Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Confirmations d’adultes en la cathédrale Notre-Dame de Paris

Samedi 18 janvier 2025 - Notre-Dame de Paris (4e)

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- Jl 3, 1-5a ; Ps 103 ; Rm 8, 22-27 ; Jn 7, 37-39

Nous avons entendu cela dans le psaume il y a quelques instants : « Quelle profusion dans tes œuvres, Seigneur ». Et nous avons chanté l’émerveillement devant les œuvres du Seigneur, qui sont les œuvres de la Création mais qui sont aussi les œuvres que nous, créatures, nous exécutons quand nous avons, avec nous, l’Esprit qui nous transforme et qui fait le bien à travers nos œuvres. Et beaucoup d’entre vous dans leur lettre, chers amis confirmands, m’ont dit cet éblouissement, cette admiration pour l’œuvre du Seigneur dans votre vie, dans ce que vous constatez de la Création, ce que vous voyez de la nature, en vous plaignant peut-être parfois qu’elle soit maltraitée bien sûr. Mais vous êtes émerveillés devant la beauté de la nature, mais aussi la beauté de la vie humaine. La vie humaine qui naît, la vie humaine naissante mais aussi la vie humaine qui se bat pour tenir bon, jour après jour, dans des épreuves de santé par exemple. Vous le dites dans vos lettres : il y a eu des moments de découragement mais vous avez aussi admiré comment d’autres sont capables de vivre avec ce cœur, de vivre pour Dieu, de vivre pour les autres, de vivre aussi pour eux-mêmes parce qu’ils savent qu’ils sont détenteurs d’un don magnifique qui s’appelle la vie. Et devant les épreuves de la vie, devant aussi des combats qu’il faut mener pour la justice, pour le respect des autres, vous voyez que se déploient beaucoup d’énergie, beaucoup de cœur, beaucoup d’intelligence et vous trouvez qu’il y a dans l’œuvre de Dieu, l’œuvre naturelle mais aussi l’œuvre culturelle, des choses tout à fait magnifiques. Et c’est Dieu lui-même qui les veut, ces choses, et qui veut qu’à travers nous elles grandissent.

Alors oui, exultation, joie devant la profusion des œuvres du Seigneur ! Le grand psaume que nous avons chanté tout à l’heure, vous pourrez le relire. C’est un psaume d’émerveillement et il y a comme cela deux ou trois psaumes qui sont des vraies prières d’émerveillement devant l’œuvre de Dieu, devant l’œuvre que Dieu a faite dans la Création, qu’il continue de faire dans la Création et dans la vie de chacun d’entre nous : il y a vraiment des merveilles. On dit parfois, dans le langage d’aujourd’hui, des « pépites », des pépites d’or dans la vie des hommes et des femmes d’aujourd’hui, dans votre vie à vous, dans la vie de ceux que vous côtoyez. Vous voyez qu’il y a beaucoup de beauté, beaucoup d’énergie, beaucoup d’intelligence, beaucoup de persévérance. « Quelle profusion dans tes œuvres, Seigneur ».

Mais vous savez aussi, et nous l’avons entendu dans la deuxième lecture, que la Création tout entière gémit. Elle passe par les douleurs d’un enfantement, et « nous aussi, dit l’apôtre, nous gémissons ». Oui, c’est vrai que dans la vie que nous menons, dans votre vie, dans notre vie, dans la mienne, il y a des moments de souffrance, des moments de gémissements, des moments où on se dit : « Où allons-nous ? Qu’est-ce qui nous arrive ? Quelle douleur traverse notre existence ? » On se le dit souvent, et je cite là deux lettres que j’ai lues et qui me disent la force qui vous tenait. L’une dit : « C’est dans le chagrin que ma foi s’est révélée. Dans le chagrin, c’est-à-dire à travers les épreuves de la vie, j’ai découvert qu’il y avait une présence. J’ai découvert qu’en effet nous gémissons, nous sommes souffrants, mais nous sommes vivants et nous sommes toujours des œuvres de Dieu en étant vivants. » Une autre lettre dit : « C’est dans la sombre nuit que le Christ s’est révélé à moi ». Vous savez bien qu’il y a des moments d’existence où on est plutôt dans la nuit que dans le jour. Où on ne sait pas où orienter ses pas, où on a l’impression de buter contre des murs et de ne pas pouvoir avancer. Il y a des choses qui nous retiennent, il y a des événements, il y a des souffrances que l’on ne sait pas dominer. Et alors on est heureux de pouvoir dire : « Je ne suis pas tout seul ; je sais qu’il y a quelqu’un qui vit avec moi, en moi, et qui ne m’abandonne pas, qui me parle et qui m’écoute. »

Voilà dans ce gémissement que nous sommes capables d’émettre devant la vie difficile. Cela peut être aussi devant la vie difficile du monde dans lequel nous sommes, ce ne sont pas simplement les épreuves personnelles mais ce sont les inquiétudes pour le temps de guerre, les inquiétudes à cause de la division dans une société, dans une famille, les inquiétudes à cause de la détresse la plus profonde, des famines, des événements extraordinaires qui mettent des gens dehors. On pense à ce qui s’est passé à Mayotte récemment, et peut-être que l’un ou l’autre de vous a de la famille là-bas. Chacun sait la difficulté, la dureté, le sentiment que devant ce qui nous arrive nous gémissons avec les autres. Mais se découvre la présence de Celui qui n’abandonne pas.

