Accueillir les femmes de la rue, simplement
Paris Notre-Dame du 10 décembre 2020
L’Accueil Louise et Rosalie vient d’ouvrir ses portes dans des locaux appartenant à la congrégation des Lazaristes, rue de Sèvres. Rattaché aux œuvres de saint Vincent de Paul, cet espace est réservé aux femmes sans-abri, de plus en plus nombreuses.
Sonia [1], à la haute stature emmitouflée en ce matin de décembre, vient de passer la porte de l’Accueil Louise et Rosalie, rue de Sèvres (6e). Affairée, elle dépose son chargement près des grandes fenêtres de ce local rénové mis à disposition par la congrégation de la Mission (dite des Lazaristes). Elle a aussi son sac de couchage : « Il faut que je le lave, il va bientôt neiger. J’ai à peu près bien dormi cette nuit… » Impossible de connaître, au premier coup d’œil, l’histoire de cette femme dormant dans la rue. Mais ce qui est sûr, c’est son soulagement à être dans ce vaste salon aménagé avec soin, et hors d’atteinte, pour quelques heures, de la violence de la rue. C’est le constat fait par la Fédération française des équipes Saint-Vincent et par la Société de Saint- Vincent-de-Paul, à l’origine du projet : l’accroissement du nombre de femmes sans domicile fixe à Paris (il y en aurait plus de 1100), vivant dans l’insécurité et dans un isolement social important. « L’Accueil Louise et Rosalie est un nouveau lieu de répit qui leur est réservé, en journée, explique Laurence de Tilly, coordinatrice du projet. Il est tenu par des femmes, pour des femmes, ce qui permet aux accueillies de se sentir comprises. Elles ne sont pas obligées de partager les douches avec des hommes, peuvent prendre soin d’elles dans un lieu propre et dédié… Notre but est modeste, mais sérieux : les accueillir, dans leur dignité, simplement. » Et d’ajouter : « Finalement, ce qui me touche, c’est de constater qu’elles ont les mêmes besoins féminins que nous autres. Il y a une égalité de rapports. » Une dizaine de femmes en précarité bénéficie actuellement des lieux, régis par les règles sanitaires et ouverts, pour l’heure, trois fois par semaine depuis le 12 novembre, animés par un roulement de trente bénévoles, toutes formées. Parmi ces sans-abri, il y a Michèle, volubile, ou Miriam, « à l’air triste, qui s’est fait coiffer l’autre jour par une de ses camarades », rapportent deux des six animatrices présentes ce matin-là. Prêtes à démarrer leur service, ces dernières viennent d’achever leur prière d’équipe, avant l’ouverture de l’Accueil. La visite continue : derrière la cuisine, une salle de repos et de « soins légers »… « Un jour, raconte en passant une bénévole, une femme nous a demandé des chaussettes. Elle en a vérifié la qualité avec soin : à force de se tenir debout, leurs pieds sont douloureux, abîmés. » Au bout d’un couloir clair, une salle de douches nettoyées drastiquement au virucide. Et enfin, deux machines à laver le linge. À l’abri des regards intrusifs, au chaud, Sonia, Miriam, Michèle, se crèment, récupèrent quelques produits de première nécessité, participent à une activité, comme la fabrication de ces anges de Noël (voir photo). Elles sont, selon leurs besoins, également orientées vers des services sociaux dédiés. « Le premier jour, je suis venue la boule au ventre, se souvient une bénévole. Vais-je oser les regarder ? Elles, vous regardent droit dans les yeux avec toute leur dignité : ce sont des regards qui appellent le nôtre, sans faux-semblants : elles demandent à être regardées. » « Ces femmes sont fracassées par la vie, et l’on ne peut “les réparer” comme cela, observe Sophie de Villeneuve, responsable du lieu. Notre rôle ici est de nous mettre à l’écoute de ce fracas, dans un esprit de fraternité. »
Laurence Faure @LauFaur
La Fondation Notre Dame soutient l’Accueil Louise et Rosalie : fondationnotredame.fr ; louiseetrosalie.com
[1] Les prénoms ont été changés.
Sommaire
Consulter ce numéro
Acheter ce numéro 1 € en ligne sur les applications iOs et Android