La médecine est-elle pleinement au service de l’homme ?

Paris Notre-Dame du 13 novembre 2014

P.N.-D. – Quel est l’enjeu du colloque « Technique, promesses et utopies : où va la médecine ? », qui se déroulera du 20 au 22 novembre au Collège des Bernardins ?

Le P. Brice de Malherbe est professeur à la Faculté Notre-Dame et codirecteur du département d’éthique biomédicale du Collège des Bernardins.
© Alix Bourel

P. Brice de Malherbe – Le rapport sur « la fin de vie » du professeur Didier Sicard, publié en 2012, nous a invités à réfléchir à la « médecine technicienne ». L’humanité a profité de son développement – en matière de génétique, d’imagerie, de robotique chirurgicale… – pour diagnostiquer, analyser et soigner. Mais ces techniques se sont multipliées au détriment de la médecine relationnelle, du lien entre soignant et soigné, qui prend en compte la dimension humaine dans sa globalité corporelle et spirituelle.

P.N.-D. – À quel moment la vision chrétienne pourrait-elle se heurter au développement de la médecine ?

P. B. de M. – L’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit une personne en bonne santé comme celle qui jouit d’un parfait bien-être, dans toutes ses dimensions. Cette définition ne correspond pas à la réalité : la médecine ne répond pas seule à toutes les attentes de l’homme, notamment spirituelles. C’est pourquoi, dans le titre du colloque, nous parlons de propositions médicales « utopiques ». Il y a un risque de spirale de l’offre et de la demande de soin : une tentation, pour le patient, de demander à la médecine plus qu’elle ne peut donner. Et pour le praticien, de déborder du domaine médical proprement dit. Ce qu’il fait quand il développe, par exemple, des techniques de gestation pour autrui ou quand il répond par la chirurgie esthétique aux exigences d’un corps parfait. L’homme est tenté d’utiliser la médecine pour façonner l’homme nouveau, hyper-performant. La vision chrétienne s’appuie, elle, sur le Christ, un modèle qui ne prône pas de performances extérieures, mais l’importance de l’amour et de la vie intérieure.

P. N.-D. - Que peut-on attendre de ce colloque ?

P. B. de M. – Notre époque rationaliste écarte le rapport entre médecine et sacré, malgré les aspirations spirituelles de l’homme, soignant ou soigné. Lors du colloque, le chirurgien et philosophe Michel Caillol nous expliquera « le rapport certain » que l’acte chirurgical entretient « avec le sacré – l’interdit – ce que l’on ne doit pas profaner ». Beaucoup se réfugient derrière des protocoles plutôt que d’instaurer une relation médicale soignant-soigné de qualité. Nous ferons part de la position de l’Église, qui est favorable à tout ce qui peut apaiser la souffrance de l’homme, mais qui invite en même temps à une tempérance visà- vis des possibilités médicales actuelles. Comme le disait Paul VI, l’Église est attachée à « une vision intégrale de l’homme et de sa vocation ». C’est pourquoi elle promeut une médecine au service de l’homme, et non une médecine au service de sa propre volonté de puissance. • Propos recueillis par Alix Bourel

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