Accueillir et protéger la vie
Paris Notre-Dame du 20 mai 2010
Pour la deuxième fois, les huit évêques des diocèses d’Ile-de-France organisent une veillée pour la vie à Notre-Dame de Paris. À l’occasion de cet événement, Paris Notre-Dame a interrogé plusieurs acteurs de la vie, leur demandant comment ils articulent leur foi avec leur engagement
Marion Fesneau-Castaing,
46 ans, fondatrice d’IVG Espérance« Etre présente auprès des femmes dans une situation insoutenable »
« J’ai fondé IVG Espérance il y a un an et demi, dans le but de rejoindre les nombreuses femmes en phase de pré-avortement. Mes consœurs et moi-même assurons une permanence téléphonique et par courriel pour accueillir les questions et la détresse de ces personnes. Nous allons également à la rencontre des femmes sur les forums Internet. Face à la solitude où elles se trouvent devant ce choix crucial, nous nous proposons d’être un lieu d’écoute, une oreille pour entendre leur angoisse. Notre démarche s’inspire du songe de Joseph avant la fuite en Egypte, à qui Dieu dit : « Prends l’enfant et sa mère » ; nous cherchons, en effet, à prendre en considération à la fois la mère et l’enfant. Pour nous, cette mission exigeante est une école d’abandon : nous écoutons, sans juger, avec une compassion active, sans toujours savoir ce que les femmes auront finalement décidé. Nous vivons de grands moments de joie, lorsqu’une femme fait finalement le choix de la vie ou que nous trouvons avec elle des solutions concrètes, mais aussi des moments de découragement. Par exemple, lorsque des chrétiennes cèdent à la pression morale et sociale. Ou lorsqu’une femme avorte sous la pression de services sociaux ou médicaux qui lui font croire que son enfant n’est qu’un amas de cellules. Nous sommes basées à St-Leu-St-Gilles qui porte notre action dans l’adoration quotidienne. Pour mener à bien notre mission, nous avons personnellement besoin d’un grand ressourcement spirituel. » • Propos recueillis par Ariane Rollier
IVG Espérance est un groupe d’écoute pour les femmes qui se posent la question de l’avortement ou qui ont déjà avorté. Ses membres accueillent leurs questions, par le biais de mails ou d’échanges téléphoniques, mais aussi par des rencontres de personne à personne. Contact : ivgesperance@gmail.com
Claire de Sousa,
25 ans, infirmière dans une unité de soins palliatifs à la maison Jeanne Garnier.« Malgré l’omniprésence de la mort, nous sommes toujours dans la vie »
« Je travaille auprès des personnes en fin de vie depuis trois ans et, à mes yeux, on peut parler d’une vocation. Il s’agit de la rencontre entre ce que Dieu désire pour moi et mon désir d’être engagée dans le monde à la suite du Christ. Cette proximité avec la mort me bouscule : je suis face à des situations d’une violence parfois extrême, dans l’accompagnement de malades et de familles en grande souffrance comme dans la confrontation à des corps abîmés par la maladie. Même si je ne sais pas ce qu’il y a après, je fais le pari de l’espérance. Car malgré cette omniprésence de la mort, nous sommes toujours dans la vie. A l’approche de la fin, dans de petits instants éphémères, se jouent parfois des enjeux très importants. Des paroles libératrices, des non-dits familiaux s’expriment et permettent un apaisement. Dans notre société, la mort est banalisée dans le monde virtuel, mais taboue dans la vie réelle, et nous mettons beaucoup d’énergie pour qu’elle soit mise à l’écart. Une des forces des soins palliatifs est de permettre une réunification, de redonner une place à la normalité de cette étape. Pourtant, ce n’est pas évident d’être face à la mort. Mais c’est aussi une force d’engagement : puisque mon temps est compté, quel sens puis-je lui donner ? Dans mon quotidien, je me sens à ma place, heureuse, et je crois qu’une part de ma force est un don de Dieu. » • Propos recueillis par Sophie Lebrun
