Vivre en profondeur le vendredi saint
Paris Notre-Dame du 10 avril 2014
Le vendredi saint est une des journées les plus importantes de l’année pour les chrétiens. Ils y commémorent la Passion du Christ et sa mort sur la croix. Tour d’horizon des diverses propositions spirituelles pour ce jour-là, parmi lesquelles le jeûne avec Mgr Michel Chafik, recteur de la Mission copte catholique – d’origine égyptienne – de Paris (10e).
P. N.-D. – En quoi le jeûne aide-t-il à vivre pleinement le vendredi saint ?
Mgr Michel Chafik – Cela ne doit pas être une fin en soi, mais un moyen pour se recentrer sur l’essentiel : la prière et l’attention aux plus pauvres. Par la maîtrise du corps, il contribue à apaiser les passions, à rechercher la pureté du cœur et à creuser en chacun le désir d’entrer en relation avec Jésus Christ. Le vendredi saint, en particulier, le jeûne permet aux chrétiens de partager dans leur chair les souffrances du Christ pendant sa Passion et, à travers cette expérience, de mieux accepter leurs propres souffrances. Pour rendre cette démarche plus profonde, les coptes vivent “la prière des heures”, du matin jusqu’au coucher du soleil, comme un chemin à parcourir à la suite du Christ. Un itinéraire spirituel qui conduit à la joie de la Résurrection.
P. N.-D. – Cette démarche est-elle essentielle pour tous les chrétiens ?
Mgr M. C. – Toutes les confessions chrétiennes invitent à s’y lancer. Cette tradition découle vraisemblablement du premier commandement que Dieu adressa à l’homme : « Tu ne mangeras pas de l’arbre de la connaissance car, le jour où tu en mangeras, tu devras mourir (Gn 2, 17). » Il y a eu une interdiction alimentaire dès le début de la création. Jésus a lui-même jeûné durant quarante jours (Mt 4, 2) dans le désert (avant de commencer son ministère de prédication, ndlr). L’Église catholique latine demande actuellement deux jours de jeûne : le mercredi des Cendres et le vendredi saint. Notre Église copte, elle, en prescrit 250, particulièrement pendant le carême. Cette différence s’explique par la grande influence exercée dans la culture égyptienne par les moines, qui s’astreignent régulièrement à cette pratique, notamment chaque semaine les mercredis – en souvenir de la trahison de Judas – et les vendredis – pour commémorer la mort du Christ –, sauf entre Pâques et la Pentecôte. Bien souvent, les prêtres coptes recommandent des jours supplémentaires de jeûne aux fidèles comme pénitence. Le patriarche copte catholique le demande aussi pendant des périodes difficiles, par exemple lors de tensions entre les coptes et les musulmans en Égypte (le pape François avait fait le même appel pour la paix en Syrie, en septembre 2013, ndlr).
P. N.-D. – De quelle manière est-il pratiqué par les chrétiens d’Égypte ?
Mgr M.C. – Jésus n’a pas laissé de prescriptions particulières sur le sujet. Chaque confession chrétienne l’organise donc selon sa liturgie et ses coutumes propres. Il y a deux formes de jeûne chez les coptes. Le premier, appelé tayy, consiste à s’abstenir totalement de toute nourriture et boisson. Il est suivi par les moines, et occasionnellement par les fidèles les plus pieux. Quant au second, le sawm, il consiste à s’abstenir de toute nourriture de provenance animale, comme la viande, le laitage, l’huile ou le vin, et de se limiter à un seul repas par jour, pris de préférence le soir. Celui-ci est très largement respecté par la communauté. Il est aussi à préciser que la communion eucharistique est considérée comme une rupture du jeûne. Pour cette raison, les messes sont programmées plus tardivement pendant le carême. La durée et les modalités du jeûne peuvent varier chez les chrétiens, mais non son esprit. Jésus le souligne en dénonçant à plusieurs reprises l’attitude ostentatoire des Pharisiens : « Quand vous jeûnez, ne prenez pas un air sombre comme font les hypocrites (Mt 6, 16). » • Céline Marcon
Décryptage
P. Henri de l’Éprevier, curé de N.-D. de l’Assomption des Buttes-Chaumont (19e)« Le vendredi saint est une journée pénitentielle durant laquelle les chrétiens commémorent la mort du Christ et essaient de partager ce qu’Il a vécu. Ce jour-là, il n’y a pas de messe – parce que celle-ci célèbre la résurrection du Christ – mais un office de la Passion (avec des hosties consacrées la veille, ndlr). Cette célébration introduit les fidèles à une approche contemplative de la Passion, notamment à travers la vénération de la croix. C’est une manière de reconnaître que Jésus a rejoint l’humanité jusque dans la mort. Il ne s’agit pas de se focaliser sur sa souffrance mais de prendre conscience de ce qu’il a accompli : il a continué d’aimer son Père sur la croix et y a opéré le Salut pour tous les hommes. Cette méditation peut s’approfondir à travers les sept Paroles prononcées par Jésus sur la croix (mentionnées dans les quatre Évangiles, ndlr). Le vendredi saint, il est aussi essentiel, encore plus que les autres jours, que la relation à Dieu ne reste pas dans l’ordre des idées mais entre dans notre vie, jusque “dans notre chair”, de manière concrète. C’est l’intérêt du jeûne, ou d’autres pratiques comme le chemin de croix, qui aident à s’unir au chemin du Christ. »
Le sens des chemins de croix
Au début de l’après-midi du vendredi saint, à l’heure dite supposée de la crucifixion du Christ, de nombreuses paroisses parisiennes proposeront des chemins de croix. Ils se vivront dans les rues, par exemple sur les Champs-Elysées avec St- Pierre de Chaillot (16e), ou à l’intérieur des églises, comme à St-Lambert de Vaugirard (15e) où des œuvres viennent d’être installées pour aider à la méditation. La tradition du chemin de croix remonte au XIVe siècle. Diffusé par les franciscains, il retrace en 14 étapes, appelées « stations », la Passion du Christ, depuis sa condamnation à mort jusqu’à sa mise au tombeau. Les stations sont souvent représentées dans les églises. En les méditant, les chrétiens essaient de s’unir aux souffrances du Christ et de contempler l’amour de Dieu pour les hommes.
– Horaires des chemins de croix à Paris
Soutenir les lieux saints
Comme chaque année, à la demande du pape, la quête du vendredi saint est dédiée aux lieux saints de la Terre Sainte. Les sommes recueillies seront remises aux franciscains, les « gardiens » de ces lieux. Elles serviront à l’entretien des basiliques et des églises et contribueront au fonctionnement des écoles et autres institutions de formation. Un soutien essentiel pour les chrétiens d’Orient.