Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe à Notre-Dame pour les étudiants et jeunes pros et à l’occasion de l’élection du pape Léon XIV
Vendredi 9 mai 2025 - Notre-Dame (4e)
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– Ac 9,1-20 ; Ps 116,1-2 ; Jn 6,52-59
Dans ce récit, que nous venons d’entendre, du Livre des Actes des Apôtres qui nous fait vibrer à la conversion de Paul, nous entendons le Seigneur s’adresser à celui qu’il envoie auprès de Paul, à Damas, et qui résiste à aller voir celui qui était venu pour persécuter les Chrétiens. Le Seigneur dit ainsi à Ananie : « Je te demande d’aller le trouver puisqu’il est celui que j’ai choisi pour faire retentir mon nom à toutes les nations. J’ai un projet pour lui. »
Il est beau que nous entendions, ce soir, ce texte qui nous nous dit : « Celui qui a été choisi hier est bien là pour faire retentir le nom du Seigneur devant toutes les nations, devant notre Église, devant le monde qui est en attente. En attente d’une Bonne Nouvelle pour lui, en attente d’un salut dans toutes les situations que ce monde vit et que nous vivons. » Entendre cette phrase - « il est celui que j’ai choisi » - nous rappelle que nous sommes bien dans la main de Dieu, que le Seigneur n’oublie pas son peuple. Le Seigneur est là toujours, en toute circonstance. Et de façon récurrente, à chaque fois que manque un responsable, un chef, un maître pour l’Église, le Seigneur ne tarde pas à lui envoyer, à trouver les moyens qu’il soit désigné dans la plus grande liberté. Les hommes, les cardinaux, qui ont eu le moyen d’échanger entre eux depuis la mort de François, ont pris le temps d’évaluer les défis qui pouvaient toucher l’Église aujourd’hui, dans la situation présente du monde, et ils ont eu le temps de se découvrir les uns aux autres de sorte que, par-delà ce que l’on disait - que les cardinaux ne se connaissent pas - ils puissent être touchés par l’Esprit de Dieu et désireux de répondre à la mission qui était la leur d’obéir à cet Esprit, d’écouter dans leur cœur la motion de l’Esprit Saint qui les appelait à dire rapidement l’unité de l’Église autour du nom de celui qu’ils ont choisi.
Voilà quelque chose que nous gardons ce soir, la grâce que Dieu nous a faite de nous donner si rapidement un successeur au pape François après les mois qui nous ont inquiétés, après les mois où on se disait : « L’Église continue-t-elle d’être gouvernée ? » Oui, le Seigneur était là. Il n’a pas oublié son peuple ; il n’a pas oublié son Église ; il n’a pas oublié son Christ qui dirige cette Église ; il n’a pas oublié de faire des signes pour que l’Église continue d’être au service de son Évangile !
Voilà la première chose que nous retenons ce soir et nous sommes heureux de chanter l’action de grâces du Seigneur en ce moment précis, de le faire avec l’assemblée qui est ici ce soir, toute les assemblées qui, ces jours-ci, sont venues prier à la suite du décès du pape François et dans l’attente du nouveau pape.
Ce que nous retenons aussi, c’est la façon dont les Chrétiens sont désignés dans le Livre des Actes des Apôtres, dans le récit que nous venons d’entendre. L’apôtre Paul - plus exactement Saul avant d’être l’apôtre Paul - était parti à Damas muni de lettres de recommandation pour chercher les Chrétiens. Et comment les appelle-t-on dans ce récit : « Ceux qui suivent le chemin du Seigneur. » Voilà qui doit nous faire méditer ce soir. Avant même que soient désignés comme chrétiens les disciples du Christ, quelques chapitres plus tard, au chapitre 19 des Actes des Apôtres, on parle des disciples en les appelant « ceux qui suivent le chemin du Seigneur ». C’est la désignation primitive et peut-être une des désignations bien nécessaires et si fortes. Qui sommes-nous, nous chrétiens ? Sommes-nous les détenteurs d’une idéologie ? Sommes-nous les praticiens d’une morale ? Oui, bien sûr, mais nous sommes d’abord « ceux qui suivent le chemin du Seigneur » : ceux qui ont décidé d’écouter la Parole de Dieu, d’écouter la Parole du Christ et de la prendre vraiment pour la Parole de Dieu ; ceux qui regardent l’exemple du Christ par sa vie et telle qu’elle est rapportée dans l’Évangile ; ceux qui décident de suivre le chemin tracé par lui, qui est le chemin du don de soi ; ceux qui désirent s’agréger au peuple des baptisés pour être des témoins, pour être des signes, pour être, malgré leurs faiblesses, leur insuffisance, leurs péchés, des témoins de la miséricorde de Dieu. Ceux-là suivent le chemin du Seigneur, et nous en sommes : nous sommes une cohorte immense depuis 2000 ans, nous avons cette chance inouïe d’être de ceux qui suivent le chemin du Seigneur. C’est notre titre de gloire le plus important, c’est notre désir le plus profond d’être des disciples du Christ, de ceux qui l’aiment, de ceux qui savent que lui nous aime et nous attire à lui sans cesse.
