Conférence de Carême à Notre-Dame de Paris : “Où est mon bonheur ?”

Le dimanche 29 février 2004, le Cardinal Policarpo, archevêque de Lisbonne, a donné la première conférence du cycle “Qui nous fera voir le bonheur ?”.

« Heureux les pauvres de cœur : le Royaume des cieux est à eux ! »

Texte de la conférence

Reproduction papier ou numérique interdite. Les conférences ont été publiées dans un livre aux éditions des Presses de la Renaissance.

Mon bonheur et mon trésor

Éminence,
Mes frères et sœurs,

C’est un grand honneur pour moi d’inaugurer le cycle des Conférences de Carême, dans ce haut-lieu de la spiritualité européenne qu’est Notre-Dame de Paris, justement dans l’année où nous célébrerons, en cette ville, le Congrès International pour la Nouvelle Évangélisation, dont le but est de frayer des chemins pour annoncer à nouveau aux habitants de nos grandes villes Jésus Christ, source d’espérance et clé du bonheur pour les hommes de tous les temps. En effet, comme le proclame le Concile Vatican II, « le mystère de l’homme ne s’éclaire vraiment que dans le mystère du Verbe incarné » [1].

Nous avons choisi comme fil conducteur pour ces catéchèses de Carême l’Évangile des Béatitudes, qui nous situe au cœur de cette aventure humaine qu’est la recherche de la vie et du bonheur. En même temps, le Christ nous est présenté là comme la source décisive de la vie et du bonheur. Quand le Seigneur proclame les Béatitudes, il parle de lui-même, en se présentant comme chemin de vie pour ceux qui acceptent de le suivre. Vraiment, quand on parle de bonheur, on parle de la vie et des chemins à parcourir pour atteindre sa plénitude. Le Seigneur nous dit que le chemin de la vie n’est plus seulement une loi, mais une Personne qu’il faut suivre, à qui nous pouvons nous identifier, et qui n’est autre que lui-même : « Je suis le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14, 6). L’Église sait, dans sa foi et dans son expérience, que pour aider les hommes à trouver les chemins du bonheur et de la vie, elle doit leur annoncer Jésus-Christ, les guider à la rencontre de Jésus-Christ. Elle le fait en témoignant de ce que sont la vie et le bonheur.

La recherche du bonheur

La recherche du bonheur, c’est bien l’expression de la recherche de la vie la plus profondément enracinée dans le cœur humain, dans tous les temps et cultures. En notre temps, et dans le contexte de notre civilisation occidentale, cette recherche du bonheur s’exprime de deux façons : dans la recherche des réalités où on espère trouver le bonheur, et dans l’inquiétude de les perdre ou de ne pas les obtenir. Quand ces inquiétudes laissent place à la peur, le bonheur peut être compromis.

Quelles sont les réalités dans lesquelles nos contemporains investissent pour trouver du bonheur ?

Avant tout, dans l’amour, dans l’espérance d’un mariage heureux et d’amitiés solides et fidèles. La recherche d’une communion et le désir d’intimité interpersonnelle continuent à occuper la première place dans le vocabulaire du bonheur. Mais nous connaissons toutes les menaces qui se présentent sur ce chemin du bonheur : le manque de gratuité et de générosité dans le don de soi-même ; la difficulté de faire grandir, dans la durée de la fidélité, les rapports d’amour, ce qui mène à la tentation de toujours recommencer.

Ensuite, le désir d’avoir un travail stable, qui puisse être la réalisation des capacités personnelles et d’une créativité. A ce besoin est lié un des phénomènes les plus impressionnants de notre temps : les migrations. Des foules immenses se déplacent et quittent leur pays à la recherche d’autres lieux, où elles espèrent trouver de meilleures conditions de vie et de bonheur.

Finalement, beaucoup de nos contemporains mettent leur espérance de bonheur dans la possession de biens matériels : l’argent et toutes sortes de richesses. L’avoir devient la garantie du bonheur. Tous ces biens, cherchés et désirés, nos contemporains veulent les obtenir vite. L’homme moderne a hâte de vivre, il veut épuiser la vie le plus vite possible. On perd de plus en plus la patience de la durée, du chemin à parcourir ; on a perdu le sens de l’éternité, la sagesse pour comprendre qu’en ce monde on goûte à peine le début de la vie. Avec cette hâte de vivre, on risque de considérer chacun de ces biens, une fois possédé, comme notre trésor et notre richesse.

