La condition des chrétiens dans le monde

Paris Notre-Dame du 13 novembre 2014

Publié fin octobre, le Livre noir de la condition des chrétiens dans le monde [1] rassemble les contributions de plus de 70 observateurs français et étrangers. De retour d’Erbil, Marc Fromager, directeur général de l’Aide à l’Église en détresse (AED), décrit la réalité des persécutions en Irak et ailleurs.

Marc Fromager, directeur général de l’Aide à l’Église en détresse (AED), s’est rendu à Erbil, fin octobre.
© AED

P. N.-D. – Vous rentrez d’Erbil, en Irak, où se sont réfugiés les chrétiens chassés par l’avancée de l’État islamique. Quelle est la situation sur place ?

Marc Fromager – Il y des camps de réfugiés partout. Certes, le front s’est stabilisé, mais la plupart des 125 000 chrétiens sont restés à Erbil. Il y a encore quelques semaines, des églises étaient transformées en dortoirs. Et il faut bien comprendre que sur place, personne ne s’occupe des chrétiens. Seule l’Église vient à leur secours, car ils manquent de tout.

P.N.-D. – Comment s’organise la vie pour eux ?

M. F. – Le provisoire commence à faire place à des programmes d’accompagnement dans la durée. La priorité, c’est le logement. Car l’hiver arrive et Erbil est au pied des montagnes ! L’AED a ainsi engagé 4 millions d’euros pour financer, entre autres, la construction de mobil-homes pour en faire des logements et des salles de classe.

P. N.-D. – Dans quel état d’esprit sont les chrétiens que vous avez rencontrés ?

M. F. – Ils sont très choqués par l’extrême violence de l’offensive de l’État islamique. Ils estiment qu’ils n’ont plus d’avenir en Irak, même s’il faut distinguer ceux qui sont déplacés depuis trois décennies et qui n’y croient plus du tout, et ceux qui fuient pour la première fois et qui espèrent encore pouvoir rentrer chez eux. Rendez-vous compte que chaque jour, ce sont dix à douze familles chrétiennes qui quittent Erbil et l’Irak.

P.N.-D. : Êtes-vous pessimiste sur leur sort ?

M. F. – Toute la question est de savoir si la coalition actuelle parviendra à contenir l’avancée de Daesh. Pour l’heure, elle l’a affaibli. Ce qui est certain, c’est que tant que Mossoul ne sera pas repris, les chrétiens ne rentreront pas chez eux.

P. N.-D. : L’Irak n’est pas la seule région où les chrétiens sont persécutés. Quels sont les autres pays où leur sort est en suspens ?

M. F. – Concernant la liberté de culte, il faut opérer une distinction entre les discriminations politiques et les discriminations religieuses. Les premières sont surtout le fait de régimes totalitaires, d’inspiration communiste la plupart du temps. La discrimination religieuse est plutôt le fait de pays où le fondamentalisme est très présent. Comme au Sri Lanka avec le bouddhisme, en Inde avec les hindouistes, et au Nigeria avec l’islam radical.

P. N.-D. : Quelles formes prennent ces persécutions ?

M. F. – La plupart du temps, les persécutions contre les minorités chrétiennes se résument à la difficulté à trouver du travail ou à ne pas être promu. Ailleurs, ce pourra être l’absence ou l’insuffisance de lieux de culte. Dans d’autres pays enfin, le simple fait d’être chrétien pourra vous exposer à des violences verbales ou physiques, voire à de réelles menaces sur votre vie.

P. N.-D. : Quels sont les pays les plus dangereux pour les chrétiens ?

M. F. – Le degré ultime de la persécution, la mort, reste exceptionnel. Mais il existe. À l’instar du Nigeria et du Pakistan, où certains chrétiens sont sommés de choisir entre l’islam ou la mort. • Propos recueillis par Éric de Legge

[1Le Livre noir de la condition des chrétiens dans le monde a été publié en octobre 2014 aux Éd. XO, sous la direction de Mgr di Falco, Timothy Radcliffe et Andrea Riccardi.

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