Les paroisses déclarent leur oriflamme

Paris Notre-Dame du 12 décembre 2024

Les paroisses de Paris étaient associées aux cérémonies de réouverture, les 7 et 8 décembre, non seulement par la délégation de quelques personnes, mais aussi, visuellement et symboliquement, par une bannière aux couleurs de chaque paroisse. Un projet, coordonné par Caroline Morizot, qui a nécessité plus de deux ans de préparation et dont la création a été confiée à Jean-Charles de Castelbajac.

© Yannick Boschat

« Que c’est beau ! » Cette exclamation réjouie est celle de Jean-Charles de Castelbajac, qui vient de franchir, sous une pluie diluvienne, la porte d’un local du diocèse de Paris, rue du Cloître. S’il a bravé les éléments, ce mardi 3 décembre, c’est qu’il vient voir – en personne – le contenu d’une livraison particulière et très attendue, un autre pan – moins connu – de sa contribution artistique à la réouverture de Notre-Dame : les bannières qu’il a créées pour cette occasion, et qui sont arrivées le matin même, en provenance du Nord de la France, lieu de leur fabrication par l’entreprise familiale Doublet, fabricant historique de drapeaux depuis plus de deux cents ans. De fait, la pièce a pris des allures médiévales, avec ses murs pavoisés pour un jour, tandis qu’ont été rangées, par ordre d’arrondissements de la capitale, les 118 bannières fraîchement montées, ces dernières heures, par l’équipe de la Commission diocésaine d’art sacré (CDAS) du diocèse de Paris, réquisitionnée au grand complet : Guyonne, Marie et Christian à l’assemblage des hampes, Anne-Élise au montage final, et Bernard, à la photographie, afin de toutes les référencer.

Un souffle épique

Le projet est né il y a deux ans. Comment associer les 106 paroisses de Paris aux cérémonies de réouverture ?
Si l’idée d’une délégation est rapidement envisagée, une autre, plus visuelle, fait son chemin ; manifester cette présence par une bannière représentant chaque paroisse de Paris, ainsi que celles relevant de l’ordinariat des catholiques orientaux et des communautés étrangères, soit 118 bannières en tout. « Notre-Dame, c’est le vaisseau amiral des paroisses de Paris ; un vaisseau de pierre avec des voiles de verre et un mât d’or », confie Jean-Charles de Castelbajac, ravi de convoquer, à Notre-Dame, « la tradition médiévale » et « un souffle épique ». « Depuis toujours, j’ai à cœur de transmettre un élan, un geste vertical, par la matière du tissu choisi pour les chasubles et cette croix d’or bien campée, solide comme un mât ; ces bannières s’inscrivent aussi dans cet élan. »
Toutes les paroisses sont alors sollicitées pour donner des éléments en lien avec leur vocable, leur histoire ou un détail d’architecture, permettant de les identifier symboliquement ; si certaines ont répondu, d’autres ont laissé faire les spécialistes. Un « véritable travail d’historien de l’art », se souvient Caroline Morizot, en charge de la coordination des projets des bannières et des vêtements liturgiques, qui a documenté, avec son équipe, chaque symbole potentiel pour les différentes paroisses. Une nef pour sainte Geneviève ou saint Denis, un cerf pour saint Eustache, des clefs pour saint Pierre, ou encore, moins connues, une lyre pour saint Ephrem et une main transpercée d’une flèche pour saint Gilles. Subtilité des saints patrons et de la dévotion, plusieurs églises portent le même vocable ; on dénombre ainsi, sur le territoire de Paris, quatre « St-Pierre », trois « St-Joseph » et une myriade de « Notre-Dame ». Pas de quoi effrayer Jean-Charles de Castelbajac : « J’ai souhaité que chaque paroisse ait un dessin unique. J’ai donc réinterprété chaque symbole pour lui donner un aspect différent à chaque fois. Pas un marteau [symbolisant saint Joseph] ni une clef ne sont semblables ; les Vierges, les anges ou les saint Georges sont tous différents ; il y a toujours une part de création nouvelle. »

Renouer avec le dessin

Si le créateur avait dû renoncer au dessin pour les vêtements liturgiques – « pour plus d’ascèse, de pureté et d’efficacité », souligne l’artiste –, il a pu renouer avec son trait facilement reconnaissable – « le même qui est dans les rues de Paris depuis trente ans maintenant ! » – pour cette commande. Chaque bannière se divise ainsi en deux parties : une partie figurative, comportant les symboles dessinés, surplombée par celle portant le nom de la paroisse sur un fond coloré. « Toutes les bannières sont liées chromatiquement, dans la gamme de couleurs que j’ai utilisée dans le symbole du chrisme apposé sur les chapes », souligne Jean- Charles de Castelbajac. Une palette de couleurs vives qui trouvent une résonnance dans la tradition de l’Église : rouge, couleur du sang du Christ et des martyrs, bleu, couleur de la Vierge Marie et de la royauté, vert, couleur de l’espérance, pour les saints tournés vers la jeunesse, les pauvres ou la mission, et jaune, couleur de la fête, pour les évêques ou les fondateurs de communauté. Une autre couleur se détache, paradoxalement : le blanc avec lettres d’or, pour tout ce qui est lié au Christ (Sainte-Trinité, Cœur-eucharistique, Bon Pasteur). Autour de chaque dessin, la signature de l’artiste, comme « un encadrement invisible des quatre points forts qui guident ma vie, ma quête en somme » : l’étoile (du berger), l’oiseau (pour l’élévation spirituelle), le cœur (pour l’amour) et la croix (pour la foi). « Rien n’est ornemental, au sens d’artificiel, poursuit Jean-Charles de Castelbajac. Tout a un sens, et c’est très important, car c’est ce qui donne plus de force et une portée plus universelle. » Les 7 et 8 décembre, ces oriflammes de notre temps ont levé haut et en couleurs la foi des paroisses de Paris, réunies, enfin, au pied – et au chœur ! – de Notre-Dame, leur église-mère.

Charlotte Reynaud

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