Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe de lancement d’Hiver-Solidaire en la paroisse Notre-Dame des Champs

Samedi 5 octobre 2024 - Notre-Dame des Champs (6e)

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 26e Semaine du Temps Ordinaire — Année B

- Jb 42, 1-3.5-6.12-17 ; Ps 118, Lc 10, 17-24

Le Livre de Job est un livre assez long, de 42 chapitres, et en une semaine on le parcourt, un peu à grandes enjambées, chaque jour de la semaine. Dans cette dernière partie que nous avons lue, le texte d’hier et le texte d’aujourd’hui, c’est l’histoire du malheur d’un parfait innocent, puisque Job est reconnu par Dieu pour être un homme juste : la souffrance de Job est donc une souffrance injuste. Une souffrance qui lui est infligée alors qu’il fait le bien, alors qu’il vit dans le respect de Dieu et des autres. Et c’est évidemment un grand mystère que cette souffrance et cette douleur qui accablent les hommes et les femmes de tout temps, indistinctement, les justes comme les injustes, les bons comme les méchants. Et voilà que Job mis à l’épreuve de la souffrance reçoit la visite de ses amis, lesquels ont pour lui un langage très curieux, accusateur, en lui disant : « Tu te crois honnête, tu te crois bon, et en réalité tu es orgueilleux et c’est pour cela que tu souffres. » Job n’accepte pas cette façon de voir. Il a grande confiance en Dieu et il n’accepte pas que son malheur soit le résultant de son péché. Il n’accepte pas que le malheur qui le touche soit l’œuvre de Dieu qui le punit. Alors il a refusé ce langage qu’on lui tient.

Mais il se trouve qu’il se bat avec Dieu. Il se trouve qu’il est en combat contre Dieu, qu’il lui dit : « Mais qu’est-ce qu’il m’arrive et pourquoi cela m’arrive-t-il ? Pourquoi suis-je douloureux ? Pourquoi dois-je souffrir dans cette situation ? » On pourrait croire que Job fait des remontrances à Dieu. En réalité il combat contre le mal qu’il subit et il fait cette expérience profonde que Dieu est là, dans la douleur, dans la souffrance et dans le combat qu’il mène. Il découvre que Dieu est toujours là ; il découvre qu’il fait une véritable expérience de Dieu à travers la souffrance qu’il traverse. Il trouve qu’il l’a rencontré : « J’ai fait une vraie rencontre, je me tais, j’ai parlé trop vite, dit-il, je t’ai rencontré maintenant je le sais. J’avais confiance en toi mais maintenant je t’ai rencontré au cœur de la douleur qui était la mienne ».

La grande leçon du Livre de Job c’est celle-ci : Dieu n’abandonne jamais les hommes qu’il aime, dans quelques situations qu’ils soient. Ils ont le droit, bien sûr, de se révolter de la souffrance qui les afflige, mais ils peuvent faire l’expérience de lui ; ils peuvent faire l’expérience de Dieu présent au cœur de toute vie quelles que soient ces circonstances.

Évidemment ce n’est jamais facile ; évidemment on ne peut pas le dire à celui qui souffre : « Dieu est là avec toi », car il ne l’entend pas toujours. Mais on peut être sûr, quand on est croyant, qu’il se montre d’une façon ou d’une autre, discrète, intérieure. Et nous savons combien la relation avec Dieu est capable de pacifier des hommes et des femmes qui souffrent. C’est à méditer, c’est à retenir. Non pas pour faire la leçon comme les amis de Job en disant : « C’est parce que tu as mal agi », ou bien « Regarde bien, Dieu est tout près de toi et il te punit. » Non pas faire la leçon mais, simplement dans notre cœur, retenir que cette présence est sûre.

Dans l’évangile c’est très beau aussi : les 72 disciples que Jésus a envoyés en mission pour annoncer l’Évangile, pour dire en somme que « Le royaume de Dieu est proche de nous », et aussi pour guérir, pour faire du bien. Ces 72 reviennent et racontent à Jésus ce qu’ils ont vécu. Ils ont été complétement transformés. Peut-être qu’ils partaient avec des pieds de plomb en disant : « Qu’est-ce qu’il nous fait faire ? Qu’est-ce qu’il nous demande ? C’est excessif nous n’y arriverons pas, nous ne sommes pas capables ! » Et ils reviennent en disant : « Même les démons nous étaient soumis en ton nom ! » Ils ont l’impression d’avoir eu part à la puissance de Jésus. Ils ont l’impression d’avoir pu faire du bien grâce à Jésus, et peut-être, ont-ils un peu pensé, grâce à eux. Mais Jésus leur dit : « Là n’est pas la vraie joie. La vraie joie c’est de savoir que vous avez été envoyés par Dieu lui-même pour annoncer l’Évangile, pour dire que le royaume de Dieu était proche, pour faire du bien autant que possible. Et vous l’avez fait en son nom et alors vous découvrez que votre nom est dans le cœur de Dieu. »

Alors, au moment où vous êtes, vous-mêmes, envoyés en mission dans le cadre d’Hiver Solidaire, vous pouvez sentir que cette parole vous dit quelque chose à vous. Vous pouvez quelque chose ; nous pouvons ; l’Église peut quelque chose pour accueillir, pour faire du bien, pour permettre le développement de nouvelles relations, pour faire grandir le désir d’être réinséré et d’en avoir la capacité. Vous pouvez vous dire cela.

Vous pouvez aussi vous dire : « C’est trop difficile pour moi, je n’en suis pas capable, je ne me crois pas capable de tout cela. » Mais pourtant, puisque vous en avez déjà l’expérience, en général, vous savez que ces mois d’hiver avec les personnes accueillies sont l’origine d’une joie de vivre. Vous savez qu’au plus profond de vous-mêmes il y a de la joie à le faire parce que Dieu n’abandonne personne. Ni ceux qui sont dans la rue, ni vous qui allez vers eux et allez les accueillir, qui allez être auprès d’eux de façon permanente pendant ces mois qui s’annoncent.

Le Seigneur est là. Le Seigneur ne nous quitte jamais. Le Seigneur nous fait vivre cette dimension profonde de la charité, de l’amour qu’il porte à tous et qu’il nous confie. Qu’il soit avec vous tous les jours de cet hiver et tous les jours de votre vie. Votre nom, notre nom de fidèle du Christ est inscrit dans les cieux et c’est cela la joie la plus profonde que nous pouvons partager.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris

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