Ouverture des Conférences de Carême 2006 par Mgr André Vingt-Trois, archevêque de Paris.
En créant, il y a plus d’un siècle, les Conférences de Carême, le Bienheureux F. Ozanam, Mgr de Quelen et l’Abbé Lacordaire répondaient à un besoin de leur temps : rappeler les fondamentaux de la doctrine chrétienne. Ils le firent dans le style et avec les moyens de leur époque, pour une société qui reprenait progressivement des allures chrétiennes, mais dans un climat de grandes tensions sociales et dans une grande ignorance des enseignements de l’Église. Pour les catholiques cultivés, l’urgence était de pouvoir se réapproprier les bases doctrinales de leur foi et d’en devenir les défenseurs dans un contexte jugé agressif ou, en tout cas, polémique.
Depuis ce temps, la nécessité pour l’Église de réfléchir les grandes expériences de l’humanité ne s’est pas estompée et les Conférences de Notre-Dame ont continué de remplir leur fonction. Mais, alors que depuis deux siècles au moins l’Église s’affronte dans notre pays avec d’autres approches de la compréhension de l’humanité et étant donnée la profonde sécularisation de la culture qui nous façonne, le Cardinal Lustiger a souhaité que la rencontre de la foi et de la raison humaine trouve son expression dans le cadre de ces conférences. C’est ainsi que, depuis l’an dernier, elles cherchent à provoquer et à diffuser le dialogue de la conception chrétienne de l’homme avec d’autres expressions d’humanisme croyant ou athée.
Pendant ces dimanches, vous allez entendre des interventions à deux voix. Elles s’efforcent d’être l’écho du dialogue qu’ont entretenu les intervenants pour les préparer. Non pas un match dont sortirait nécessairement vainqueur un détenteur de la vérité, mais une rencontre dans laquelle deux personnes de conviction tentent de s’ouvrir mutuellement un chemin d’accès vers leur part de la vérité humaine. Ce dialogue rassemble des personnes animées par le souci de progresser vers la vérité. Si elle n’est pas conçue pour fournir l’exhortation de Carême que le chrétien trouvera dans sa paroisse, chaque « conférence » veut être ainsi un stimulant pour nous encourager à rencontrer les hommes et les femmes de notre temps, pas seulement dans leurs réalisations exceptionnelles ou la banalité de leur quotidien, ni en dénonçant les travers bien connus de notre société, mais surtout pour entendre comment ils comprennent la dignité de l’existence humaine dans le cours des jours à travers leurs itinéraires personnels
Partir de l’exclamation du païen Pilate, rapportée par l’évangile de Jean : « Voici l’homme ! » et considérer les grandes expériences humaines, telles que : « Être différent », « Devenir », « Souffrir », « Mourir », « Espérer » et « Vivre », c’est toucher à la racine même de la dignité humaine. La foi chrétienne nous dit quelque chose sur ces sujets, mais elle n’est pas la seule : tous les hommes de toutes convictions sont acculés à faire face à ces situations et à les réfléchir.
On reproche souvent à l’Église de ne pas savoir se faire entendre et comprendre des hommes de notre temps. On pourrait sans doute lui reprocher, à plus juste titre, de ne pas assez écouter les hommes pour pouvoir leur parler utilement. Cet impératif d’attention bienveillante aux efforts de nos contemporains pour comprendre notre monde et leurs activités en son sein est sans nul doute la condition première de toute évangélisation, car il est déjà une bonne nouvelle en lui-même. En votre nom à tous, vous qui êtes ici présents et vous qui nous suivez sur France Culture, Radio Notre-Dame et KTO, je veux déjà remercier celles et ceux qui ont accepté de courir le risque de la rencontre et du dialogue.