La vraie béatitude

À tous ceux qui cherchent la vie et le bonheur en s’évertuant à les trouver ici ou là, le Seigneur proclame l’Évangile des Béatitudes, qui nous sont présentées comme chemin de la vie. Et Jésus le fait en « voyant les foules » (Mt 5, 1). C’est la vie concrète d’hommes concrets qui porte le Seigneur à proclamer quel est le vrai chemin de la vie. Il s’agit de sa sollicitude de Bon Pasteur vis-à-vis des foules : « À la vue des foules il en eut pitié, car ces gens étaient fatigués et prostrés comme des brebis qui n’ont pas de berger » (Mt 9, 36). Nous avons déjà vu que le Seigneur, en décrivant ces dispositions du cœur, parle de lui-même, des attitudes profondes de son cœur devant sa vie et de sa mission ; le chemin qu’il indique, c’est le chemin du Royaume de Dieu, et le Royaume est déjà présent en lui. Il est le chemin de la vie et ce chemin est un long parcours jusqu’à la pleine et définitive participation des disciples à sa vie. Les Béatitudes décrivent ce long chemin et la dimension eschatologique du vrai bonheur.

La description des dispositions intérieures qui ouvrent le chemin de la vie, commence toujours par le mot « heureux ». Vraiment, il s’agit de la plénitude de la vie, il s’agit de la béatitude. D’après la révélation biblique, surtout chez les prophètes et dans la littérature sapientielle, la béatitude suprême est Dieu lui-même : chercher le bonheur, c’est chercher Dieu. La récompense attendue par le juste, c’est Dieu en personne. « Heureux ceux qui espèrent en lui » (Is 30, 8) ; « Heureux l’homme qui se confie à toi » (Ps 84, 13). Le juste est celui qui craint Dieu, écoute sa Sagesse et observe sa Loi ; il attend ainsi le bonheur comme récompense ; mais, en définitive, c’est Dieu en personne qu’il attend. Le désir du bonheur s’identifie avec le désir de Dieu. Ce sentiment est exprimé dans les Psaumes, la plus significative prière d’Israël : « Qui donc aurais-je dans le ciel ? Avec toi, je suis sans désir sur la terre » (Ps 73, 25).

Cette vision biblique du bonheur et des chemins de la vie cadre le message de Jésus sur la béatitude et la vie. En lui, la béatitude trouve son accomplissement. Il vit pleinement la béatitude qu’il propose comme chemin de vie. Jésus nous apparaît comme un homme heureux, surtout parce qu’il vit une union parfaite avec Dieu, marquée par l’identification au niveau de l’être, et par l’intimité de la communion d’amour. Il peut nous offrir le programme du bonheur chrétien, du vrai chemin de la vie. C’est ce qu’il fait dans le discours des Béatitudes.

Ce cadrage bien défini du bonheur humain donne accès à ce que Jésus appelle le « Royaume de Dieu » ou le « Royaume des Cieux ». Et la participation au Royaume suppose une attitude fondamentale, qui est la conversion du cœur. Le Seigneur créera en nous un cœur nouveau (cf. Jer 32, 39). La dureté du cœur constitue, d’après la prédication de Jésus, le principal obstacle au Royaume de Dieu. Les dispositions nouvelles de ce cœur nouveau, c’est ce que Jésus appelle « les béatitudes ».

Cela nous invite à situer notre entrée dans le Royaume non seulement dans sa plénitude finale et eschatologique, l’étape du bonheur parfait et définitif, mais déjà dans le présent historique de notre vie. Notre cœur, lorsqu’il est renouvelé, nous invite à regarder d’une façon nouvelle toutes les réalités de la vie : l’amour, l’argent, le travail, les loisirs. Le chrétien devient protagoniste d’un monde nouveau. C’est l’utopie de l’espérance. Qui ne croit pas et ne se sent pas engagé dans la construction d’un monde nouveau ne pourra pas comprendre le discours des Béatitudes.