Retenons cette formule, gardons-la pour nous, disons-nous que nous sommes sur un chemin qui ne finit pas, une Église qui avance, une Église qui se laisse transformer, une Église qui se laisse bousculer par les événements du monde, mais qui ne perd jamais la boussole, qui ne perd jamais le sens du chemin que suit le Seigneur à notre rencontre. Il vient au-devant de nous, il marche devant nous, il marche au milieu de nous. Soyons des disciples tout simplement.
Et rappelons-nous ce que nous venons d’entendre dans l’évangile. Il ne manque pas d’interrogations et même de contestations au sujet de Jésus : « Celui-là, qui est-il pour nous donner sa chair à manger ? » Qu’est-ce que cela signifie ? Grâce à ce grand chapitre 6 de l’évangile de saint Jean, nous comprenons que d’être des disciples du Seigneur c’est, en toutes circonstances, croire qu’il est pour nous une parole vivante, une nourriture permanente, une présence assurée, une lumière sur le chemin, celle de Dieu son Père.
On a dit, depuis 15 jours, quels sont les défis auxquels le Pape qui vient devra répondre. On a dit qu’il est envoyé pour faire des signes dans le monde public et dans le monde politique, dans la politique internationale. On a dit qu’il devait assumer bien des difficultés que l’on pouvait décrire et qu’il devrait répondre ainsi à 7, 12 ou 15 défis... mais la réalité il nous l’a dite hier soir, il nous l’a rappelée ce matin : il est venu pour annoncer une paix, une paix dans l’Église, une paix dans le monde qui est faite de la confiance au Seigneur, qui est faite de l’oubli de soi. Une paix qui est faite du désir de faire des ponts, de rentrer en contact, de garder le dialogue avec nos frères et sœurs humains. Une paix qui se traduit dans la vie de l’Église par son désir d’annoncer le Christ, et exclusivement cela, à travers les circonstances de l’histoire bien sûr. Il l’a dit pour une Église plus proche des pauvres, pour une Église capable de vivre synodalement, c’est-à-dire en tenant compte des uns et des autres. Il l’a dit aussi, et très précisément, pour tout témoin, toute personne qui exerce une responsabilité dans l’Église - mais dès que l’on est témoin du Christ on exerce quelque responsabilité bien sûr. Il faut que tout témoin et tout responsable dans l’Église soit surtout rempli d’humilité, qu’à travers lui puisse se voir la figure du Christ, pour que se faisant oublier et se faisant plus petit, il montre le Christ proche des plus pauvres. Ainsi, lui, le pape Léon, suit la trace de quelques grands prédécesseurs qui ont exercé la charge de pape dans l’Église. La trace du pape Léon le Grand qui a affirmé de façon très claire la foi dans le Christ vrai Dieu et vrai homme, et qui a su en l’absence d’un pouvoir politique suffisant prendre la défense de son peuple à Rome. La suite du pape Léon XIII, plus récemment, à la fin du XIXe siècle, capable de discerner dans les événements du monde non pas toujours des germes de bien et de justice mais des soucis et des inquiétudes auxquels il fallait répondre pour que le Nom de Dieu soit toujours honoré et glorifié, pour que la Parole du Christ soit entendue, pour que les injustices et les violences cessent, pour que les pauvres ne soient jamais ignorés ni piétinés.
Alors, à la suite de tous ceux-là, capable de rendre son témoignage, capable de disparaître dans sa fonction pour que le Christ soit annoncé, nous recevons cette bonne nouvelle du pape Léon qui nous dit : « Avançons ensemble, n’ayons pas peur, faisons confiance, manifestons le Nom du Christ autour de nous et sa lumière. »
+Laurent Ulrich, archevêque de Paris