Hommage au Père Michel Sales

Paris Notre-Dame du 19 mai 2016

P. N.-D. – Le P. Michel Sales, jésuite, vient de décéder à l’âge de 77 ans, après cinquante-trois années de vie religieuse. Vous avez été son étudiant et disciple. En quoi a-t-il marqué son temps ?

P. Michel Sales
© D. R.

P. Frédéric Louzeau [1] C’était un homme capable d’exercer un discernement chrétien sur les événements du monde. Le P. Jean-Marie Lustiger, qui était son aumônier à la Sorbonne au début des années 1960, a témoigné à quel point Michel lui avait fait forte impression dès cette époque. Étudiant en lettres et en philosophie très engagé dans le syndicalisme chrétien, il fit une rencontre en 1961 qui marquera sa vie, celle du P. Gaston Fessard (1897-1978), grand philosophe et théologien jésuite, qui compta sans doute dans sa vocation. Ordonné prêtre en 1970 par le cardinal Jean Daniélou, disciple et ami du cardinal Henri de Lubac, il passa sa vie à défendre l’œuvre et la pensée de ses maîtres. Et ce faisant, il a construit une œuvre personnelle majeure. Toute sa vie a été un apostolat intellectuel dans la recherche et l’enseignement. Il fut à la fois un grand théologien et un grand philosophe. Dans chaque pensée, il essayait, comme Fessard le lui avait enseigné, de reconnaître la part de lumière et de vérité, et au contraire, les zones d’ombre qu’il fallait écarter. Il exerçait ce travail de discernement en toutes choses, spécialement dans les courants de pensée opposés au christianisme.

P. N.-D. – Que faut-il retenir de son œuvre ?

P. F. L. – Son grand ouvrage s’intitule Le Corps de l’Église. Ce livre, publié en 1989 et augmenté en 2010, n’a pas d’équivalent aujourd’hui. Pour lui, le corps de l’Église, c’est Jésus-Christ répandu et communiqué, ici et maintenant. Ce qui l’a conduit à méditer sur la situation actuelle d’Israël dans l’histoire du Salut. Poursuivant ses réflexions sur cette question, il était en train d’achever un autre livre, de plus de mille pages, intitulé Tout Israël sera sauvé. Toutefois sa première œuvre, sa plus grande, ce fut la formation. Professeur au studium Notre-Dame du Séminaire de Paris dès sa fondation en 1985, il a marqué une génération d’étudiants. Très exigeant, il ne laissait rien passer. Il luttait contre la paresse intellectuelle, les formules faciles. Il était redoutable mais très admiré, très aimé, car son exigence venait de l’estime qu’il avait pour ses étudiants. C’était aussi un grand pasteur.

Avec une qualité d’écoute hors norme, aiguisée par sa cécité, conséquence d’un diabète précoce. Il a vécu ce handicap sans jamais se plaindre, servant ses frères et l’Évangile. Cette fragilité faisait partie intrinsèque de sa vie. Ayant longuement travaillé avec lui, je peux dire que c’est sans doute sa sainteté qui m’a le plus marqué.● Propos recueillis par Priscilia de Selve

[1Professeur ordinaire à la Faculté Notre-Dame et directeur du Pôle recherche au Collège des Bernardins (5e).

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