Questions-réponses - Cycle Droit, Liberté et Foi 2010
Cycle “Le corps, la personne et le droit” - 13 octobre 2010
2e séance : Le corps, hors du commerce ?
– Présidence : M. Jean Castelain, Bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris
– Introduction : Me Thierry Massis
– M. Roberto Andorno : Le fondement éthique du principe d’indisponibilité du corps humain
– Mme Marie-Thérèse Hermange : La législation, enjeux médicaux et sociaux
Questions-Réponses
1e transcription
1ère question, Mme Paley-Vincent : M. le Bâtonnier vous nous avez dit tout à l’heure le plaisir à entendre des avocats je ne voudrais pas vous priver du plaisir de m’entendre ! Je voudrais porter un témoignage. J’ai eu la chance en 1984 de porter le débat de l’indisponibilité du corps humain devant le Tribunal de Grande Instance de Créteil quand il était saisi par Mme Parpalet qui souhaitait récupérer au CECOS (Centre d’Etude et de Conservation des Œufs et du Sperme) de Kremlin Bicêtre la dose de sperme congelé de son mari décédé pour procréer et pouvoir bénéficier du sperme de son mari et avoir un enfant. Il ne s’agissait pas alors de vendre le sperme de son mari mais de le récupérer comme on aurait récupéré un lingot d’or à la banque en prétendant hériter de ce sperme pour l’utiliser et bénéficier de la possibilité de faire un enfant. C’était un débat absolument passionnant parce que c’était tout le problème de l’indisponibilité du corps humain et ce qui m’a tellement passionné dans ce débat, c’est la confrontation du débat judiciaire et du regard de la société. On m’a posé le problème de me dire : « mais tu n’as pas honte d’aller plaider un truc pareil, mais c’est une atteinte à la liberté ! Mais que cette femme on la laisse faire un enfant, qu’est-ce que c’est que ce pouvoir médical qui se met entre cette volonté de l’enfant et cette volonté de perpétuer le souvenir de ce mari décédé, et comment vas-tu parler du sperme ? Comment vas-tu l’appeler ? Du sperme ? Ce n’est pas possible de plaider devant un tribunal en appelant cela comme ça ! » A l’époque, j’ai été brocardée et que c’était un climat d’hostilité vis-à-vis des médecins qui était vraiment très fort. Le jugement a été rendu, nos enfants l’ont commenté à la fac de droit, et le Tribunal dans sa grande sagesse avait estimé que les liens du mariage permettaient à cette dame de récupérer le sperme de son mari alors que nous avons tous appris en première année que le mariage était dissous par la mort. Donc nous avons perdu et je dois dire que mes clients les médecins avaient dit au Tribunal, par avance, nous respecterons la décision Messieurs du Tribunal que vous rendrez et nous ne ferons pas appel car ce n’est pas à nous de faire appel. Si quelqu’un doit faire appel c’est le Parquet, le procureur de le République. Celui-ci s’est abstenu, n’avait même pas requis à l’audience, ne s’était pas prononcé, n’avait pas conclu, et donc la dose a été remise à la famille Parpalet.
Et puis le temps a passé, et trois ans plus tard à Toulouse une dame demande la même chose. Changement de décor total. On nous attend, les avocats, à la sortie à l’aéroport, c’est tout juste si on ne nous a pas remis des fleurs en arrivant ! Nous avons été accueillis, nous avons pu participer à un débat serein dans lequel le procureur de la République s’est magnifiquement exprimé, nous avons eu une décision qui a été rendue, rédigée dans un style remarquable. Mettant bien en avant sur tous ces problèmes-là, le droit de l’enfant par rapport au droit à l’enfant et ensuite Paris, Créteil, d’autres décisions se sont prononcées dans un sens qui a abouti finalement à la loi de 1994 qui n’a pas autorisé l’insémination post-mortem avec la dose de sperme du mari décédé. Je voulais vous livrer ce témoignage car c’était vraiment le reflet de l’évolution de la société dans le débat judiciaire.
M.-T. Hermange : Ce débat, comme les autres que nous avons évoqués, la clef de tout, c’est l’assistance médicale à la procréation, car elle permet aujourd’hui de tout concevoir dans tous les sens. La racine de la problématique vient de la technique de l’AMP qui permet tout.
