Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe de la Toussaint à Saint-Germain de Charonne

Vendredi 1er novembre 2024 - Saint-Germain de Charonne (20e)

– Toussaint

- Ap 7, 2-4.9-14 ; Ps 23 (24), 1-2, 3-4ab, 5-6 ; 1 Jn 3, 1-3 ; Mt 5, 1-12a

Il y a une fête auprès de Dieu, une fête qui est nombreuse, une fête qui semble remplie de joie, dont nous avons entendu parler dans la première lecture. C’est un moment très étonnant qui nous est décrit dans le Livre de l’Apocalypse, cette vision non seulement de Dieu mais des peuples qui se rassemblent autour de Lui. « Il y a beaucoup de joie dans le ciel » : c’est une formule que nous entendons et qui vient aussi de l’Évangile. Ceux qui sont ici rassemblés ce sont ceux qui ont cherché à vivre, qui ont vécu et qui vivent de l’esprit des Béatitudes. C’est-à-dire de cette façon de regarder le monde sans vouloir le dominer soi-même, mais plutôt en accueillant les autres avec douceur, avec esprit de justice, avec humilité, avec simplicité de cœur, avec le désir de faire ce qui est bien pour les autres et de les laisser passer avant nous. De les considérer, comme dit l’apôtre Paul ailleurs, « supérieurs à nous-mêmes ». Voilà cet esprit des Béatitudes, qui n’est pas l’esprit du monde mais l’Esprit de Jésus, l’Esprit de Dieu infusé dans nos cœurs. Voilà qui est auprès de Dieu au moment de cette grande fête que l’évangéliste, l’auteur de l’Apocalypse, voit de ses yeux et dans sa foi.

Mais l’évangéliste sait aussi que pour parvenir à être dans cet esprit de l’Évangile, dans cet esprit des Béatitudes, les épreuves ne manquent pas aux hommes qui les vivent. D’abord parce qu’il faut lutter contre soi-même pour vivre l’esprit des Béatitudes : parce que nous sommes faits comme tout le monde, nous avons le désir de passer avant les autres, nous avons le désir de satisfaire nos besoins avant les autres, nous avons le désir de nous imposer, c’est assez naturel, et nous oublions la justice, nous oublions la fraternité, et nous oublions le service. Et puis il faut lutter bien sûr contre l’esprit du monde : dans le monde ceux qui vivent l’esprit des Béatitudes ne sont pas toujours bien accueillis, bien compris. Et même ils peuvent être – nous le voyons à toutes les époques et encore à la nôtre – violentés, méprisés, ignorés même, mis de côté. Cela arrive partout, cela arrive de tout temps, cela arrive dans notre temps où nous avons les nouvelles bien douloureuses dont nous sentons qu’elles atteignent les serviteurs de l’Évangile partout dans le monde.

Alors il y a de la joie dans le ciel, il y a de l’épreuve dans la vie de tous les jours, mais nous ne sommes pas tout seuls pour essayer de vivre l’esprit des Béatitudes. Il y a cette foule immense « que l’on ne peut dénombrer » dit l’Apocalypse. Il y a ces 144 000, chiffre symbolique qui veut dire que c’est infini. Le nombre de ceux qui vivent l’esprit de l’Évangile est infini et nous sommes dans une grande procession avec eux, si nous le voulons bien. Il y a, bien sûr et d’abord, les saints de la porte d’à côté, comme le dit le pape François. C’est-à-dire des hommes et des femmes tout simples, qui vivent cet esprit, parfois en connaissant les Béatitudes et l’Évangile, et puis même parfois sans le connaître mais parce que Dieu est à leurs côtés et les aide à vivre cet esprit de simplicité, cet esprit de joie, cet esprit de bonheur partagé, cet esprit de justice pour tous, cet esprit qui ne cherche pas à dominer. Les saints de la porte d’à côté, je suis sûr que vous en connaissez : des gens que vous regardez vivre et dont vous vous dites qu’ils sont toujours au service des autres, que celui-ci, ou celle-là est toujours prêt à montrer l’amour qui se donne, que sa vie est une vie sans cesse ouverte aux autres et à Dieu, que sa vie est remplie de simplicité, d’humilité, de désir d’aimer. Vous en connaissez : regardez-les ! Quant à moi, j’en connais beaucoup dans les communautés chrétiennes, dans l’Église qu’il m’est donnée de servir depuis longtemps, j’en connais beaucoup, j’en vois et je suis heureux de cela. Et je me dis qu’ils font même bien mieux que je ne le fais moi-même. Chacun de nous, nous avons autour de nous, proches de nous, des saints, des saints qui s’ignorent, des saints que Dieu connaît, des saints que nous pouvons regarder, admirer, aimer et imiter.

