Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe à Saint-Germain l’Auxerrois

Dimanche 9 juillet 2023 - Dimanche 9 juillet 2023

Esprit de Dieu, esprit de paix

– 14e Dimanche du Temps Ordinaire — Année A

- Za 9, 9-10 ; Ps 144 (145), 1-2, 8-9, 10-11, 13cd-14 ; Rm 8, 9.11-13 ; Mt 11, 25-30
D’après transcription

Nous lisons, ces derniers dimanches, des extraits de la Lettre de saint Paul aux Romains, dont le message est parfois un peu difficile à garder, à interpréter pour nous-mêmes. Mais voilà que, aujourd’hui, nous avons dans l’expression de Paul, une vraie perle pour notre méditation de ce soir : l’Esprit de Dieu, dit Paul, habite en vous. Voilà une très bonne nouvelle pour chacun d’entre nous : l’Esprit de Dieu - il dit ailleurs : l’Esprit du Christ. Et depuis les débuts, instruits par ce genre de propos, dans les Églises chrétiennes, dans la nôtre, nous disons : l’Esprit du Père et du Fils, c’est le même, qui habite avec nous, l’Esprit qui est envoyé par Dieu et qui est présent dans le Christ, et qui le conduit tout au long de sa vie par sa Parole et dans ses actions, jusqu’au don total de lui-même. Cet Esprit-là habite en nous. C’est l’Esprit de la vie, c’est l’Esprit qui nous éloigne de la mort - non pas de la mort corporelle à laquelle nous sommes tous voués - mais qui nous éloigne de la mort de l’Espérance en nous, qui nous éloigne de la mort qui ressemble à un fatalisme devant toute entreprise qui permettrait de vivre dans la joie et la paix. Voilà cet Esprit de Dieu, cet Esprit du Père et du Fils qui habite en nous. Nous espérons être de ceux qui sont habités par l’Esprit de paix, par l’Esprit de vie, par l’Esprit d’espérance, par l’Esprit qui nous fait nous ouvrir à ce que Dieu veut.

Voyez comme il en est question, déjà, dans la première lecture tirée du prophète Zacharie. Que se passe-t-il dans ce chapitre 9 du prophète Zacharie ? Les circonstances sont les suivantes : Alexandre le Grand, le grand conquérant du IVe siècle avant Jésus, est aux portes de la Palestine, il vient de prendre la ville de Tyr, l’orgueilleuse ville de Tyr ! Et déjà, voyant tout ce que fait ce grand général, ce grand conquérant, des gens disent : celui qui conquiert toute la terre c’est un envoyé de Dieu, c’est presque un dieu. Mais voilà que le prophète Zacharie dit : non, l’Esprit de Dieu habite avec celui qui fait la paix, l’Esprit de Dieu habite avec celui qui a refusé tout esprit de domination, l’Esprit de Dieu est avec celui qui préfère la joie des pauvres à la puissance des conquérants. Voilà ce que le prophète dit. Et nous voyons bien que c’est ce même Esprit qui nous est donné et auquel nous sommes invités à dire oui.

Dans l’évangile que nous venons d’entendre, nous voyons bien que c’est la révélation que les pauvres comprennent. Je te rends grâce, Père, dit Jésus, parce que ce que tu as révélé tu l’as révélé aux petits. Non pas aux puissants, non pas à ceux qui ont la solution à tout, non pas à ceux qui savent où se trouvent tous les chemins de la puissance et de la domination, mais à ceux qui espèrent, parce qu’ils sont pauvres, parce qu’ils sont fatigués, parce qu’ils ne savent plus où aller, et qu’ils attendent, vraiment, quelqu’un qui les écoutera, quelqu’un qui leur permettra de grandir, quelqu’un qui saura vraiment faire du chemin avec eux humblement, simplement. L’envoyé de Dieu il est là, non pas monté sur un cheval de conquête, mais sur un petit âne - vous connaissez cela, on dit cela de Jésus au jour des Rameaux. Il n’est pas monté sur un cheval de conquête mais sur un petit âne de rien du tout, qui est l’animal de compagnie ou celui qui tire les fardeaux lourds à la place du pauvre. Voilà l’Esprit qui nous est donné.

Et je sais qu’il est donné aujourd’hui encore. Il y a tant de témoins de cet Esprit de paix et de réconciliation, de refus de domination, de joie et d’espérance, tant de témoins.

Cette semaine, j’ai eu la joie de conclure le procès diocésain en vue de la béatification de Paulin Enfert, un Parisien de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, dans le 13e arrondissement. Il a créé tant et tant d’institutions généreuses pour aider, justement, les plus simples, les plus humbles, les plus pauvres, à ne pas désespérer de la vie ! Et certaines de ces institutions, comme La Mie de Pain, continuent d’exister, et continuent d’être de ces lieux où l’on fait la paix sociale, où l’on donne le désir « d’une amitié sociale » - pour reprendre l’expression du pape François. Il y a, à toutes les époques de la vie, des hommes et des femmes animés de cet Esprit du Père et du Fils, qui leur permet d’être toujours à l’écoute des souffrances et qui leur permet de relever les cœurs fatigués, abattus, désespérés. Il y en a encore aujourd’hui, dans la société dans laquelle nous vivons, et j’en connais - et vous en connaissez - de ceux qui sont engagés réellement au service de tous, et notamment des plus pauvres, pour faire vivre cette « amitié sociale ».

Dans les violences que nous venons de vivre, dont nous avons été témoins au cours des jours derniers dans nos villes, il y a, heureusement, des hommes et des femmes qui ne se désespèrent pas, et qui croient qu’il est possible d’être au milieu de ceux qui ont le sentiment de ne plus avoir d’avenir, de leur tendre la main et de leur ouvrir des voies nouvelles d’espérance.

Des hommes et des femmes habités par l’Esprit du Seigneur il en est beaucoup, sachons les regarder, les retrouver, et, peut-être, être nous-mêmes de ceux-ci.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris

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