« Comment la cathédrale a été sauvée »
Paris Notre-Dame du 10 mars 2022
Dans Notre-Dame brûle, en salle le 16 mars, Jean-Jacques Annaud relate le sauvetage de la cathédrale dans la nuit du 15 avril 2019. Avec une part d’histoires humaines qui s’entremêlent et une part de mystère spirituel inhérent à l’architecture de l’édifice. Rencontre avec le réalisateur d’une fresque réussie.
Paris Notre-Dame – Quand avez-vous eu envie de faire ce film ?
Jean-Jacques Annaud – Le soir de l’incendie, j’étais en Vendée, suivant les événements à la radio. J’ai pensé que l’enchaînement était tellement dramatique qu’il était puissamment cinématographique, sans penser pour autant à me mettre en lice. C’est Jérôme Seydoux [co-président de la société Pathé, ndlr] qui m’a invité à réfléchir à un film de montage. C’est vrai qu’il n’y avait aucune image de l’intérieur de Notre-Dame au moment de l’incendie et aucune qui personnalisait le drame. Le monde entier l’a contemplé de l’extérieur mais peu de personnes ont su l’enchevêtrement invraisemblable de facteurs qui se sont produits avant l’incendie. En me documentant de près, j’en ai été époustouflé.
P. N.-D – Quel est votre rapport à Notre-Dame ?
J.-J. A. – Les premières photos de ma vie sont prises à Notre-Dame, notamment dans la galerie des chimères [reconstituée pour le film à la Cité du cinéma, ndlr]. J’habitais la banlieue et ma mère m’emmenait le jeudi dans les musées de Paris. On ne manquait jamais de faire un tour à Notre-Dame et parfois, de faire brûler un cierge... Je ne suis pas croyant. Mais que j’entre dans une chapelle ou une cathédrale, j’ai toujours ce frisson, comme un choc émotionnel, que je n’ai pas quand je visite un édifice non religieux. Ce sont des lieux de ferveur, d’espérance, de paix… et de mystère aussi.
P.N.-D. – Justement, vous donnez une vraie place au spirituel...
J.-J. A. – Je pense à ce comédien, jouant le rôle du gardien, qui m’a remercié car c’était la première fois qu’il entrait dans une église (à Notre-Dame même, où nous avons pu tourner quelques scènes) : « J’ai été ébloui et quelque chose s’est passé en moi », m’a-t-il dit. Cette architecture a, certes, une puissance, mais il y a autre chose. J’ai eu beaucoup de plaisir à tourner dans des cathédrales, à Sens (Yonne), à Bourges (Cher), ou à les reconstituer et à les aimer pour ce qu’elles représentent, au-delà de leur beauté.
P. N.-D. – Vous montrez les hypothèses du départ du feu : réalité ou fiction ?
J.-J. A. – J’ai voulu énumérer de manière égale, et la plus documentée possible, ces hypothèses, sans prendre parti puisqu’on ne sait pas. Ce n’est pas le propos du film qui se concentre sur le sauvetage de la cathédrale. Mon intention était de raconter comment, malgré ce non-alignement des planètes qui a duré quelques heures, la cathédrale a été sauvée et personne n’a été blessé. De raconter ce drame à l’issue finalement optimiste, avec cette part de mystère qui demeure. À l’image de la Vierge du pilier qui n’a subi aucun dommage ou du sauvetage rocambolesque de la couronne d’épines du Christ à la valeur inestimable. Pour reconstituer cette réalité, j’ai pu rencontrer presque tous les pompiers concernés, ou encore divers membres de l’équipe de la cathédrale mis en scène, comme Laurent Prades, régisseur général de Notre-Dame. J’aime mettre en scène des personnages que je respecte et que j’admire pour leurs compétences et pour leurs témoignages. Je n’ai pas eu besoin de me forcer ici ! Ce que j’ai fait est une reconstitution au plus près des récits recueillis, tel un chroniqueur qui raconte ce qui l’a ému. C’est là où la fiction documentée [certaines images d’archives alimentent le film, ndlr] a un avantage. Un documentaire donne une vision extérieure : on vous explique, on parle à votre tête. Dans une fiction, on peut s’identifier davantage aux personnages, aux émotions, on parle à votre cœur.
Propos recueillis par Laurence Faure @LauFaur
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