Et puis il y a la grande foule des saints de l’histoire chrétienne, qui s’écrit depuis si longtemps, et ceux-là nous précèdent, nous entendons parler. Ici-même, dans ce lieu, on dit que deux grands saints de l’histoire de Paris, saint Germain, évêque d’Auxerre, et sainte Geneviève, ce sont rencontrés. Et on a voulu faire mémoire de cette rencontre de ces deux personnes remplies d’un esprit d’initiative au service des autres, de ces deux personnalités fortes qui ont marqué leur temps, qui ont marqué cette région autour de Paris parce qu’ils ont été ouverts à tous, ouverts aux autres et serviteurs. Nous les aimons, nous les honorons, nous savons qu’ils font partie de la cohorte de ceux qui nous précèdent, et nous les prions. Nous savons qu’ils sont quelqu’un devant Dieu, même s’ils n’ont pas cherché à être quelqu’un devant les hommes.

Dans cette église, nous fêtons aussi saints Cyrille et Méthode, des grands évangélisateurs pleins d’esprit d’initiative pour annoncer l’Évangile. Et ceux-là aussi ils sont proches de nous, proches de Dieu et ils font - d’une certaine façon avec le Christ, parce qu’ils entourent le Christ – le pont entre nous et le Seigneur.
Et puis vous connaissez, vous-mêmes, chacun d’entre nous nous connaissons, quelques saints préférés. Nous avons des hommes et des femmes dans notre mémoire, ou peut-être un peu dans notre imagination, que nous aimons particulièrement, vers lesquels nous sommes capables de nous tourner. Ils sont pour nous des modèles, des modèles de vie parce que nous la connaissons un peu, nous l’aimons. Et si nous n’en connaissons pas assez je vous invite à connaître la vie de saints de l’histoire chrétienne. Il y en a beaucoup et chacun de nous peut en trouver au moins un à qui il aurait envie de ressembler.

Ils sont pour nous des modèles mais ils sont aussi pour nous, dans notre foi catholique, des intercesseurs. C’est-à-dire que nous pouvons passer par eux et les prier d’apporter notre prière auprès du Seigneur Jésus et de Dieu son Père. Bien sûr il y a d’abord la Vierge Marie, par laquelle nous faisons passer tant de besoins, tant de demandes, tant d’intentions. Mais il y a aussi saint Joseph son époux, et tant d’autres. Nous ne sommes pas seuls. Dans le catéchisme de l’Église catholique il est dit : que « sur le chemin de la sainteté nous marchons ensemble. Le chrétien ne vit jamais tout seul mais en Église, pour accomplir sa vocation particulière, pour vivre les Béatitudes, pour vivre dans l’esprit de l’Évangile. De l’Église, est-il dit encore, le chrétien reçoit l’Évangile, la Parole de Dieu. De l’Église il reçoit les sacrements qui l’approchent sans cesse du Christ. Et de l’Église il reçoit aussi l’exemple de la sainteté. »

Alors puisque nous vivons cela avec le Seigneur, sa Parole, ses sacrements, et l’exemple des saints, profitons-en, regardons les saints de la porte d’à côté, faisons monter notre prière par les saints de l’histoire chrétienne, ils sont si nombreux que chacun de nous nous pouvons essayer de ressembler au moins à l’un d’entre eux.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris

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