Parce que nous avons aussi entendu dans l’Évangile : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi ». Et vous en avez fait l’expérience, et c’est pour cela que vous êtes là aujourd’hui. Que vous ayez été baptisé enfant, ou baptisé adulte, vous savez depuis le début de votre vie qu’il y a des moments de solitude, qu’il y a des moments de grandes peines parce qu’on ne voit pas clair. Mais voilà que le Christ vient à nous, le Christ ne nous oublie pas. Et il nous redit : « Si vous avez soif de vie ; si vous avez soif d’amour ; si vous avez soif de communion ; si vous avez soif de sens à donner à votre vie : alors je suis là avec vous. Et c’est une grande merveille de l’existence de découvrir cette présence qui ne nous quitte pas.

J’ai lu cela aussi dans plusieurs de vos lettres. Le sentiment, que vous avez découvert, que dans la vie il y a cette présence de Celui qui ne nous abandonne pas. Je n’invente rien, je l’ai lu encore dans une lettre. Celui ou celle qui écrit précise : « Je vous donne le témoignage d’un chemin avec le Seigneur qui ne m’a jamais quitté. Quand a-t-il été découvert ? Je ne le sais. Peut-être a-t-il été découvert dès l’enfance. » Un certain nombre d’entre vous, évoquant leur foi, disent : « J’ai mis du temps à me décider à demander le baptême, à demander la confirmation, à venir à l’église régulièrement, à prier avec les autres, à écouter l’Évangile, à rendre service aussi à cause de Jésus, par amitié pour Jésus. J’ai mis du temps à faire tout cela, j’ai mis du temps à croire, j’ai mis du temps à comprendre que je croyais, mais je sais qu’en y regardant de près, je découvre qu’il était là, depuis longtemps. Je découvre que je croyais en lui sans le savoir. Je découvre qu’il m’aimait et que je pouvais l’aimer. Je ne le savais pas tout à fait, mais un jour cela m’a été révélé. Je vous donne le témoignage d’un chemin avec le Seigneur qui ne m’a jamais quitté. » Ou un autre qui dit : « S’il y a une chose que j’ai apprise, c’est qu’il n’est jamais trop tard pour Dieu, quel que soit l’âge. » Alors je ne sais pas quel est l’âge du plus âgé parmi vous, mais très souvent il y en a qui sont tout à fait avancés en âge quand ils demandent la confirmation. Ils se disent pendant des années : « Ce n’est plus pour moi, je suis trop âgé. » Et puis, un jour, ils n’en peuvent plus et se disent : « Si, c’est pour moi quand même ! » Et cela, c’est heureux : de découvrir qu’à n’importe quel âge on peut être les ouvriers de la onzième heure. L’amour de Dieu est le même ; l’amour de Dieu se révèle avec la même intensité, à n’importe quel âge, et c’est formidable de découvrir cela !

Ce qui arrive aujourd’hui, c’est ce que j’ai dit dans la première oraison que j’ai lue devant vous, après que vous avez été aspergés de l’eau bénite, vous les confirmands. Après que nous avons chanté le « Gloire à Dieu », j’ai dit au Seigneur : « C’est le moment d’accomplir ta promesse pour ceux qui sont là. C’est le moment où ils découvrent que, Toi, tu accomplis ta promesse, tu donnes ton Esprit. » C’est la force qui est en nous, la force qui permet de nous émerveiller, la force qui nous permet de lutter quand cela ne va pas, la force qui nous permet de comprendre que nous ne sommes jamais seuls. La force qui nous met en route pour aller à la rencontre des autres, pour faire avec eux une Église, pour faire avec eux un monde. Bien sûr on peut se dire : que le monde va à sa perte, qu’il ne sait pas où il va. Mais, heureusement, il y a des hommes et des femmes, comme vous, qui croient qu’il y a un avenir, qui croient qu’il y a une bonté, qui croient qu’il y a un pardon, qui croient qu’il y a des engagements capables de renouveler la face de la terre, comme nous l’avons chanté plusieurs fois. Renouveler la face de la terre, chacun d’entre nous est capable d’y participer, à la place où il est dans sa vie.

Que le Seigneur ne vous abandonne jamais. Que le Christ vous montre que le chemin d’engagement, qui l’a mené pour lui à la mort de la croix, conduit jusqu’à la résurrection, jusqu’à la vie. Dès maintenant, vous le croyez, vous serez sur le chemin pour continuer, pour ne jamais abandonner, pour garder l’espérance que Dieu n’abandonne pas son peuple, que Dieu n’abandonne pas la Création qu’il fait tous les jours, que Dieu n’abandonne pas le monde des hommes, qu’il les aime et qu’il veut les conduire à la vie qui ne finit pas.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris

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