2e question, Philippe Lecas, avocat au bureau de Paris : J’ai entendu depuis deux séances les raisons philosophiques, juridiques, scientifiques, je reste un peu sur ma faim sur les fondements réels de l’indisponibilité du corps. Par mes questionnements, je voudrais interpeler le juridique, le politique, Mme le Sénateur, M. le Bâtonnier, sur le fondement profond politique celui-là, qui est peut-être que si on laisse le corps devenir disponible on va finir par renvoyer à ses notions terribles de l’esclavage et de la prise d’otage pour schématiser les choses. Dans l’ordre spirituel, là j’en ai peu entendu parler, et ma question, Mgr Beau, va peut-être s’adresser à vous, l’indisponibilité du corps humaine ne renvoie-t-il pas à la notion que nous sommes sinon la représentation de Dieu du moins peut être une parcelle de Dieu du temps où nous sommes vivants.
M. Jean Castelain : je sais bien que le bâtonnier doit répondre à toutes les questions… Je crois qu’en réalité ces questions que nous évoquons sont des questions qui évoquent effectivement des problèmes philosophiques, des problèmes moraux, des problèmes ontologiques, des problèmes de relation avec le Divin et le sacré, mais ce sont aussi des questions qui sont contingentées dans le temps et dans l’espace. Et je voudrais vous en donner des exemples. En Amérique Latine, pays extrêmement catholiques, on a dans les journaux des propositions de vente de reins, ce qui veut dire que l’on a considéré non seulement que c’était normal de pouvoir vendre son rein mais que l’on pouvait également en faire la publicité et que c’était légitime. Si on commence par faire de la publicité par voie de presse de ce que l’on met un rein sur le marché, cela veut dire que c’est accepté par tout le monde. On a en Pologne et en Hongrie, qui sont des pays de l’Union Européenne, des agences spécialisées depuis 1993 dans les offres de commerce d’organes. L’Union Européenne est censée être un lieu dans lequel le niveau de civilisation, de culture, au niveau juridique, au niveau économique est tel, que l’on peut abolir les échanges et on peut arriver à des lois communes. Nous partageons une monnaie, et ces états (la Pologne et la Hongrie) ont conçu, la Pologne pays très catholique, des agences spécialisées dans les offres de commerce d’organes. La troisième chose qui me frappe aussi, c’est que nous sommes dans des problématiques qui discriminent entre les pays riches et les pays pauvres. Ce sont les pays riches qui ont adopté des législations protectrices de ce qu’est le corps humain. Dans les pays pauvres, l’idée de pouvoir vendre un rein pour pouvoir payer les études des enfants, pour pouvoir acheter un appartement, ou pour pouvoir se payer un traitement médical constitue une réalité incontestable. Pour les Indiens, c’est une réalité, on dit : je vends un rein parce que je permettrai à mon enfant d’aller à l’université et je n’ai rien d’autre à donner, je n’ai rien d’autre à vendre, je n’ai rien d’autre qui a de la valeur, parce que je n’ai rien, en conséquence de quoi la seule valeur qui est la mienne, que je peux mettre sur le marché, c’est mon propre corps. Finalement, il y a une légitimité à disposer de son propre corps pour pouvoir, si je puis dire, faire le don de l’argent de l’organe que l’on porte pour assurer le mieux vivre de ses enfants. Je ne réponds pas exactement à votre question sur le fondement juridique mais ce que je voudrais vous dire par cela, c’est que le fondement juridique est contingent. Je ne suis pas convaincu qu’il y ait un fondement juridique transcendantal à travers le temps et à travers les nations. Je voudrais terminer sur un exemple qui m’avait beaucoup frappé de Jacques Vergés, j’étais avec lui sur un plateau de télévision et on lui demandait ce qu’était un avocat pénaliste, et il a répondu : « c’est quelqu’un qui défend une personne dont la loi dit qu’elle est délinquante et j’ai défendu des femmes qui étaient poursuivies devant des tribunaux correctionnels parce qu’elles avaient avorté et aujourd’hui c’est remboursé par la Sécurité Sociale ».
Il y a donc un état d’évolution des sociétés, dans le temps et dans l’espace et je suis sur ces questions de fondement juridique bien incapable de vous dire s’il y a une ratio legis de la décision du législateur et j’ajoute Mme le Sénateur, comme vous l’avez dit très justement, nous sommes dans une situation en France où la recherche médicale est tout à fait formidablement avancée et où parfois elle s’arrête car on a une sorte de vertige devant les possibilités infinies qui sont proposées. J’ai un souvenir de ce que vous aviez dit, qui m’avait passionné, sur ces cellules du cordon qui étaient des espèces de pièces de mécano adaptables, c’est-à-dire des cellules indifférenciées, si j’ai bien compris, qui permettaient de développer tel ou tel organe. Ces cellules indifférenciées (les IPS) permettaient de développer un mécano, si on a besoin d’un œil, d’un foie, on peut, avec ces cellules, développer les choses. Finalement, face à cela il y a une sorte de vertige devant la capacité de la science à faire du vivant et dans la capacité de la science à faire du vivant, il y a quelque chose de transcendantal qui fascine l’être humain.
