Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe de rentrée du séminaire 2025 avec rite d’admission des candidats au sacerdoce à Saint-Germain l’Auxerrois
Vendredi 12 septembre 2025 - Saint-Germain l’Auxerrois (1er)
– Voir l’album-photos de la célébration.
– 23e Semaine du Temps Ordinaire – Année C
- 1 Tm 1,1-2.12-14 ; Ps 15,1-2.5.7-8.11 ; Lc 6, 39-42
Quand on commence à lire les lettres pastorales, comme nous venons de le faire aujourd’hui en commençant la première à Timothée, on s’attend à avoir un certain nombre de prescriptions qui concernent la vie de l’Église et l’engagement moral, et parfois ce n’est pas toujours si inspirant que cela. Mais voilà que l’ouverture de cette lettre manifeste bien le tempérament de Paul et sa manière d’être et son attachement profond à Jésus qui justifie tout ce qui suit.
Nous l’entendons dire : « Apôtre de Jésus-Christ par l’ordre de Dieu, notre Sauveur et du Christ notre espérance », et surtout nous l’entendons évoquer le fait que la rencontre avec le Seigneur a profondément changé non seulement le contenu de sa foi, mais sa façon de vivre la foi et l’attachement à Dieu et au Christ. Il a été bouleversé par cet appel que le Christ lui a adressé, et cet appel non seulement à changer l’orientation de sa vie mais la manière même de vivre. Et il le dit assez clairement : « Je suis plein de gratitude envers Celui qui me donne la force, parce qu’il m’a estimé digne de confiance, moi qui étais autrefois blasphémateur, persécuteur et violent ». Paul montre que la rencontre avec le Seigneur change quelque chose, non pas simplement dans l’accueil d’une doctrine, non pas simplement dans l’extérieur des affirmations de foi, non pas simplement dans l’acceptation d’un corps de doctrine différent, mais cela transforme son existence, cela le met dans une disposition tout à fait nouvelle.
Nous avons aussi entendu l’évangile évoquer le fait qu’il y a bien de la transformation à exercer sur soi-même lorsque l’on veut se mettre au service des autres : « un aveugle peut-il guider un aveugle ? […] Le disciple n’est pas au-dessus de son maître ; une fois bien formé chacun sera comme le maître ». Voilà qu’est indiqué un chemin de transformation qui s’impose, qui est attendu de la part du disciple. Et il ne s’agit pas que le disciple se mette à faire la leçon aux autres quand il n’a pas suffisamment essayé de changer sa propre manière d’être. Ceci, évidemment, est bien approprié à ce que nous vivons ce soir. Ceux qui sont appelés, ceux qui vont promettre de se former, ceux qui disent : « Je me sens prêt à vivre le chemin qui conduira, si Dieu le veut, si l’Église m’y appelle, à être serviteur dans l’Église, à être serviteur de l’annonce de l’Évangile, à être serviteur du Christ, à être serviteur de mes frères et sœurs qui sont sur le chemin où Dieu est capable de les rencontrer », ceux-là, c’est-à-dire vous qui êtes ici devant moi, vous qui êtes ici au premier rang mais vous aussi qui êtes déjà appelés, qui êtes séminaristes en marche, tous vous vous promettez que ce désir de servir le Seigneur, le Seigneur Jésus-Christ, Dieu son Père, avec la force de l’Esprit, de servir vos frères et vos sœurs et l’Église, sur le chemin où ils pourront vraiment entendre l’appel de Dieu, implique de vous laisser changer, de vous laisser transformer, de vous laisser convertir. Puisque c’est de cela qu’il s’agissait pour Paul, c’est de cela qu’il s’agit toujours : être converti par la rencontre du Seigneur, être converti à devenir, peut-être, un ministre de l’Évangile.
C’est un chemin qui a besoin d’être confirmé. Voilà pourquoi nous le célébrons, voilà pourquoi nous nous retrouvons ensemble ce soir. Nous n’attendions pas simplement que vous disiez que vous serez dociles à écouter les enseignements universitaires ou spirituels que l’on va vous adresser, vous ne promettez pas simplement de progresser intellectuellement pour comprendre, vous le promettez aussi, mais vous promettez de vous laisser transformer. On appelle cela paraît-il la docibilitas, la capacité à se laisser transformer pas simplement dans la perspective d’être un jour ordonné mais dans la perspective de servir toute votre vie, c’est-à-dire de vous laisser transformer y compris après l’ordination, et ceci pendant les années où vous servirez, jusqu’à la fin de votre vie.
C’est un programme, c’est une démarche, c’est un choix et nous espérons qu’ensemble nous pourrons le vivre, parce que cette parole, et la parole évangélique que nous venons d’entendre, vous concerne certes particulièrement, les huit commençants, mais elle nous rejoint nous aussi qui sommes diacres, prêtres et évêques avec vous et pour vous, qui sommes chrétiens avec vous pour nous laisser transformer par la Parole de Dieu.
Que le Seigneur vous soit en aide pour cela. Qu’il soit en aide à toute l’Église et à tous les fidèles pour qu’ensemble nous nous laissions modeler comme le Créateur a modelé la terre de laquelle il nous a faits, et que nous nous laissions modeler par l’Évangile, par la parole et par l’exemple que le Christ lui-même nous a donnés jusqu’au terme de son existence sur terre, pour nous emmener, avec Lui, vers le Seigneur et son Royaume.
+Laurent Ulrich, archevêque de Paris