Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe à Notre-Dame de la Gare et consécration du nouvel autel

Dimanche 25 juin 2023 - Notre-Dame de la Gare (13e)

 12e dimanche du Temps Ordinaire — Année A

- Jr 20, 10-13 ; Ps 68 (69), 8-10, 14.17, 33-35 ; Rm 5, 12-15 ; Mt 10, 26-33
D’après transcription

C’est jour de fête, comme nous le disions au début de cette eucharistie. Jour de fête autour de cet autel qui nous rassemble. Et voilà que, en ce jour de fête, les textes de la liturgie nous invitent à méditer sur l’engagement radical à la suite de Jésus, auquel vous et moi sommes sans cesse appelés. Nous sommes convoqués par le Seigneur, en raison même de notre baptême, à nous qui avons été baptisés, ou en raison du baptême auquel quelques-uns, parmi vous, se préparent.

Parler de l’engagement radical chrétien autour de cet autel n’est pas intempestif. Dans le monde d’aujourd’hui nous connaissons des formes de radicalités idéologiques et religieuses qui ne ressemblent pas du tout à celles que Jésus nous propose. Ces radicalités religieuses ou idéologiques dont nous entendons parler usent de violence pour s’imposer. Elles usent de violence pour imposer des comportements réputés bons, mais elles le font avec tellement de violence que nous ne pouvons pas entrer dans leurs perspectives. L’engagement radical à la suite de Jésus est un engagement d’alliance, un engagement d’amour, un engagement qui répond à un désir simple d’aimer celui qui nous aime depuis toujours, celui qui nous bien avant notre naissance, celui qui a donné sa vie pour la multitude, pour tous. L’engagement radical à la suite de Jésus répond à cette phrase que nous avons entendue dans l’Évangile : quiconque se déclarera pour moi devant les hommes, moi aussi je me déclarerai pour lui devant Dieu. C’est une fidélité joyeuse qui nous est demandée. C’est une fidélité quotidienne qui ne se vante pas, qui ne cherche pas à s’imposer, mais qui, chaque jour, peut être mise en œuvre dans des gestes très simples.

L’amour auquel nous répondons est - comme le dit saint Paul dans la lettre aux Romains, dont nous venons de lire un passage - un amour de don gratuit, c’est le mot utilisé par saint Paul. Et c’est donc un don aussi gratuit que nous sommes capables de le faire qui nous est demandé. C’est un don gratuit de notre part en réponse à un don gratuit absolument certain. Le prophète Jérémie avait déjà fait l’expérience de cela. Il était entouré de gens qui en voulaient à sa vie, parce que sa parole était une parole qui les bousculait trop. Mais il était aussi entouré d’amis qui, probablement voulant le protéger d’un sort ignoble qu’on lui réservait, essayaient de le persuader de renoncer à cet engagement radical auprès de Dieu. Et il dit : c’est à toi Seigneur que j’ai confié ma cause.

Donc c’est une chose entendue, la radicalité chrétienne est une radicalité d’amour gratuit, qui répond à un amour premier qui est lui aussi toujours gratuit, il nous est sans cesse assuré, il est en permanence vivant.

Alors voilà pourquoi, devant cet autel, il n’est pas mal de méditer sur l’engagement radical devant Dieu qui est un engagement gratuit. Cet autel - qui vous a été caché jusqu’à présent - et dont vous voyez les veines chatoyantes dans ce marbre que l’on a fait venir exprès pour cela, il a été voulu par vous. Vous l’avez désiré, et vos deux curés successifs s’en sont bien préoccupés depuis des années. Ils ont voulu, et vous avez adhéré à leur choix. Ils ont confié à des artistes, des artisans, des travailleurs, de l’entourer professionnellement de beaucoup d’amour, de le réaliser avec beaucoup d’attention. C’est un signe premier que nous pouvons retenir, il est beau, il est fait pour être vu et il a été voulu, conçu et réalisé avec tout l’amour que l’on est capable de mettre dans une œuvre majeure.

