Une Église indienne, fruit de la prédication de saint Thomas
Paris Notre-Dame du 15 juin 2016
Paris Notre-Dame – Parlez-nous de l’Église syromalabare que vous représentez. Quelle est son origine ?
Cardinal George Alencherry – L’Église syro-malabare a été fondée par saint Thomas, dès le premier siècle de notre ère (cf. encadré). C’est une Église profondément implantée dans la tradition et la culture indienne. Elle compte aujourd’hui 4,5 millions de fidèles et, même si une grande partie d’entre eux sont établis dans l’État du Kerala (Inde), nous avons des communautés aux États-Unis, en Australie, au Canada, dans les pays du Golfe et en Europe.
P. N.-D. – Quels sont vos particularismes ?
Card. G. A. – Nous avons une façon de vivre bien à nous, une spiritualité propre qui porte du fruit car nous avons beaucoup de vocations. Au sein de notre Église, l’esprit communautaire est très fort, il y a une grande solidarité, et rares sont les chrétiens qui ne pratiquent pas leur foi. Les laïcs ont également une place centrale, ils prennent en charge beaucoup de choses au sein de la paroisse et même s’ils respectent le service particulier des prêtres, ce service est partagé, comme l’autorité.
P. N.-D. – Il y a plusieurs prêtres syromalabars en résidence à Paris. Vous-même avez étudié plusieurs années ici. Pourquoi ce choix de la France ?
Card. G. A. – Même si le catholicisme a perdu du terrain en France, l’apport intellectuel de votre pays reste très important. Les Français ont une culture philosophique, théologique, intellectuelle inégalable. Vos idées, vos travaux nourrissent des générations de prêtres du monde entier. Quand j’ai étudié ici, j’ai été fasciné par les nuances, les idées que vous exprimez, votre sens du monde. C’est la seule Église qui soit ouverte à ce point aux réalités orientales. Voyez l’œuvre d’Orient ! C’est une création unique de l’Église de France. Il n’y a aucun autre organisme équivalent ailleurs. Vous avez fait beaucoup plus pour les chrétiens d’Orient persécutés que toutes les autres Églises du monde. Invité par l’OEuvre d’Orient, pour son 160e anniversaire fin mai, j’ai évoqué, dans mon homélie à Notre-Dame, la figure du cardinal Eugène Tisserant, un Français, grand orientaliste, qui fut secrétaire de la Congrégation pour les Églises orientales. Quand j’étais étudiant ici, j’ai lu ses articles. Il disait : « J’aime l’Église syro-malabare car je connais bien votre histoire. Votre Église doit être respectée dans ses particularismes, sa culture. » Cinq de nos prêtres résident actuellement en France, dont un ici dans le diocèse de Paris. Si nous continuons à bien travailler avec l’Église de France, nous en enverrons d’autres, car nous avons des vocations et il faut former nos prêtres. ❏ Propos recueillis par Priscilia de Selve
UN PEU D’HISTOIRE
Héritière de l’antique Église d’Inde, dont la fondation est attribuée à l’apôtre saint Thomas, l’Église syro-malabare est née en 1653, quand les chrétiens indiens de tradition chaldéenne refusèrent la latinisation imposée par les missionnaires portugais. Ils se rapprochèrent alors du Patriarcat syrien-catholique d’Antioche. En 1887, Léon XIII leur accorda une structure indépendante, et en 1923, une véritable Église syro-malabare vit le jour. C’est Jean-Paul II qui, en 1992, leur accorda le statut d’Église archiépiscopale majeure.