Le chemin de la vie indiqué par Jésus est un chemin à parcourir dès maintenant, jusqu’à la plénitude finale du bonheur. L’Esprit Saint, qui nous est donné, devient la force décisive de cette recherche du bonheur. Le mot « heureux » qui ouvre chaque béatitude – toujours au pluriel, car Jésus parlait aux foules – suggère dans sa racine hébraïque l’idée de quelqu’un qui se met en route. Jésus ne parle pas d’un bonheur immédiat, hédoniste, selon les critères de ce monde, mais d’une orientation profonde de l’âme, dont on n’atteindra la plénitude qu’à la maison du Père. Pour Jésus, le bonheur est clairement un chemin à parcourir [2]. Mais l’expression est aussi utilisée pour annoncer un don déjà reçu. A propos de ses paraboles, Jésus dit à ses disciples : « Heureux vos yeux parce qu’ils voient, heureuses vos oreilles parce qu’elles entendent » (Mt 13, 16). Jésus annonce la vraie béatitude à ceux qui l’ont accueilli : « Heureux celui pour qui je ne serai pas une occasion de chute » (Mt 11, 6), et à ceux qui accueillent sa parole : « Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et la gardent » (Lc 11, 28). Avec le mot « heureux », le Seigneur annonce le Royaume de Dieu déjà présent en lui et à l’œuvre chez les disciples et il invite à continuer à le rechercher jusqu’à sa plénitude. Seuls ceux qui ont accueilli le Royaume peuvent se mettre en route vers cette plénitude de la vie.

Où est ton trésor, là aussi sera ton cœur

L’expérience ou la réalité où l’homme pense trouver son bonheur devient son trésor, sa richesse. Dans sa prédication sur le Royaume, Jésus insiste beaucoup sur le vrai trésor, parce qu’il sait que l’homme y attachera son cœur. « Ne vous amassez point de trésors sur la terre, … mais amassez-vous des trésors dans le Ciel » (Mt 7, 19-20). Au jeune homme riche, Jésus indique comme chemin du Royaume : « Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres et tu auras un trésor aux cieux ; puis viens, suis-moi » (Mt 19, 21). Dans la vision qu’offre Jésus, les richesses matérielles ne sont pas le vrai trésor : « En vérité, je vous le dis, il sera difficile à un riche d’entrer dans le Royaume des Cieux » (Mt 19, 23). Amasser des trésors matériels est insensé dans la perspective ouverte par le Seigneur : « Ainsi en est-il de celui qui thésaurise pour lui-même, au lieu de s’enrichir en vue de Dieu » (Lc 12, 21).

On comprend mieux alors le début du Sermon sur la montagne : « En prenant la parole, il les enseignait : “Heureux les pauvres de cœur, le Royaume des Cieux est à eux” » (Mt 5, 3).

Pourquoi Jésus commence-t-il par cette attitude vis-à-vis des richesses ? Cela nous révèle un très grand réalisme et une profonde connaissance du cœur humain. Les richesses matérielles constituent le plus grand danger d’endurcir notre cœur et de le rendre insensible à la beauté du Royaume. Jésus ne parle pas seulement des pauvres au sens matériel, c’est-à-dire de ceux qui n’ont rien ou qui ont très peu. Il se situe au niveau des dispositions nouvelles d’un cœur renouvelé selon les critères du Royaume de Dieu, qui s’imposent aussi bien aux pauvres qu’aux riches.

Il y a, d’une façon très nette, une primauté de la « pauvreté du cœur » dans le discours de Jésus. Cette première béatitude ouvre le chemin pour toutes les autres. On peut même dire qu’elle inclut les autres. Cela devient clair dans le contexte de la dimension morale et spirituelle de la pauvreté, et dans l’Ancien comme dans le Nouveau Testament.

Les pauvres sont, avant tout, les humbles : ceux qui ont un cœur simple, car ils savent qu’ils ne dépendent que de Dieu. Le prophète Sophonie les appelle « les humbles de la terre » : « Cherchez Yahvé, vous tous, les humbles de la terre » (So 2, 3). C’est la simplicité de l’enfant qui aide à accueillir le Royaume (cf. Mt 18, 1-4). Ce sont les simples et les tout-petits auxquels est révélé le Royaume (cf. Mt 11, 25). De tous ceux-là Jésus dit : « Heureux les doux » (Mt 5, 4). Le Messie avait été annoncé comme humble et doux : « Voici que ton roi vient à toi : il est juste et victorieux, humble et monté sur un âne » (Za 9, 9).

