Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe à Saint-Pierre de Rome dans le cadre du pèlerinage jubilaire du diocèse de Paris à Rome

Jeudi 27 février 2025 - Basilique Saint-Pierre

 Voir l’album-photos du pèlerinage.


 7e Semaine du Temps Ordinaire – Année C
 Rm 5,5-11 ; Ps 88 21-22, 25.27 ; Lc 4, 16-21

Nous ne sommes pas tout à fait à la fin de notre pèlerinage mais chacun sent bien que nous sommes à un sommet de ces cinq jours ensemble, passant la Porte Sainte, la première qui a été ouverte, il y a deux mois. Nous sentons qu’il y a un moment remarquable que nous vivons. Il est marqué par les lectures que nous venons d’entendre, qui parlent de la réconciliation que le Seigneur nous a obtenue et qui nous ouvre à vivre avec lui. Je cite, tirée de la Lettre aux Romains, une seule phrase que nous avons entendue il y a quelques instants et qui dit : « Maintenant que nous sommes réconciliés, nous serons sauvés en ayant part à sa vie. » « Maintenant que nous sommes réconciliés… » et réconciliés par qui ? Nous le savons : par le Christ qui donne sa vie sur la croix pour tout homme. Réconciliés avec qui ? Réconciliés certainement avec les autres. Nous avons vécu hier le sacrement de pénitence et de réconciliation pour tous ceux qui l’ont voulu. Et pour ceux qui ne se sont pas approchés de ce sacrement ils ont quand même vécu dans leur cœur une démarche qui manifestait leur désir d’être réconciliés. Et certainement dans les aveux de la pénitence vous avez, les uns et les autres, évoqué des situations dans lesquelles vous sentez que vous avez besoin d’être réconciliés avec les autres, avec ceux que vous côtoyez le plus souvent, avec ceux de votre famille, avec ceux que vous croisez dans le travail professionnel et dans les relations sociales. Être réconcilié avec les autres, vous savez que c’est une tâche difficile, une tâche quotidienne, une tâche qui probablement n’est pas tout à fait finie chaque jour, mais vous savez et vous sentez qu’il est nécessaire de l’être.

Réconcilié avec soi-même vous l’avez aussi, j’en suis sûr, évoqué dans ce sacrement reçu hier. Être réconcilié avec soi-même n’est pas le plus facile. Nous percevons tous que nous ne nous aimons pas assez, comme Dieu nous a fait et comme Dieu nous veut.

Être réconcilié avec nous-même, c’est comprendre que nous avons été appelés à la vie et à l’amour et que, nous regardant nous-mêmes, nous savons la petitesse et la faiblesse de nos moyens pour aimer, à commencer par soi-même, pour s’aimer et être capable, en s’aimant, d’aimer les autres.

Et réconcilié avec Dieu, c’était peut-être par là il fallait commencer, mais nous comprenons bien que c’est ce mouvement-là qui, imprimé dans notre vie, est capable de nous réconcilier avec les autres et avec nous-mêmes. C’est Dieu lui-même qui nous a choisis et c’est lui qui nous réconcilie vraiment par son Fils Jésus.

Sur ce point, et parce que nous sommes ici à Saint-Pierre et que nous sommes dans ce temps très spécial de la maladie du Pape François pour lequel nous prions sans cesse - et ce soir encore il y aura la prière sur la place Saint-Pierre, ou dans notre cœur ou partagée entre quelques-uns d’entre nous – je veux évoquer la devise qu’il a choisie au début de son pontificat, Miserando atque eligendo, ce qui veut dire : « Il m’a fait miséricorde et il m’a choisi. » Dieu a fait miséricorde à l’homme, Jorge Mario Bergoglio, devenu pape sous le nom de François. Il lui a fait miséricorde, et il lui fait miséricorde tous les jours pour qu’il sache bien qu’il est réconcilié avec Dieu, pour qu’il sache bien, qu’étant réconcilié avec Dieu, il peut se laisser réconcilier avec les autres et avec lui-même. Voilà un grand enseignement que le Pape François déjà nous a laissé, depuis presque douze ans qu’il est notre souverain pontife, qu’il est pasteur suprême de toute l’Église.