M.-T. Hermange : Moi je crois et j’ai tenté de le dire. Je n’ai pas rappelé l’homme créée à l’image de Dieu et à la ressemblance de Dieu, je crois fondamentalement que si la pensée n’est pas ordonnée, à tout le moins, à la loi naturelle voire aux données révélées et puisque effectivement, l’assistance médicale à la procréation permet de tout faire parce que c’est de là que vient toute la problématique de la commercialisation, à ce moment-là, effectivement on peut tout faire. Et on peut tout défendre dans un sens ou dans un autre, tout argument peut avoir une certaine rationalité mais n’arrive-t-on pas à un certain relativisme éthique ? Et à ce moment-là, n’a-t-on pas finalement une loi de bioéthique qui, sous couvert de nous dire l’éthique de la vie, va nous faire passer ce qui est « inéthique ». Et le corps en devenant disponible est soumis à un certain esclavage. Aux Etats-Unis par exemple, en ce qui concerne la gestation pour autrui, il y a des catalogues on va avoir un enfant, il y a les noirs, il y a les blancs, les cathos, les juifs, les nobélisables, et on est classé en catégories. Cela relève effectivement d’une certaine prise d’otage moyennant financement. C’est exactement la même chose pour le débat sur l’euthanasie, si on n’ordonne pas tout en liaison avec les lois naturelles ou aux données révélées, moi je comprends très bien qu’un certain nombre de mes collègues dans ce cas-là puissent dire : mais pourquoi pas ? Il m’est impossible par exemple, en matière de législation concernant la gestation pour autrui d’estimer que l’on puisse légaliser une telle pratique, c’est-à-dire légaliser un abandon d’enfant. Je me suis occupée pendant dix ans de l’Aide sociale à l’enfance, il y avait 10 000 enfants qui étaient en charge par la protection de l’Enfance à Paris, je ne peux pas concevoir, en tant que femme, que mère, que grand-mère, légaliser demain un abandon d’enfant.
Thierry Massis : Je suis tout à fait d’accord avec ce que vient de dire Mme le Sénateur, je crois que sur le principe fondamental et en dehors des convictions religieuses je crois qu’en ce qui concerne l’homme, le choix est absolument fondamental. C’est cette dimension de l’esprit, sa dimension spirituelle en tant que personne. Si nous abandonnons ce lien de l’expression de la personne que l’on sent d’une manière intuitive, même si on n’a pas la foi. Toute la philosophie occidentale et judéo-chrétienne pose des actes, des éléments fondamentaux, des principes fondamentaux, si nous les lâchons, nous basculons dans autre chose. Contrairement à ce que pense M. le Bâtonnier, je ne crois pas qu’il y a une vision relativiste du corps et de l’homme, je crois qu’il y a une dimension universelle. La vente des reins n’a pas de légitimité même si elle se situe dans une situation d’extrême pauvreté. Le combat contre la pauvreté, c’est autre chose que de léguer son corps. C’est assez fondamental.
M. Jean Castelain : je voudrais juste répondre d’un mot pour dire je suis bien sûr spirituellement d’accord avec Thierry Massis, mais il y a une chose fascinante par exemple, le prélèvement d’organe. Intuitivement, en France on dit : on peut le faire sur quelqu’un qui est cérébralement mort, parce que finalement les organes de ce corps pourraient servir à quelqu’un d’autre. Or la personne qui les a en elle est décédée. Dans d’autres pays, c’est l’inverse, c’est-à-dire qu’on ne peut faire des prélèvements d’organe que sur des personnes vivantes et qu’à partir du moment où les personnes décèdent on ne peut plus pratiquer ce genre de chose ce qui est exactement l’inverse de notre conception. Donc les choses sont quand même quelque peu contingentes sur ce sujet-là.
Mme M.-T. Hermange : oui mais ce n’est pas parce que mécaniquement on a reçu le don d’organe qu’intérieurement on le vit correctement. Vous avez, par exemple, des personnes qui reçoivent un cœur qui ont tel âge, qui reçoivent un cœur plus jeune et qui disent je vis désormais avec un intrus. Ou bien comme ce cas que j’ai vu, quelqu’un qui était en attente pour la deuxième fois d’une greffe de rein, sa sœur lui donne un rein, elle reçoit son rein, puis elle s’aperçoit que sa sœur continue à fumer constamment elle dit : moi j’ai risqué ma vie, j’ai donné mon rein et elle va risquer un cancer du poumon ! Donc en fait dans la relation du donneur/receveur, ce n’est pas parce que l’acte chirurgical et l’acte technique sont possibles qu’une fois reçu et une fois donné, on est dans un don qui est un don total et un don de gratuité, un don d’amour.
