Le diocèse aux Armées a 30 ans
Paris Notre-Dame du 28 juillet 2016
Paris Notre-Dame – Pourquoi créer un diocèse pour les militaires ?
Mgr Robert Poinard – Les militaires forment un monde à part à plusieurs titres. Jean-Paul II, lui-même fils de militaire, l’avait très bien compris. Le militaire, appelé à se déplacer très fréquemment, n’a pas d’attachement territorial. Quand vous questionnez un militaire, ou un de ses enfants, ils vous diront qu’ils sont de « nulle part », ou de « partout ». Le diocèse aux Armées permet de suivre les militaires et leur famille où qu’ils se trouvent. Les deux cent quarante aumôniers du diocèse sont répartis partout dans le monde, de l’Afrique aux Antilles, en passant par Tahiti et, bien évidemment, sur les zones de conflits où l’Armée française est engagée.
D’autre part, être militaire est un métier violent, où l’on côtoie la souffrance et la mort. Aujourd’hui, beaucoup de jeunes prêtres n’ont pas fait de service militaire. Ils ne savent pas ce qu’est l’univers de la guerre et sont moins à même de comprendre ce que vit le militaire. Celui-ci est confronté à des types de détresses particulières que ne comprendrait pas forcément un prêtre civil. Un aumônier militaire sait ce que vit un militaire séparé de sa femme et de ses enfants, qui ne peut pas facilement téléphoner ou envoyer de mail. Les problèmes de couples sont aussi très spécifiques dans ce milieu.
P. N.-D. – Vous célébrez cette année les trente ans du diocèse aux Armées. Comment a-t-il évolué depuis sa création ?
Mgr R. P. – Les aumôniers sont passés d’un fonctionnement très individualiste à une logique de plus en plus communautaire. Avant que le diocèse n’existe, il existait des aumôniers, et des aumôneries distinctes, armée par armée. C’était une sorte d’assemblage mis bout à bout. Aujourd’hui, nous avons notre séminaire et notre propre service diocésain. Nous avons vu se créer des communautés autour des aumôniers militaires partout dans le monde, qui sont le résultat des efforts entrepris par les évêques successifs pour arriver, petit à petit, à créer un esprit diocésain.
P. N.-D. – Quelle est la demande des militaires sur le plan religieux ?
Mgr R. P. – Les personnes de ce milieu sont obligées, à un moment de leur vie, de se poser des questions essentielles, notamment sur la violence, l’usage des armes, etc. Certains s’orientent vers une approche spiritualiste, tandis que les catholiques, pas forcément pratiquants, vont approfondir leur foi. Tous les ans, nous avons de très nombreuses confirmations d’adultes – cent cinquante cette année. Certains militaires non croyants participent même à des activités d’aumônerie et finissent par demander le baptême une centaine cette année. • Propos recueillis par Élisabeth Feigneux
Un peu d’histoire
Le 23 avril 1951, le pape Pie XII crée le « Vicariat aux armées », qu’il organise en 1952, par le décret Obsecundare votis. L’archevêque de Paris devient alors vicaire aux Armées françaises au nom du pape, avant de laisser sa charge, en 1964, à une évêque auxiliaire. Le vicariat se détache alors peu à peu de l’archevêché de Paris. En 1986, Jean-Paul II promulgue la constitution apostolique Spirituali Militum Curae qui instaure le diocèse aux Armées françaises, lequel fonctionne désormais comme n’importe quel diocèse en France.