Les sculptures royales des frères Anguier
Paris Notre-Dame du 9 juillet 2015
Les églises parisiennes regorgent de trésors créés par de grands artistes souvent un peu oubliés. Paris Notre-Dame propose une série de parcours autour d’artistes dont les œuvres ornent nos églises. Les frères Anguier, sculpteurs du XVIIe siècle, ouvrent la série.
N.-D. du Val-de-Grâce (5e), protégée derrière ses grilles, ne se laisse pas facilement découvrir. En semaine, elle n’est accessible qu’à condition de payer un droit d’entrée au musée du Service de santé des armées, qui occupe désormais les murs du couvent bénédictin. Mais il est possible de visiter l’église durant l’office du dimanche, à 11h.
Une expression retenue
L’église a été édifiée en 1654 par Anne d’Autriche, en l’honneur de la Vierge de la Nativité, afin de rendre grâce pour la naissance longtemps désirée d’un fils, le futur Louis XIV. Les plus grands artistes de son temps sont mis à contribution, dont deux frères, François et Michel Anguier (l’un né en 1604, l’autre en 1612). Tous deux sont sculpteurs, ont étudié leur art à Rome auprès du Bernin, mais ils ont rapporté en France un style baroque à l’expression plus retenue que les statues italiennes de l’époque. Les médaillons de la coupole, qui figurent les quatre évangélistes, les arcades des chapelles où sont représentées les allégories de 18 vertus (théologales, cardinales et moniales), les bas-reliefs du maître-autel, tous ces éléments ont été sculptés par les deux frères.
Une histoire mouvementée
Surtout, sur le maître-autel, trône la composition de la Nativité, chef-d’œuvre de la sculpture baroque française, et confiée par Anne d’Autriche à Michel, le plus connu des deux. Chaque personnage, Marie, Joseph et l’enfant, est dissocié des autres et l’ensemble conjugue un grand recueillement au mouvement expressif des corps. Et pourtant, ce n’est pas l’œuvre d’Anguier qui se trouve actuellement au Val- de-Grâce, mais une simple copie. En effet, la Révolution française confisque le bâtiment en 1789 et en fait un hôpital militaire. L’église est sauvée, mais les œuvres sont dispersées. L’église St-Roch (1er), où sont inhumés les deux frères (quoique leur sépulture, placée dans la nef, ait disparu), prête asile à la Nativité. Cette magnifique église jésuite qui fut la paroisse des frères Anguier, abrite le précieux ensemble sous une Gloire divine, sculptée par Falconet. Derrière, le Christ en croix est également de Michel Anguier.
Une œuvre convoitée
Mais Augustin, hypokhâgneux qui visite l’église, l’assure : « L’ensemble est bien mieux au Val-de-Grâce, dans ce décor conçu pour lui. » Or, quand N.-D. du Val-de-Grâce fut rendue au culte, le curé demanda qu’on lui rendît aussi l’ensemble de la Nativité. Sans succès. Le curé de St-Roch entendait bien garder la précieuse sculpture. « Il y a encore quelques années, le Val- de-Grâce a réclamé la Nativité », raconte la dame de l’accueil à St-Roch. « On a répondu que la déplacer serait impossible. » À St-Roch, on chuchote même qu’il est hors de question de la rendre, puisque c’est St-Roch qui l’a sauvée de la destruction. Une autre œuvre s’est réfugiée et demeure dans une autre église, cette fois-ci sans créer de remous : il s’agit du bas-relief en bronze doré, qui est désormais placé sur le nouveau maître-autel de St-Paul- St-Louis (4e). Elle représente les pèlerins d’Emmaüs et a été sculptée par le frère aîné, François Anguier. • Pauline Quillon