Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Liturgie d’ouverture du Congrès de la Societas Liturgica en la cathédrale Notre-Dame de Paris

Lundi 28 juillet 2025 - cathédrale Notre-Dame de Paris

- Jn 19, 25-35

Nous voici parvenus devant la sainte couronne d’épines de notre Sauveur, acquise par le roi Louis IX, saint Louis de France, et accueillie d’abord dans cette cathédrale en 1239, puis dans la Sainte-Chapelle qu’il avait voulue pour l’abriter. Mise à l’abri en 1791 par le roi Louis XVI qui craignait les débordements révolutionnaires, elle revint ici en 1806 et elle y est vénérée régulièrement sous la garde des Chevaliers du Saint-Sépulcre. Elle est une insigne relique ; comme un sacramental, elle rend très présente la Passion de Notre Seigneur dont nous venons de lire un autre extrait dans l’évangile de Jean.

Elle dit la dérision infligée au Sauveur, comme le montre aussi un petit tableau de Cimabue retrouvé récemment, désormais visible au musée du Louvre et qui évoque le dépouillement de sa tunique.

Le passage de saint Jean, que nous venons de lire, souligne le lien définitif que le Christ établit entre sa mort toute proche, paroxysme du don de lui-même, sa mère qui l’a fait naître au monde et souffre avec Lui, et cet apôtre qui la prend chez lui. Le Seigneur ainsi ouvre la voie à l’Église chargée pour toujours d’annoncer sa mort et ce qu’elle signifie, de proclamer sa résurrection et d’attendre sa venue.

Dum volvitur orbis, stat crux. Nous le constatons ici : devant cette couronne d’épines, il se fait non pas toujours le silence le plus complet, mais une profonde stupéfaction, comme un arrêt. Comment peut-on mieux imaginer la douleur du Christ en croix et son intention de se donner à tous ? Non seulement ceux qui sont au pied de la croix au jour de sa Passion à Jérusalem, mais aussi tous les hommes qui un jour regarderont vers Lui : « L’ensemble de ceux qui regardent avec la foi vers Jésus auteur du salut, principe d’unité et de paix, Dieu les a appelés, il en a fait l’Église, pour qu’elle soit, aux yeux de tous et de chacun, le sacrement visible de cette unité salutaire. » [1] La mission de l’Église d’annoncer le salut, de le célébrer et de servir l’humanité rachetée nous saisit dans ce moment de la Passion.

La liturgie est tout entière centrée sur ce mystère de la croix du Christ qui est aussi le lieu de sa gloire, de la révélation de la miséricorde indéfectible de Dieu son Père et notre Père. La liturgie que nous célébrons est action de grâces pour ce don sans retour et pour la promesse qui se réalise à toute heure et en tout lieu : nous rendons grâce pour ceux qui découvrent la joie que procure la rencontre du Christ qui s’inscrit dans les cœurs, même les plus éloignés apparemment. La liturgie que nous célébrons est aussi intercession permanente pour ce monde si troublé, si fragmenté, si conflictuel : les situations de guerre entre les peuples, de violences internes à beaucoup de nations, les conflits liés à des situations de flagrantes injustices, les divisions savamment entretenues entre des ethnies, entre des communautés religieuses et également à l’intérieur d’elles-mêmes, y compris chez nous, dans nos Églises chrétiennes… Nous implorons le Seigneur pour qu’il habite au fond des cœurs et leur rende insoutenable cet esprit de haine et de domination qui ne cesse de renaître en nous. C’est une rude bataille intérieure que le don du Christ nous permet de vivre avec persévérance.

Et cette bataille nous projette dans le témoignage de la foi, en parole et en actes, à travers le service des plus pauvres et de ce monde divisé : que le Seigneur nous garde éveillés dans notre foi, à son service !

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris

[1Lumen Gentium, 9

Homélies

Homélies