Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe et confirmations des adultes
Samedi 9 décembre 2023 - Saint-Sulpice (6e)
– Voir l’album-photos de la célébration.
– Jl 3,1-5a ; Ps 103 ; Rm 8,22-27 ; Jn 7,37-39
Vous attendez, certes, vous qui allez être confirmés dans un instant, la venue de l’Esprit Saint en vous, comme s’il n’y était pas déjà. Il l’est en effet, et les lectures que nous venons d’entendre le disent chacune à leur façon. Il l’est mais il va grandir en vous. Et de plus en plus conscients d’être cet abri pour l’Esprit Saint, dans votre corps, dans votre cœur, dans votre esprit, vous verrez davantage son œuvre.
Je cite d’abord le prophète Joël que nous avons entendu en première lecture : « Je répandrai mon esprit sur tout être de chair » (Jl 3,1). Chacun de nous est visé par cette promesse de Dieu transmise par le prophète Joël. Et le prophète Joël, sans que je fasse une grande leçon d’histoire, c’est bien avant Jésus qu’il s’exprime devant le peuple, le peuple de Dieu, le peuple choisi par Dieu. Dans ce que nous appelons l’Ancien Testament, la première Alliance, les croyants avaient l’assurance, le sentiment qu’il existait un Esprit Saint, un Esprit de Dieu qui est capable d’habiter le cœur des hommes et des femmes. Et vous en avez eu aussi l’expérience j’en suis sûr.
Quand je lis les lettres que vous m’écrivez, j’en prends à chaque fois conscience encore plus. Je pense à deux lettres particulièrement, mais toutes le disent. D’abord le sentiment que vous vous sentez vous-mêmes guidés, et quand je dis vous c’est au pluriel vraiment, même si cette expression vient d’une seule lettre, mais d’autres le disent aussi. J’ai été accompagné par la prière de deux personnes, cela voulait dire : qui m’ont permis de franchir le pas et de demander à me préparer à la confirmation. Cela, c’est un signe de l’Esprit qui habite dans le cœur des autres et de vous. Être capable de faire le pas avec la force de l’Esprit Saint, être soutenu par la prière d’autres qui prient pour que vous avanciez dans le chemin de la reconnaissance, de la présence de Dieu en vous, et de son action, c’est important.
Je pense à une autre lettre qui dit : j’ai été emmené, peut-être un peu par hasard, par quelqu’un de ma connaissance dans un groupe où se trouvaient des jeunes porteurs de handicap, j’ai été frappé de leur amour de la vie et de l’amour de leurs parents pour eux. Cela aussi c’est un signe de l’Esprit qui habite en chacun. L’Esprit ne fait pas de distinction entre les personnes, l’Esprit est répandu sur tous. Et c’est formidable de s’en rendre compte, d’en avoir conscience, de le dire et d’en témoigner. Cela aussi c’est une action de l’Esprit qui donne la force de témoigner de sa présence et de sa transformation, de la transformation qu’il opère en chacun, une grande œuvre.
Voilà que dans la Lettre aux Romains, ensuite, nous avons entendu ceci : « Nous avons commencé à recevoir l’Esprit Saint et nous attendons notre adoption et la rédemption de notre corps ». « Nous avons commencé à recevoir l’Esprit Saint » : on peut se dire cela tous les jours. Cela n’est, d’une certaine façon, jamais fini. L’Esprit a pris possession de nous parce que Dieu le souhaite et il fait son œuvre en nous parce que Dieu le souhaite aussi. Il apporte du soin à notre vie, à la vie des autres, à la vie du monde. Mais c’est un long chemin, même s’il a pris possession de nous il faut le laisser prendre toute sa place dans notre cœur, dans notre vie, dans tous nos engagements. Et là, c’est quelqu’un d’autre parmi vous qui a remarqué qu’une personne toute proche d’elle, de sa famille, avait commencé un chemin, je ne me souviens plus mais peut-être pour recevoir le baptême ou la confirmation, et avait remarqué dans cette personne proche la belle transformation qui s’opérait en elle. Ici aussi, la marque de l’Esprit qui transforme, la marque de l’Esprit qui ouvre aussi les yeux et la conscience sur ce qu’il fait dans les personnes, parce qu’il les appelle, parce qu’il les invite à grandir, parce qu’elles comprennent, ces personnes, que c’est un chemin qui va grandissant, qui va s’élargissant, où l’Esprit va prendre de plus en plus de place de plus en plus de place dans nos cœurs, qui va changer nos comportements, transformer nos égoïsmes, nos fermetures de cœur en ouverture d’esprit et de cœur en compréhension plus grande, en miséricorde à l’égard des autres, en bienveillance, en pardon. Toutes ces choses qui se vivent peu à peu dans la vie quotidienne. Nous avons commencé à recevoir l’Esprit Saint. Souvenez-vous de cela.