La maison Jeanne Garnier accueille les personnes en fin de vie depuis 1977 et leur propose un accompagnement médicalisé 24h sur 24. 106 av. Emile Zola (15e), 01 43 92 21 00 ou www.jeanne-garnier.org
Tugdual Derville,
48 ans, délégué général de l’Alliance pour les droits de la vie.« La foi doit empêcher de faire de la vie une idéologie »
« Ce qui me mobilise au plus profond de moi-même, c’est le souci du droit et de la justice. Je suis profondément attristé quand je vois que les atteintes à la vie se multiplient sur d’immenses malentendus qui font tant de mal aux citoyens. Il y a quelque chose de paradoxal : d’un côté, le souci du droit et de la justice commun à toute l’humanité et, de l’autre, la foi chrétienne donnant des forces considérables pour oser aborder ces questions. Je vois cette foi comme une sorte d’antidote absolu à la peur. Parler d’avortement, je n’en ai aucune envie, c’est très intime : je risque l’indélicatesse, et je m’en sens personnellement indigne. En tant que chrétien, je sais que je ne suis pas à la hauteur du message de l’Évangile ; mais justement, la foi va m’aider à dépasser cette peur et ce sentiment d’indignité. Si je témoigne auprès d’un acteur politique de ce que nous confient les femmes que nous aidons, je ne vais pas me situer dans un rapport de force, mais dans la confiance qu’il peut lui aussi agir pour la justice. J’aime prendre conscience qu’en tant que chrétien, je suis le premier concerné par la nécessité d’aimer et de protéger la vie, et que ce n’est pas facile pour moi non plus. La foi doit empêcher de faire de la vie une idéologie : en comprenant ce qui se passe dans mon for intérieur – à savoir cette confrontation entre vie et mort qui traverse tout être humain – je peux mieux comprendre ce qui se passe dans toute la société et rechercher des façons de l’encourager à accueillir toute vie. » • Propos recueillis par Anna Latron
Fondée en 1993, l’Alliance pour les droits de la vie a comme objectif de faire des droits et du respect de la vie humaine des priorités politiques et sociales.
Claire,
28 ans, bénévole depuis trois ans à l’association « À Bras ouverts »« Dans chaque être humain sans défense se manifeste le visage du Christ »
« Au départ, j’avais simplement envie de vivre un week-end dans un cadre chrétien, pour rendre service. Mais très vite, je me suis rendu compte que ces moments permettaient un échange incroyable avec ces jeunes handicapés. La simplicité qu’ils me transmettaient m’a poussée à en faire plus. Maintenant que je suis responsable d’un groupe de quarante-cinq jeunes, j’apprends l’abandon et, de plus en plus, je m’accroche à ma foi. Je reçois des grâces, notamment pour être attentive aux plus petits : dans chaque acte le plus simple, même la toilette, je remets le Christ au centre. J’atteins souvent mes limites humaines. Mais cette expérience enrichit beaucoup ma vie spirituelle dans la rencontre avec le jeune qui a un handicap. Pour moi, il incarne ce que nous dit Jésus : « Ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 40). Quand je relis certains moments difficiles, je me rends compte qu’il est présent dans chaque chose. Par cet engagement, je tiens à montrer à quel point ces personnes sont importantes : passer du temps avec elles, c’est comme ça que l’on peut témoigner de son attention pour la vie. En vivant cet engagement concret au quotidien, je me sens beaucoup plus en phase qu’en faisant du militantisme. Avec cette conviction profonde qui est la mienne : dans chaque être humain sans défense se manifeste le visage du Christ. » • Propos recueillis par Anna Latron
Depuis vingt-trois ans, à travers l’organisation de week-ends et de vacances, cette association permet la rencontre entre des enfants et des jeunes touchés par le handicap et des jeunes bénévoles.