Mais les pauvres sont surtout les humiliés, les persécutés, les démunis et opprimés qui sont disponibles pour le Royaume. Le Messie lui-même, le Serviteur, est annoncé comme « méprisé et déconsidéré », « frappé par Dieu et humilié » (cf. Is 53, 4). Quand Jésus proclame : « Heureux les affligés », il parle premièrement de lui-même, en attendant d’être suivi par ses disciples.

Un langage exigeant

Si nous admettons que ce discours de Jésus est actuel et s’adresse à nos contemporains, que les Béatitudes sont proclamées dans nos villes et nos sociétés, il faut reconnaître qu’il s’agit d’un langage très fort. L’Évangile de saint Jean nous raconte que les disciples, après avoir écouté le discours du pain de la vie, dirent : « Ce langage-là est trop fort. Qui peut l’écouter ? » (Jn 6, 60).

« Heureux les pauvres ! » Dans un monde possédé par le désir de la richesse, où l’avoir semble être l’expression même de la vie, où la pauvreté et les difficultés matérielles sont considérées comme une disgrâce ; dans une société et dans l’ambiance culturelle où le pouvoir économique tend à influencer tous les autres pouvoirs ; où le concept même de développement et de progrès est lié à la production de richesses ; où la pauvreté réelle finit par être considérée comme inévitable, pourra-t-on proclamer, au nom de Jésus, cette bonne nouvelle du Royaume : « Heureux les pauvres » ? Nous qui cherchons le bonheur, demandons-nous où est notre trésor, où est notre richesse : à la banque ou dans nos cœurs ?

L’interprétation morale et spirituelle de cette béatitude n’exclut pas qu’elle exige d’être concrétisée dans le détachement des biens matériels. Jésus semble l’imposer à ses disciples (cf. Mt 6, 19-21). Il donne lui-même l’exemple du détachement : « Le Fils de l’homme, lui, n’a pas où reposer la tête » (Mt 8, 20). C’est pour lui une attitude fondamentale, depuis sa naissance dans une crèche, « parce qu’il n’y avait pas de place pour eux à l’hôtellerie » (Lc 2, 7).

La pauvreté volontaire a été, au long des siècles, un chemin choisi par ceux et celles qui désiraient suivre leur Maître d’une façon plus radicale, et un signe puissant de la vérité du Royaume de Dieu. Tous ceux qui l’ont expérimenté savent que ce détachement laisse le cœur libre pour faire du Seigneur et de son Royaume leur trésor et leur richesse. Dans le monde d’aujourd’hui, ils sont des centaines de milliers, hommes et femmes, qui ont choisi ce chemin de la pauvreté et du détachement, en restant plus libres pour la prière et pour l’amour. Dans un monde malade de la hantise de la possession et de l’avoir, ils sont un signe de la vraie liberté évangélique.

Le détachement des biens matériels n’a pas de valeur s’il ne signifie pas une vraie liberté spirituelle. C’est pour cela que le Seigneur proclame heureux les pauvres de cœur. La signification morale de ce détachement, c’est une plus grande liberté du cœur pour l’amour de Dieu et de nos frères, surtout ceux à qui manque le nécessaire. Le partage devient, de nos jours, une expression très importante du détachement. Ce sont les exigences de la charité qui appellent à la pauvreté. Croître dans l’amour des frères est, chaque jour davantage, apprendre à partager.

