Homélie du cardinal André Vingt-Trois – Messe et confirmations à Saint-Denys du Saint-Sacrement
Dimanche 29 mai 2016 – Saint-Denys du Saint-Sacrement (3e)
Confrontés à l’absence de Jésus depuis l’Ascension, comme les Apôtres, le corps vivant qu’est l’Eglise constitue la modalité visible d’une présence invisible de l’Esprit. Le pain et le vin consacrés représentent son corps et son sang. En nous les donnant, Jésus nous communique sa propre vie et construit l’Église. Nous recevons l’Esprit à la confirmation pour fortifier notre acte de foi. Cet Esprit est aussi source de joie.
– Solennité du Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ – Année C
– Gn 14, 18-20 ; Ps 109 ; 1 Co 11, 23-26 ; Lc 9, 11b-17
Frères et Sœurs,
Quand Jésus est retourné auprès du Père par son Ascension, les disciples se sont retrouvés seuls. Pendant plusieurs années, ils l’avaient découvert, ils avaient appris à le connaître, ils avaient vécu avec lui, ils avaient entendu ses paroles, ils avaient vu les signes qu’il faisait, et brusquement, il n’était plus au milieu d’eux. Quand ils ont reçu l’Esprit Saint au moment de la Pentecôte, ils se sont rappelé ce que Jésus leur avait dit avant de les quitter : il ne les laisserait pas orphelins, mais il leur enverrait un autre défenseur. Ce défenseur, c’est l’Esprit, l’Esprit de Dieu répandu sur les apôtres qui va leur donner la lumière et la force pour accomplir la mission que Jésus leur a laissée.
Nous tous qui essayons d’être disciples du Christ, nous sommes confrontés à la même solitude que les apôtres. Jésus, nous ne l’avons jamais vu et nous ne le verrons jamais. Nous ne l’avons pas entendu de nos oreilles, nous ne l’avons pas touché de nos mains, nous ne le connaissons que parce que les apôtres nous ont transmis ce que Jésus a dit et fait, comme saint Paul le signifie aux Corinthiens : il a transmis ce que lui-même avait reçu. Mais cette transmission suppose qu’il y ait une Église vivante, un corps vivant. Ce corps, c’est l’Esprit Saint qui le constitue en appelant chacune et chacun d’entre nous à nous retrouver dans la maison de Dieu. Ce corps, c’est la partie visible de la présence invisible de l’Esprit Saint. Car l’Esprit Saint, comme son nom l’indique fort bien, c’est un esprit. Il est immatériel, il n’a pas d’image, pas de figure, et on ne peut pas se le représenter. Dans les évangiles, quand on parle de l’Esprit Saint, on dit qu’il se montre sous la forme d’une colombe ou sous la forme de langues de feu. Jésus nous dit dans l’évangile : « L’Esprit, tu ne sais ni d’où il vient, ni où il va » (Jn 3,8), il est insaisissable. Alors comment pouvons-nous croire ? Comment pouvons-nous accueillir ce don de l’Esprit Saint invisible et imperceptible à nos yeux et à nos oreilles, s’il n’y a pas le corps visible de l’Église dans lequel l’Esprit Saint produit les fruits de sa présence ?
Jésus n’est plus présent parmi nous et cependant il a voulu nous laisser un signe visible de sa présence sous la forme du pain et du vin devenus par la force de l’Esprit son corps et son sang. Au moment où il quitte ses disciples, il ne les laisse pas orphelins. Il leur donne à voir ce pain et ce vin qui représentent son corps et son sang. Il leur donne à partager le pain que lui-même leur partage et qui est sa propre vie. C’est par la force de cette présence du Christ que l’Église se constitue autour de l’autel où nous célébrons l’eucharistie. C’est par la force de cette présence du Christ à laquelle nous communions en recevant le corps et le sang de Jésus, le pain et le vin consacré, que l’Église se construit, se développe et se fortifie. C’est dans la visibilité de cette Église, cette Église que l’on voit, comme nous nous voyons aujourd’hui les uns en face des autres, cette Église qui se développe à travers le monde comme présence visible du Christ, que le don de l’Esprit Saint prend corps.
Cet Esprit que nul ne peut ni voir ni toucher, nous croyons qu’il vient pour chacun d’entre nous à travers les signes que nous donne l’Église dans les sacrements. Nous le recevons au moment de notre baptême comme une promesse et une semence qui doit se développer et porter du fruit. Nous le recevons au moment de notre confirmation quand après un chemin de catéchèse où l’on apprend à connaître Jésus et la doctrine de l’Église, il vient renforcer nos cœurs dans notre acte de foi. Nous le recevons chaque fois que l’Église pose un acte sacramentel, c’est-à-dire un acte visible à travers lequel s’accomplit la présence invisible de Jésus.
Vous qui allez être confirmés, vous êtes entrés dans ce chemin de la foi par votre baptême, et vous devez apprendre, comme vous avez commencé de le faire, à reconnaître la présence de Jésus dans votre vie, par les sacrements auxquels vous avez été préparés et auxquels vous participez par le corps de l’Église. Cette Église, vous y appartenez et vous y prenez aujourd’hui pleinement votre place par le don de l’Esprit Saint. Vous devez apprendre comme vous avez déjà commencé de le faire, que tout au long de votre vie, à aucun moment, vous ne serez jamais seuls. Jamais, à aucun moment de votre vie, Dieu ne vous abandonne. Jamais, à aucun moment de votre vie, il ne vous livre à la destruction et à la mort. Jamais, à aucun moment de votre vie, il ne se cache loin de vous et ne se rend impalpable, absent. La présence de Dieu dans votre vie ne se voit pas, ne se mesure pas. Mais c’est la certitude d’une présence en votre cœur, par le don de l’Esprit Saint, c’est la certitude d’une présence en votre corps par le don de l’Eucharistie, c’est la certitude de la présence de Dieu à chacun et à chacune de ceux qui cherchent à le connaître et qui veulent vivre selon sa parole.
Avant de vous confirmer, je vais vous inviter à renouveler vous-mêmes la profession de foi de votre baptême. Au moment du baptême, la plupart d’entre vous étiez petits. Vous n’avez pas répondu aux questions qui étaient posées. C’étaient vos parents qui vous présentaient au baptême et qui faisaient pour vous les premiers pas de la vie chrétienne.
Aujourd’hui, c’est vous-mêmes qui allez prononcer cette profession de foi du baptême et qui allez reprendre en votre nom propre, la place qui est celle des disciples du Christ dans l’Église. Que le Seigneur vous donne de trouver une pleine joie dans cette profession de foi et dans le sacrement de sa présence. Amen.
+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.