Retenons cette première leçon : le Seigneur nous a réconciliés et il nous a choisis en nous aimant. Il nous a montré que, malgré ce qui agite notre conscience, ce qui ferme notre cœur à nous-même, aux autres et au Seigneur, c’est lui qui rouvre la porte et qui nous permet de continuer le chemin.

Nous sommes venus en pèlerinage pour pouvoir sans cesse et sans honte continuer le chemin, parfois difficile, parfois lourd, car nous portons des sujets d’inquiétude qui sont importants. Laissons-nous réconcilier, croyant que le Père nous choisit, après nous avoir fait miséricorde ou en nous faisant miséricorde, et nous conduit lui-même à l’amour qui est Lui, à l’amour qui s’applique à nous et aux autres.

Alors nous serons sauvés en ayant part à sa vie. Pour comprendre cela, nous avons l’évangile que nous venons d’entendre. Jésus qui commente la Parole de Dieu, Jésus qui commente la lecture du prophète, qui dit : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs, la libération, aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur. » Cette année accordée par le Seigneur, c’est cette année que nous vivons, année toute spéciale du jubilé de 2025, année du jubilé de l’espérance à l’invitation du pape. C’est plus exactement, comme dit Jésus pour terminer cette séquence de l’Évangile, cet aujourd’hui où s’accomplit ce passage de l’Écriture. Ce qui veut dire que nous avons part à la vie de Jésus qui nous entraîne avec lui. Nous avons part à sa vie en pratiquant ce qui est dit ici, c’est-à-dire en pratiquant la charité à l’égard de tous ceux qui sont plus en difficulté que nous-mêmes. En pratiquant la charité et en rencontrant nos frères, nous vivons déjà avec lui aujourd’hui. Aujourd’hui s’accomplit cette parole de l’Écriture, lorsque nous sommes remplis de charité pour ceux qui nous entourent.

Mais, aujourd’hui aussi, nous vivons ce temps de la rencontre avec le Seigneur, quand nous écoutons sa Parole : nos frères sont pour nous des sacrements de l’amour de Dieu » ; la parole que nous entendons et que nous partageons est sacrement de l’amour de Dieu, c’est-à-dire un signe véritable de cet amour et un signe qui réalise ce qu’il dit. Écouter la Parole de Dieu c’est se laisser réconcilier.

Aujourd’hui, chaque jour, nous vivons aussi dans la prière, et nous savons que par elle nous sommes à la rencontre du Seigneur et que nous avons part à la vie avec lui. Il est là avec nous, aujourd’hui. Aujourd’hui, nous savons que, quand nous recevons les sacrements, il est là, avec nous, comme une puissance agissante dans notre cœur, une puissance qui nous transforme, qui nous ouvre, qui reconnaît que nous sommes réconciliés, que nous sommes aimés, capables de marcher sur un chemin difficile.

La vie de l’Église est rythmée par la vie des sacrements et dans les sacrements. La vie de chacun d’entre nous est rythmée par la vie des sacrements en lui et la vie dans les sacrements. N’oublions pas - et croyons vraiment - que les sacrements sont pour nous des signes efficaces, qui nous transforment, signes de la présence du Christ qui nous permet de vivre avec lui.

« Aujourd’hui », c’est un mot très important de l’Évangile, de la révélation que nous avons reçue. Que ce temps de pèlerinage nous rappelle toujours que la rencontre du Seigneur se fait à chaque instant de nos vies.
Demandons au Seigneur de renforcer en nous cette assurance et de nous permettre de vivre mieux la rencontre des frères, l’écoute de la Parole de Dieu, la prière personnelle et individuelle mais aussi la prière commune et liturgique, et la vie à travers les dons des sacrements qui nous sont faits pour nous laisser transformer.

Que le Seigneur nous bénisse et nous garde.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris

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