Homélie du Cardinal André Vingt-Trois - Messe à Saint-Médard et confirmations des jeunes du collège Sœur Rosalie et de l’aumônerie des collèges Pierre Alviset et Raymond Queneau

Dimanche 12 avril 2015 - St Médard (Paris Ve)

Nous sommes heureux de croire sans avoir vu. Notre foi repose sur le témoignage de ceux qui nous ont précédés. Par la confirmation nous renouvelons les promesses de notre baptême par une démarche libre et personnelle et recevons la force de l’Esprit pour témoigner à notre tour du Christ ressuscité.

 Deuxième dimanche de Pâques – Dimanche de la Divine Miséricorde – Année B
 Ac 4, 32-35 ; Ps 117 1.4.16-17.22-25 ; 1 Jn 5,1-6 ; Jn 20, 19-31

Chers amis, frères et sœurs,

Jésus dit lui-même dans l’évangile : « heureux ceux qui croient sans avoir vu » (Jn 20,29). Alors, nous sommes heureux de croire sans avoir vu ! Évidemment, bien souvent, cela nous paraît difficile… On s’imagine que si Jésus se manifestait devant nous en chair et en os, les choses seraient plus faciles. Cela n’est pas certain parce que tous ceux qui l’ont vu en chair et en os n’ont pas nécessairement cru ! En tout cas, pour nous qui sommes rassemblés aujourd’hui dans cette église et pour vous qui allez renouveler la profession de foi de votre baptême au moment d’être confirmés, la foi n’est pas une expérience sensible. On ne touche pas Jésus, on ne voit pas les traces de ses plaies. Aucune et aucun d’entre nous n’a eu une expérience directe de la présence du Christ. Comment peut-on croire sans avoir vu ? D’abord, comme nous le dit l’Évangile, « par les signes que Jésus a faits en présence des disciples, […] et qui ont été écrits pour que vous croyiez » (Jn 20,30.31). Notre foi au Christ repose sur le témoignage des disciples, tel qu’il nous est rapporté dans les évangiles. Notre foi repose sur la confiance que nous pouvons faire aux évangiles qui nous sont transmis. Si nous croyons que le Christ est ressuscité, c’est parce que des hommes et des femmes nous l’ont annoncé, c’est parce qu’ils nous ont transmis la connaissance qu’ils avaient de Jésus ressuscité, l’expérience qu’ils avaient faite de Jésus ressuscité, malgré leurs faiblesse, leurs fautes, leur pauvreté. Nous sommes tous faibles, pauvres et pécheurs, mais nous avons cette force extraordinaire que malgré tout, nous avons la capacité de transmettre ce que nous avons reçu, de témoigner de ce que nous avons appris, de mettre en pratique ce que nous avons entendu. C’est donc d’abord par cette transmission, ce témoignage de ceux et de celles qui vous ont précédés et la confiance que vous pouvez faire à leur parole qu’aujourd’hui, vous pouvez croire au Christ ressuscité.

Pour vous qui allez être confirmés, cette transmission, ce témoignage vous l’avez reçu dans vos familles, par vos amis, vos éducateurs, dans les aumôneries que vous avez fréquentées, ou dans vos établissements scolaires. Bref, de toutes sortes de manières et par toutes sortes de gens différents qui ont, chacune et chacun, une expérience différente du Christ ressuscité, mais dont l’addition accumulée constitue petit à petit une expérience réelle. Entre la prière que votre mère ou votre père vous a fait faire quand vous étiez tout petit et la démarche que vous faites aujourd’hui, il y a une grande distance. Aujourd’hui vous ne faites pas que répéter les gestes et les paroles que l’on vous a indiqués, vous accomplissez une démarche personnelle. Personne ne vous oblige à être confirmé, personne ne vous oblige à reconnaître la réalité de votre baptême. Si vous le faites aujourd’hui, c’est parce que vous êtes habités par cette conviction que celles et ceux qui vous ont annoncé la foi chrétienne étaient dignes de confiance, que par eux, c’était un message qui venait de Dieu lui-même et qui atteignait votre cœur.