Mais il est encore plus profondément l’œuvre de Dieu, comme vous l’avez dit tout à l’heure, l’artiste principal c’est Dieu, c’est le Christ. L’autel est fait pour figurer le roc, le roc qui est le don du Christ, le don de sa vie. Sur ce roc nous pouvons nous appuyer les uns et les autres. Il est la solidité même, le roc du Christ c’est cet amour gratuit, antécédent à nous, et permanent, le don de la vie pour tous.

Bien sûr il y a d’autres signes dans cette église, comme dans toutes les églises, de la permanence du don de Dieu. Il y a l’ambon de la parole, qui ne cesse d’être proclamée, proclamée dans l’église mais aussi le don de la parole qui ne cesse d’être annoncée en-dehors même des églises par le témoignage de vie, par la parole des croyants que nous sommes, qui ont bien décidé de s’afficher pour le Christ devant les hommes, de ne pas le renier devant les hommes pour que le Christ ne nous renie pas devant Dieu. Alors c’est une autre façon dont le Seigneur est présent.

Il est aussi présent par le tabernacle qui est au fond de l’église, dans lequel sont conservées les espèces eucharistiques, spécialement le pain eucharistique, pour pouvoir être distribué à ceux qui, en communion avec nous qui sommes rassemblés, n’ont pas pu nous rejoindre d’une façon ou d’une autre, à cause de la maladie notamment. C’est la permanence du Seigneur qui est clairement énoncée par le tabernacle et la petite lampe qui est allumée devant. Et c’est pourquoi tout à l’heure, aussi, nous le bénirons lorsqu’il recevra pour la première fois les restes du repas eucharistique.

Mais voilà, cet autel est premier. Il est le signe le plus fort - lorsque nous ne sommes pas rassemblés - de la permanence du don du Christ. Il est le signe le plus fort lorsque nous sommes rassemblés pour l’eucharistie ou pour tout autre sacrement ou déclaration de l’amour de Dieu au milieu des hommes.

Alors nous allons l’entourer avant de célébrer l’eucharistie pour la première fois sur cet autel, nous allons l’entourer de beaucoup d’attention et d’affection. D’abord nous allons invoquer les saints, dans une prière unanime et nous allons déposer les reliques qui sont ici. Il n’est pas d’un usage habituel qu’on introduise 30 reliques d’un coup dans un autel, comme s’il fallait pour être assuré de l’amour de Dieu, le concours de tous les saints. Mais c’est comme cela que c’était dans cette église depuis longtemps et nous n’allons pas renier cette habitude.

Puis j’invoquerai, en votre nom, la puissance de l’Esprit Saint pour qu’il fasse de cet autel un objet consacré qui ne devient pas une table banale sur laquelle on peut poser quelques instruments en guise de dessert. Non, c’est une table que nous respectons sur laquelle nous ne poserons jamais autre chose que ce qui est nécessaire à la célébration de l’eucharistie. Et je l’enduirai de l’Esprit Saint, le Saint Chrême, en le répandant le plus généreusement possible sur cet autel, en l’étalant. Souvenez-vous que le Saint Chrême nous le mettons sur le front du baptisé, le front du confirmé, les mains de celui qui est consacré prêtre, la tête de celui qui est consacré évêque. C’est donc un geste fort que de répandre sur cet autel l’huile sainte, dans un geste de tendresse et d’affection pour le Christ. Il est oint l’autel, il reçoit l’onction comme le Christ a reçu l’onction de la part de son Père.

Nous allons encenser cet autel, poser de l’encens sur l’autel, qui monte avec nos prières vers le Seigneur. Et nous illuminerons cet autel avec les cierges que nous poserons sur lui.

Puis nous recouvrirons cet autel de la nappe blanche, comme on revêt un nouveau baptisé du vêtement blanc. Il a été transformé par le Christ, l’autel est ainsi habillé et signifie, avec les nappes que l’on met sur lui, la présence du Christ ressuscité. L’autel ainsi revêtu nous pourrons y célébrer l’eucharistie quelques instants après.

Voilà ces gestes d’attention que nous allons porter à l’autel comme au Christ lui-même. L’autel c’est le Christ. Que nous respections ce moment, ce lieu, cet autel parce que nous avons de l’affection pour lui puisqu’il représente de façon stable et solide le Christ sur lequel nous reposons notre vie et répondons par notre amour au sien.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris

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