3e question Paul Arnaud, docteur en droit pénal : Je vais m’adresser à la fois à Mme la Sénatrice et particulièrement à mon collègue du docteur en droit privé, car j’ai déploré qu’il ne parle pas et qu’il n’aborde pas la question du clonage en référenciel avec le droit de propriété sur le corps. En fait, la question du droit de propriété sur le corps est extrêmement discutée, polémique vous l’avez tous dit. Mais il y a une idée, un concept, une notion que vous n’avez pas développés, c’est celle de locataire de son corps. On est un preneur à ??? bail de son corps. C’est-à-dire que compte tenu de cette parallèle que l’on peut dresser : avec le clonage l’on peut créer un double de soi-même. Il y a une notion qui est utile à ce niveau-là, c’est celle de location. Peut-on, en refusant la notion de droit de propriété de son corps qui, transféré sur une cellule souche pourrait justifier le clonage, en rejetant cette notion de droit de propriété, peut-on s’opposer de manière efficace au clonage ? Le clonage étant justifié lui-même par l’avancée des progrès techniques et l’avancée de progrès techniques peut-elle trouver une opposition suffisamment légitime sur cette notion de location du corps, que l’on n’est pas propriétaire et que l’on ne peut donc pas se reproduire soi-même à l’identique ? C’est-à-dire d’un côté il y a les avancées techniques et les finalités thérapeutiques que l’on peut trouver grâce au développement de soi-même d’un nouvel individu et à cela ne peut-on pas opposer le fait que l’on n’est pas propriétaire de son corps et que donc l’avancée de la science c’est une chose mais comme on n’est pas propriétaire de son corps, on est un locataire.
M. Jean Castelain : Je veux rebondir sur votre question pour la développer avec une information que j’ai eue qui m’a fascinée, avec la Procréation Médicalement Assistée. Nous avons actuellement en France l’équivalent de la population d’Aix-en-Provence, 156 000 embryons surnuméraires en bonbonne ! La tentation existe à ce moment-là de se dire quand on fait une fécondation et que l’on a plusieurs embryons, ne pourrait-on pas dire : on en prend un que l’on va développer complètement et on en garde un autre au congélateur qui sera une sorte de système de secours. On aurait alors un être vivant et au congélateur un double de cet être vivant. Quand l’être vivant aurait un problème pulmonaire, on lui brancherait le poumon de son double de sorte qu’il aurait ainsi une capacité par un stock génétique conservé à côté de lui et piocher une réserve qui lui garantirait des conditions de vie assez longue et plutôt confortable. Peut-on imaginer dans l’intérêt des humains que l’on ait un double de nous-même ou des pièces détachées de nous-même dont on pourrait se servir, ce qui ne gênerait personne puisque l’on n’aurait pas besoin de poser la question d’un donateur, d’un don d’organe, d’acheter. Ce serait nous-même qui serait stocké dans un coin.
M.-T. Hermange : et si on lève l’anonymat certain vont évoquer des problèmes en cas de succession. On s’aperçoit que toute la fabrique de l’homme renvoie à des questions qui sont infinies. Une limite levée en lève une autre. J’ai évoqué la question de la location à travers la gestation pour autrui, je n’ai pas évoqué la question du clonage parce qu’elle est désormais interdite sur le plan international, et ensuite, je pars du principe que chaque être est unique à l’image de Dieu et que chacun reçoit sa vie comme don gratuit et non pas comme la fabrique d’un congélateur ou d’une bonbonne.
M. Roberto Andorno : Je pense que la question du clonage ne concerne pas le principe d’indisponibilité du corps. Ce principe a à voir avec une personne actuellement existante qui veut disposer et aliéner une partie de son corps. Or, le clonage c’est une situation tout à fait différente, il s’agit de produire un individu, qui n’existe pas encore, à l’identique avec les informations génétiques du donneur de la cellule. Je crois que le point central, l’objection principale contre le clonage n’est pas le fait qu’il y a un donneur d’une cellule mais plutôt qu’il y a une ??? de l’espèce humaine. Je crois même que le principe des Droits de l’Homme et de la dignité humaine individuelle ne suffisent pas à justifier la condamnation du clonage. Mais, il faut aller un peu plus loin et argumenter avec la dignité de l’espèce, car ce qu’on cherche à protéger avec la condamnation du clonage, c’est la reproduction sexuée chez l’espèce humaine, la bi-parentalité, le fait que les individus procèdent de deux parents et non pas d’un seul, c’est donc autre chose que la disponibilité du corps à mon avis.
