Qui est l’étranger ?

Paris Notre-Dame du 2 octobre 2014

P. N.-D. – Le cycle de conférences « Droit, liberté et foi », organisé conjointement par le Collège des Bernardins et le Barreau de Paris, explorera, cette année, le thème de « L’étranger », les mercredis 1er, 8 et 15 octobre [1] Pourquoi ce choix ?

Mgr Jérôme Beau, évêque auxiliaire de Paris et président du Collège des Bernardins.
© Agnès de Gélis

Mgr Jérôme Beau – La question de la migration est au cœur de l’actualité. Son histoire a connu de grands bouleversements ces dernières années. La mondialisation et la rapidité des transports ont entraîné une augmentation considérable du nombre de personnes qui traversent les frontières. Actuellement, environ 50 millions d’hommes et de femmes dans le monde ont dû quitter leur pays à cause d’un conflit ou d’une crise. Le jeudi 11 septembre, un drame a rappelé la gravité de ce sujet : environ 500 migrants originaires d’Afrique se sont noyés au large de Malte parce qu’ils voulaient rejoindre l’Europe. Le cycle « Droit, liberté et foi » traitera de cette problématique sous les angles de la théologie, de l’anthropologie, du droit et des rapports internationaux. Il se focalisera surtout sur la dimension humaine.

P. N.-D. - Quelle est la spécificité du regard chrétien dans ce débat ?

Mgr J. B. – La migration et l’accueil de l’étranger font partie intégrante de l’histoire de l’alliance biblique. Abraham, par exemple, est appelé par Dieu à quitter son pays. Pour les chrétiens, la fraternité entre les hommes est primordiale, d’une part, parce que toute personne humaine est créée à l’image de Dieu et a donc une dignité spécifique. D’autre part, parce que Dieu est “Un” et Père de tous les hommes, l’autre est d’abord un frère et non un étranger. L’unité du genre humain ne craint pas la diversité culturelle mais l’assume dans une vision commune. Le christianisme n’a ainsi pas un modèle culturel unique.

P. N.-D. - Comment renforcer cette fraternité ?

Mgr J. B. – Au niveau mondial, nous constatons une circulation importante des hommes entre pays et en même temps, malheureusement, une montée des particularismes culturels. Je pense que pour s’ouvrir au monde et à l’universel, chaque homme a besoin d’un lieu où il puisse se sentir chez lui. Il est nécessaire de trouver sa place particulière dans une société. Comment entrer en dialogue avec les autres si on se sent un étranger dans le pays où l’on vit ? Dans son Exhortation apostolique Evangelii gaudium (paragraphe 115), le pape François développe cette idée : « La personne humaine “de par sa nature même, a absolument besoin d’une vie sociale”, et elle se réfère toujours à la société, où elle vit d’une façon concrète sa relation avec la réalité. L’être humain est toujours culturellement situé. » Dans la rencontre de l’autre, dans celle de cultures différentes, nous avons à nous laisser transformer par le Christ pour mieux refléter dans notre monde sa présence et son image. • Propos recueillis par Céline Marcon

[1Conférences, de 20h à 22h, les 1er et 8 octobre, au Collège des Bernardins et, le 15 octobre, à la Maison du Barreau, 2 rue de Harlay (1er). Plus d’infos : www.collegedesbernardins.fr .

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