“Prædicate Evangelium”, une logique de communion
Paris Notre-Dame du 2 juin 2022
Comment comprendre Prædicate Evangelium, nouvelle constitution apostolique qui entre en vigueur ce 5 juin, par laquelle le pape François légifère sur la Curie romaine, réforme qu’il entreprend depuis son accession au trône de Pierre ? Analyse, avec le P. Emmanuel Boudet, canoniste, official de Paris et président du tribunal ecclésiastique de première instance pour l’Île-de-France.
Paris Notre-Dame – Dicastères remaniés ou fusionnés, insistance sur la communion entre le pape et les évêques… Quels sont les principes directeurs de cette constitution ?
P. Emmanuel Boudet – La Curie romaine est un organisme qui s’est régulièrement réformé depuis Sixte Quint en 1588. Cette quatrième constitution arrive pour un temps qui est le nôtre, après celle de Jean-Paul II en 1988, Pastor Bonus. Alors que la Curie romaine a toujours eu tendance à avoir un fonctionnement centralisateur, le Concile Vatican II et les papes qui se sont succédés ensuite jusqu’à François, ont eu à cœur de replacer le rôle de la Curie, non comme un organisme centralisateur de gouvernement sur les Églises locales qui serait dirigé par le pape, mais bien comme une structure de communion avec le collège des évêques qui « assiste le successeur de Pierre dans l’exercice de sa charge pastorale suprême et dans le service de l’Église universelle et des Églises particulières » (Prædicate Evangelium, II). Cette forme de gouvernement réaffirmée ici est un appel, dans la lignée de Vatican II, à la responsabilité de tous les acteurs dans la mission. Le Christ nous donnant à tous l’Esprit Saint, tous les acteurs de l’Église ont une vraie mission en son sein, qui porte évidemment sur l’annonce, là où ils sont, mais aussi dans certaines tâches et compétences particulières. La question principale pour la vie de l’Église remise en avant est bien l’annonce de l’Évangile. Le regroupement, en un seul « dicastère pour l’Évangélisation », de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples et du Conseil pontifical pour la nouvelle évangélisation, en est une illustration (un regroupement cité en premier dans la liste des dicastères, devant le dicastère pour la doctrine de la foi, NDLR). Le pape François en prendra lui-même la responsabilité pour appuyer cette direction donnée.
P. N.-D. – Cette réforme est un nouvel appel à la synodalité. Qu’implique-t-elle pour les diocèses ?
E. B. – Si la communion doit être vécue avec l’Église de Rome, elle doit aussi se vivre au sein des Églises particulières. Dans Prædicate Evangelium, il est aussi question des relations avec les structures intermédiaires : provinces ecclésiastiques, conférences épiscopales auxquelles le pape redonne une certaine autonomie... Comment fait-on pour travailler à une vraie synodalité qui dépasse les frontières de sa paroisse, de son doyenné, de chaque diocèse, chaque province, et finalement de chaque nation, jusqu’à notre Église universelle qui se fonde sur cette communion entre tous ? Comment sommes-nous disciples missionnaires au sein de nos organismes d’Église, et pas seulement des organisateurs de tâches et de services ? Il est intéressant que le pape François parle également, dans Prædicate Evangelium, de spiritualité de communion entre les membres de la Curie romaine et non de hiérarchie. À Rome, chaque dicastère va être appelé à travailler davantage avec les autres dicastères, afin de réaliser une meilleure cohérence et transparence du travail de la Curie. Une méthode de travail différente se prépare, qui associera davantage les compétences de laïcs dans divers domaines d’intervention, pouvant donc, comme le précise le texte, recevoir des missions de « gouvernement et de responsabilité » au sein des dicastères.
Propos recueillis par Laurence Faure
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