M.-T. Hermange : Je voudrais faire un petit point quand même sur les cellules souches. Parce qu’aujourd’hui, et par exemple avec la découverte d’hier et on a marqueté ???? dans le cerveau par les médias : les cellules souches embryonnaires peuvent tout faire. Tout le monde a à l’esprit que la recherche médicale veut engager une recherche sur les cellules souches embryonnaires parce qu’elles ont une capacité de façon totipotente alors que les cellules souches adultes, celles que nous avons dans notre corps, n’auraient pas cette capacité. Je voudrais apporter une nuance parce qu’aujourd’hui aucune démonstration n’a été faite sur des avancées thérapeutiques à partir des cellules souches embryonnaires puisque nous sommes encore au stade des essais sur les animaux. Et puisque je parle de recherche animale, je voudrais vous indiquer aussi que la recherche animale est aujourd’hui plus contrainte sur l’embryon animal que sur l’embryon humain et qu’elle coûte beaucoup plus chère. Et quand on a des débats sur les OGM au parlement ils sont beaucoup plus conséquents et ils peuvent durer 15 à 3 semaines qu’un pauvre petit débat sur la recherche sur l’embryon. Mais les cellules souches adultes, c’est-à-dire celles qui sont issues soit du sang de cordon ombilical, soit de la moelle osseuse, celles-là ont aujourd’hui des possibilités thérapeutiques. Si demain, hélas, je suis atteinte d’une pathologie cancéreuse, on me soignera soit avec un prélèvement de moelle osseuse soit avec des cellules souches si mon cancer ressort d’une leucémie, avec des cellules souches issues du sang de cordon, soit par chimiothérapie ou radiothérapie. Il faut bien l’avoir en tête. Et entre temps, en 2007, une découverte a été faite ruinant un petit peu les travaux sur les cellules souches embryonnaires, puisque des chercheurs japonais ont dit : à partir des cellules de la peau, celles-ci ont des possibilités de se renouveler et peuvent produire différents tissus. A tel point que celui qui avait cloné la brebis Dolly a dit : « j’arrête ces travaux et je rejoins le professeur Yamanaka pour travailler sur les cellules souches adultes ». Je voulais faire ce point car nous avons dans l’esprit que l’embryon aujourd’hui a une possibilité de guérison.
4e question Denis Lelièvre du barreau du Val d’Oise : Je pense à la phrase de Dostoïevski « Si Dieu n’existe pas, tout est permis ». La science nous permet aujourd’hui, hélas ou tant mieux, tout un tas de choses, et notamment d’aller au vertige ou au cauchemar. On a toutes les catégories de droit qui permettent d’aller très loin dans le cauchemar, si le corps humain devient une marchandise, il deviendra une marchandise saisissable par un créancier. Action oblique, on vous oblige à vendre un rein pour avoir de l’argent. Je suis un peu sarcastique en poussant l’argument juridique à l’absurde, mais qu’est-ce qui empêchera un jour ou l’autre d’aller jusque là ?
Alain Stib avocat à Paris : Chacun accueillera avec plaisir que le Bâtonnier souhaite avoir un clone qui pourrait lui succéder ce qui ne va pas manquer d’inquiéter un certain nombre de gens ! Je voudrais simplement poser une question au Professeur Andorno, le principe d’indisponibilité du corps humain est-il un principe universel et certaines sociétés l’ont-elles admis ?
Prof. Andorno : si on pense à l’indisponibilité du corps entier, je dirai qu’il est universel, l’esclavage est aboli partout, au moins sur le plan formel. Le droit international, les Droits de l’homme, n’admettent pas d’exception. En ce qui concerne les partis du corps, il y a des situations différentes. Par exemple, en Iran, le commerce d’organes est organisé par l’Etat, il y a des agences d’Etat qui s’en occupent, il n’y a pas de vente directe mais il y a des bureaux de l’Etat qui jouent les intermédiaires, fixent un prix. La question de la vente d’organes comme règle générale est interdite partout, l’OMS par exemple, a des directives très claires à ce propos mais cela n’empêche par exemple qu’il y ait le cas de l’Iran. Je ne connais pas d’autres pays qui autorisent cela. Il y a un mouvement pour essayer de légaliser la vente d’organes dans certains pays, aux Philippines par exemple, ou pour l’appeler des compensations, il y a une certaine manipulation terminologique mais le principe est presque universel.