Mozart au Paradis : succomber à la joie

Paris Notre-Dame du 6 février 2025

Faire dialoguer la musique du divin Mozart avec les extraits d’un essai sur la joie de Fabrice Hadjadj intitulé Le Paradis à la porte, lu par le comédien et humoriste Philippe Chevallier, est le pari réussi du spectacle Mozart au Paradis, imaginé par le pianiste Vincent Laissy, à aller savourer les 11, 12 et 13 février à l’Espace Bernanos.

© Sandrine Righeschi

« Longtemps, j’ai détesté Mozart. » C’est avec ce prélude iconoclaste que le philosophe, écrivain et musicien Fabrice Hadjadj engage une réflexion intitulée « Souffrir la joie », où il examine en profondeur les ressorts de sa surprenante « conversion » mozartienne, au cœur d’un essai : Le Paradis à la porte, sous-titré Essai sur une joie qui dérange (Seuil, 2011). Une porte ouverte sur le mystère de la joie divine, que Vincent Laissy, pianiste mozartien dans l’âme et ami de Fabrice Hadjadj, maintient entrebâillée l’espace d’une conversation-concert d’un peu plus d’une heure entre le Trio Bagatelle et un lecteur, l’humoriste Philippe Chevallier du célèbre duo Chevallier et Laspalès. Entonnant avec fraîcheur les harmonies extraites des pièces les plus familières du maître autrichien, le trio, composé de Vincent Laissy au piano, Valentin Seignez-Bacquet au violon et d’Aurore Alix au violoncelle, entame tout d’abord un dialogue par petites touches avec le comédien, avant de gagner en amplitude pour donner à entendre in extenso les mouvements de trios plus confidentiels, qui figurent dans leur premier enregistrement.

Au fil de cette conversation-concert, les sourires et regards échangés à la vitesse des notes fusent et laissent apparaître une complicité délicate entre les uns et les autres. Le plaisir de jouer ensemble est palpable et la maestria de Mozart trouve un écho sensible dans la virtuosité de la langue inventive, poétique et jubilatoire du philosophe, à la pensée tout éclairée par la grâce, que Philippe Chevallier lit et déploie debout face au public. S’arrêtant sur certaines expressions imagées de Fabrice Hadjadj, l’humoriste en souligne la beauté et l’étrangeté parfois, qu’il explicite souvent au moyen d’une espièglerie dont il a le secret. Apparaît alors le cheminement de Fabrice Hadjadj, du rejet de la simplicité de Mozart vers la révélation de sa profondeur divine où « une allégresse insaisissable transcende la grille des accords et fait entendre dans la mélodie la plus simple quelque chose comme la création du monde », ce sur quoi le violoncelle et le piano répondent par l’envolée de l’Ave verum corpus. Et le philosophe d’affirmer : « Le bien nommé Amadeus a ce don des larmes en majeur. Le style galant est là tel que lui fournit son époque frivole, et son génie est de le transformer non pas de l’extérieur, en lui opposant la grande tourmente romantique, mais de l’intérieur, en laissant sa frivolité s’ouvrir à la grâce. » Il n’est, dès lors, pas difficile de se rallier à la supposition du théologien protestant Karl Barth que cite pour finir Fabrice Hadjadj : « Je ne suis pas sûr que les anges, lorsqu’ils sont en train de glorifier Dieu, jouent de la musique de Bach, je suis certain en revanche que quand ils sont entre eux, ils jouent du Mozart, et que Dieu aime alors tout particulièrement les entendre. » Après avoir eu l’oreille creusée par la beauté du jeu gracieux et sensible de ce trio de musiciens d’une grande homogénéité, les spectateurs trouveront, fraîchement sorti pour l’occasion sous le label Paraty, le premier enregistrement du Trio Bagatelle consacré à Mozart qui permettra de rejouer la joie de l’écoute de cet avant-goût du Ciel.

Mathilde Morandi

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