n’est pas du tout le sens que nous donnons à ce mot. Si c’est un charisme c’est un don. C’est un don reçu, c’est un don discerné en Église, c’est un don qui a été bien compris, c’est un don dont toutes les facettes ont été explorées autant qu’il est possible, avant même d’y consentir. Si vous y avez consenti c’est parce que vous avez perçu qu’il vous donnait de la joie et de la paix. C’est parce que vous avez accueilli les conseils de ceux qui vous ont accompagnées et qui vous ont fait comprendre qu’il était un don fait à Dieu, un don rendu à Dieu, un don reçu de Dieu et un don offert à tous. Un don offert à tous ceux que vous rencontrerez. Un don offert à tous ceux que vous avez déjà rencontrés et pour lesquels votre chemin a déjà été significatif, et ils sont là aujourd’hui pour vous entourer, vous assurer de leur prière et rendre grâce à Dieu avec vous, pour avoir été choisies de vivre cela.

Mais c’est un don dont vous comprenez aussi qu’il est fait pour porter du fruit. Le Pape François a dit : on ne peut pas comprendre la Vierge Marie sans sa maternité. On ne peut pas comprendre l’Église sans sa maternité. L’Église engendre des fils et des filles qui sont spirituellement accueillis dans l’Église, porteurs du don de Dieu. Et c’est cela que vous allez vivre et que vous vivez déjà maintenant. Que le célibat et la chasteté dans lesquels vous voulez vivre soient un signe de la fécondité que Dieu donne, de la fécondité que Dieu désire pour tous, que chacun soit capable d’engendrer dans l’Église des fils et des filles spirituels d’autres dons faits par Dieu, d’autres dons faits à Dieu, d’autres dons faits à tous.

Le choix que vous faites aujourd’hui, l’engagement que vous prenez, ne vous dispose pas à simplement vous satisfaire d’une manière de vivre particulière, mais vous dispose à aider tous et toutes à porter les fruits que le Seigneur désire pour eux.

Enfin, ce que vous vivez, vous savez très bien que vous n’y êtes pas arrivées sans des combats intérieurs, adaptés à chacune de vos vies, que je n’ai pas besoin de détailler mais que vous connaissez. La route du discernement, la route qui conduit à cet engagement d’aujourd’hui est une route dans laquelle il y a lutte et combat. Lutte et combat à l’intérieur de soi-même, parce qu’il serait probablement, ou apparemment, plus facile de ne pas consentir à cela, de ne pas le vouloir, de le laisser de côté, et chacune de vous deux sait très bien ce que cela signifie dans sa propre histoire. Lutter contre le choix de Dieu, contre le don de Dieu c’est évidemment la voie apparemment la plus simple mais ce n’est pas celle qui finalement s’impose, et vous savez très bien que dans le monde tel qu’il est fait, pas plus celui d’aujourd’hui que celui d’hier, et évidemment pas plus que celui de demain, il ne sera simple ni immédiatement facile de continuer sur ce chemin. Le Seigneur lui-même le dit et nous l’avons entendu dans l’évangile : « Père juste, le monde ne t’a pas connu ; mais moi je t’ai connu, et ceux-ci ont reconnu que tu m’as envoyé. » (Jn 17,25) C’est justement parce qu’il est dans l’habitude du monde de ne pas reconnaitre ce à quoi Dieu l’appelle que justement il y a combat. Un combat intérieur, un combat qui ne cherche pas à faire des victimes, un combat qui cherche au contraire à conduire le monde vers son épanouissement, il y a ce combat-là qui fait que chaque jour doit être le moment pour dire encore oui. Le Livre d’Isaïe le disait tout au début : « Pour la cause de Sion, je ne me tairai pas, et pour Jérusalem, je n’aurai de cesse que sa justice ne paraisse dans la clarté, et son salut comme une torche qui brûle. »

Pour garder cette lumière allumée, rester veilleur et éveillé, capable d’éveiller les autres, certes il faut accepter de combattre, de se tenir debout, de ne pas se taire, de rester vigilant jour après jour, c’est le sens profond du don que vous faites au Seigneur ; du don que vous faites devant l’Église, du don que vous faites pour tous, pour que le monde s’éveille à cet amour indéfectible du Seigneur, à son désir d’alliance permanente. Nous rendons grâce à Dieu pour ce moment. Nous rendons grâce à Dieu pour cette décision que vous avez prise. Nous rendons grâce à Dieu et nous l’implorons : qu’il soit toujours à vos côtés, à nos côtés, que la veille soit aussi parfaite qu’il est possible à un homme, à une femme, à un croyant, et à l’Église tout entière.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris

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