Notre foi au Christ ressuscité repose sur ce témoignage de celles et de ceux qui nous ont précédés et qui nous entourent. Nous leur sommes redevables de pouvoir connaître le Christ, même si nous ne le connaissons pas encore parfaitement, mais du moins nous le connaissons suffisamment pour avoir avec lui une relation personnelle. On ne croit pas au Christ par procuration ! On croit au Christ par soi-même ! C’est Jésus qui m’appelle et c’est moi qui réponds à Jésus. Si donc c’est à travers ce témoignage et cette transmission que vous avez connu le Christ, cela veut dire qu’à votre tour, vous allez être invités à devenir les témoins de cette connaissance, de cette présence de Dieu et devenir les acteurs de la transmission. Puisque vous connaissez le Christ, vous devez annoncer le Christ ! Comme nous le dit le livre des Actes des Apôtres : « c’est avec une grande puissance que les Apôtres rendaient témoignage de la Résurrection du Seigneur Jésus » (Ac 4,33). Vous pouvez vous dire : moi je n’ai pas une grande puissance dans le monde… Mais en réalité, vous possédez une puissance que les yeux ne peuvent pas voir, qui est précisément cette puissance de l’Esprit que vous allez recevoir et qui va faire de vous des témoins. Comment devient-on témoin de la foi ? Comment devient-on témoin du Christ ressuscité ? En vivant en chrétien ! Comment vit-on en chrétien ? Saint Jean nous le dit dans sa première épître : « voici comment nous reconnaissons que nous aimons les enfants de Dieu : lorsque nous aimons Dieu et que nous accomplissons ses commandements » (1 Jn 5,2).

Vous avez reçu les commandements de Dieu, pas seulement les Dix commandements que Dieu a transmis à Moïse sur le mont Sinaï, mais plus largement les indications que nous donne l’Écriture sur la manière de faire la volonté de Dieu. C’est en faisant cette volonté que nous rendons témoignage à la puissance de l’Esprit qui nous habite. Quelle est la volonté de Dieu ? Que nous vivions de la foi ! Vivre de la foi, cela veut dire que Dieu est réellement quelqu’un de vivant et de présent dans notre vie. On l’écoute et on lui parle, cela s’appelle la prière. Vivre de la foi, cela veut dire : vivre des sacrements de l’Église, comme nous le faisons aujourd’hui et comme vous êtes invités à le faire chaque dimanche. Vivre de la foi, c’est nous appuyer sur la présence de Dieu pour conduire notre vie.

Être témoin du Christ ressuscité, c’est vivre de la charité, c’est-à-dire être avec les autres dans une relation qui n’est ni une relation de compétition, ni une relation de domination, mais une relation de service. Qu’est-ce que je peux faire pour celui ou celle qui est à côté de moi ? Qu’est-ce que je peux faire pour lui permettre de mieux vivre ? Qu’est-ce que je peux faire pour que l’amour de Dieu soit mieux connu en ce monde, sinon d’aimer mieux ceux que je connais ? Vivre le témoignage du Christ ressuscité, c’est vivre de l’espérance, c’est-à-dire ne pas nous laisser écraser par les événements que nous traverserons. Il y a toujours dans chacune de nos existences des événements difficiles à traverser. Dans l’histoire des hommes, il en va de même. La question est de savoir si on se laisse écraser par ces événements difficiles ou si au contraire on a la foi chevillée au cœur, que sorte que ces événements difficiles deviennent une épreuve, un test pour savoir si nous mettons notre confiance en nous-mêmes ou si nous mettons notre confiance en Dieu.

Chers amis, en recevant la plénitude des dons de l’Esprit, vous recevez la lumière et la force nécessaires pour vivre en disciples du Christ et devenir les témoins de la foi au Christ ressuscité.

Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.

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