Le défi du partage prend, aujourd’hui, des dimensions colossales devant le contraste entre riches et pauvres au niveau mondial. Dans sa première encyclique, le Saint-Père a décrit cette situation comme « une sorte de gigantesque développement de la parabole biblique du riche qui festoie et du pauvre Lazare » [3]. Le Saint-Père analysait comme suit la situation du monde contemporain : « Si nous osons définir la situation de l’homme dans le monde contemporain comme éloignée des exigences objectives de l’ordre moral, éloignée des exigences de la justice et, plus encore, de l’amour social, c’est parce que cela se voit confirmé par des faits et des exemples bien connus, qui ont déjà trouvé plus d’une fois leur écho dans les documents pontificaux, conciliaires, synodaux. La situation de l’homme à notre époque n’est certainement pas uniforme ; elle est différenciée de multiples façons. Ces différences ont leurs causes historiques, mais elles ont aussi une forte résonance éthique. On connaît bien, en effet, le cadre de la civilisation de consommation, qui consiste dans un certain excès des biens nécessaires à l’homme, à des sociétés entières – et il s’agit ici des sociétés riches et très développées –, tandis que les autres sociétés, au moins de larges couches de celles-ci, souffrent de la faim et que beaucoup de personnes meurent chaque jour d’inanition et de malnutrition. Parallèlement, il y a pour les uns un certain abus de la liberté, qui est lié précisément à un appétit de consommation non contrôlé par la morale, et cet abus limite par le fait même la liberté des autres, c’est-à-dire de ceux qui souffrent de déficiences importantes et sont entraînés vers des conditions de misère et d’indigence encore plus fortes » [4].

Ce devoir de partager trouve son fondement dans la destination universelle des biens et des richesses. C’est encore Jean-Paul II qui nous le rappelle à propos des limites du droit à la propriété privée : « La tradition chrétienne n’a jamais soutenu ce droit comme un droit absolu et intangible. Au contraire, elle l’a toujours entendu dans le contexte plus vaste du droit commun de tous à utiliser les biens de la création tout entière : le droit à la propriété privée est subordonné à celui de l’usage commun, à la destination universelle des biens » [5].

La pauvreté du cœur invite les chrétiens qui jouent des rôles importants dans la société à des attitudes courageuses en ce qui concerne l’économie et la compréhension du progrès des peuples et du développement des nations. Les systèmes économiques se sont révélés impuissants à instaurer la justice. Par exemple, les économies libérales se sont révélées capables d’engendrer la richesse, mais incapables de la distribuer de façon équitable et de résoudre le problème de la pauvreté. Tout au contraire, des théories économiques commencent à soutenir que la pauvreté n’est pas un problème à résoudre, mais un donné de plus à prendre en compte dans les systèmes économiques eux-mêmes. Toute politique économique doit au contraire avoir une dimension sociale, et viser à intégrer les pauvres dans la vie commune.

Le Saint-Père nous présente un défi très clair : les symptômes de désordre moral que l’on remarque dans le monde entier appellent des innovations hardies et créatrices, conformes à la dignité authentique de l’homme [6].

Il faudra provoquer des ruptures dans les structures du développement. Je cite encore Jean-Paul II : « L’ampleur du phénomène met en cause les structures et les mécanismes financiers, monétaires, productifs et commerciaux qui, appuyés sur des pressions politiques diverses, régissent l’économie mondiale : ils s’avèrent incapables de résoudre les injustices héritées du passé et de faire face aux défis urgents et aux exigences éthiques du présent. Tout en soumettant l’homme aux tensions qu’il crée lui-même, tout en dilapidant, à un rythme accéléré, les ressources matérielles et énergétiques et tout en compromettant l’environnement géophysique, ces structures font s’étendre sans cesse les zones de misère et avec elles la détresse, la frustration et l’amertume. Nous sommes ici en face d’un drame dont l’ampleur ne peut laisser personne indifférent ».

Heureux les pauvres du cœur ! Aujourd’hui sont ceux qui croient qu’un monde nouveau et plus juste est possible, et qui sont disponibles pour parier sur cette cause tout ce qu’ils ont et tout ce dont ils sont capables. Au début de ce Carême, demandons-nous, en toute vérité : où est notre cœur ? Où est notre trésor ? Par quels chemins cherchons-nous le bonheur ?

+ JOSÉ, Cardinal-Patriarche de Lisbonne

[1Gaudium et Spes, n°. 22 ; cf. Redemptor Hominis, n° 9.

[2Cf. André Chouraqui, Les Évangiles, p. 53.

[3Jean-Paul II, Redemptor Hominis, n° 16.

[4Ibidem.

[5Jean-Paul II, Laborem Exercens n° 14.

[6Idem, Redemptor Hominis, n° 16.

Conférences de carême à Notre-Dame de Paris 2004 : “Qui nous fera voir le bonheur ?”

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