Ne vous attendez pas à ce que, dès que vous serez sortis de cette église, vous soyez complétement retournés et transformés, mais attendez-vous à voir en vous ce que vous avez déjà vu depuis que vous vous êtes entraînés et préparés à la confirmation. Un chemin c’est progressif, un chemin c’est pour tous les jours, un chemin c’est pas après pas, petit à petit, et c’est une belle chose. On peut n’avoir pas besoin de rêver de grand soir ou de grande transformation, mais d’espérer que jour après jour ce sera un peu mieux aujourd’hui qu’hier et demain qu’aujourd’hui. Cela n’est jamais fini. Cela veut dire aussi qu’il ne faut jamais se désespérer de cela. Il ne faut jamais se décourager devant les difficultés, devant les insuffisances, devant les sortes d’échecs que nous pouvons enregistrer un jour ou l’autre. Nous dire : je n’ai pas fait ce que je voulais, je n’ai pas réussi dans tel moment de mon existence à pardonner, je n’ai pas réussi à faire telle partie de chemin avec telle personne, je me suis découragé devant les engagements que j’ai pris, je me suis découragé devant la difficulté du monde d’aujourd’hui à rechercher vraiment la paix, par exemple. Non, jour après jour, reprendre le courage de se dire que la conversion est possible, qu’elle demeure progressive, qu’elle nous fait avancer peu à peu. N’ayons pas peur de cela.
Et enfin, dans l’Évangile, Jésus disait : de son cœur couleront des fleuves d’eau vive, approchez-vous de Jésus. En disant cela, il parlait de l’Esprit Saint qu’allaient recevoir ceux qui croiraient en lui. Alors, nous sommes dans une situation et dans un monde où on a l’impression que la foi disparait. Mais voilà que vous vous êtes là, et que dans le cours de votre vie, parfois déjà bien avancé pour quelques-uns, et pour un grand nombre d’entre vous dans l’âge encore jeune mais quand même au cours de votre vie, il y a ce changement formidable qui se passe, et qui vous ouvre un avenir. A ceux qui croient en lui, Jésus leur annonce qu’ils seront accompagnés de l’Esprit Saint qui leur permettra de vivre, qui leur permettra de s’ouvrir davantage, qui leur permettra de ne jamais désespérer.
J’ai lu avec beaucoup de bonheur cette phrase dans l’une de vos lettres : « désormais je veux davantage de prière, davantage d’engagement, davantage de sainteté ». Excusez du peu : demander à Dieu qu’il soutienne votre marche pour devenir saint comme lui-même est saint ; demander au Christ de recevoir son Esprit pour vivre davantage dans la sainteté, qui n’est pas la perfection absolue, mais qui est la confiance totale en Lui, sur le chemin, qui fait espérer que notre monde difficile n’est pas perdu, mais au contraire promu à être sauvé, transformé, de plus en plus aimant, de plus en plus capable de renoncer à la violence, de plus en plus capable d’accompagner tous ceux qui sont autour de nous vers un monde plus pacifique, plus espérant, davantage croyant, dans l’amour de Dieu pour tous.
Vous voyez que les transformations se font dans votre propre cœur sous l’effet de l’Esprit Saint, ne désespérez pas que ces transformations puissent toucher peu à peu le monde tout entier. C’est la volonté de Dieu, c’est à cette volonté-là que vous vous consacrez désormais.
+Laurent Ulrich, archevêque de Paris