Des femmes « lecteurs » et « acolytes »

Paris Notre-Dame du 28 janvier 2021

Par son Motu proprio Spiritus Domini publié le 10 janvier, le pape François rend accessible aux femmes laïques deux ministères non ordonnés, déjà accessibles aux « laïcs hommes » depuis 1972 : l’acolytat et le lectorat. Les explications de Sr Nathalie Becquart, xavière et consultrice pour le secrétariat général du synode des évêques.

Sr Nathalie Becquart est xavière et consultrice pour le secrétariat général du synode des évêques. Elle a été, de 2008 à 2018, à la direction du Service national pour l’évangélisation des jeunes et pour les vocations.
© Peter Julian

Paris Notre-Dame – Comment avez-vous réagi à la publication du Motu proprio Spiritus Domini ?

Sr Nathalie Becquart – C’est une bonne nouvelle. Certes, des femmes proclamant la parole de Dieu (lectorat) à la messe ou au service de l’autel (acolytat), par exemple en distribuant la communion, cela se pratique déjà. Mais c’est la première fois que cela s’inscrit canoniquement dans le droit de l’Église. Toutes les conférences épiscopales du monde peuvent s’en saisir. Il s’agit d’une reconnaissance institutionnelle, par le biais d’un ministère non ordonné – le pape rend très claire la séparation de ces ministères avec le sacerdoce – qui peut désormais être pratiqué par tous les laïcs, femmes et hommes. En 1972, Paul VI avait en effet déjà ouvert aux hommes laïcs le lectorat et l’acolytat, anciens ordres mineurs. Par ce décret, le pape François a donc modifié un article du droit canonique, remplaçant le terme « laïcs hommes » par « laïcs ». Incluant, de facto, les femmes dans l’accès à ces ministères institués.

P. N.-D. – Quelle est la nouveauté apportée par le pape ?

N. B. – Désormais, des femmes peuvent être appelées et instituées de manière permanente dans ces deux ministères, selon un rite spécifique (non sacramentel). Le pape précise que ces ministères laïcs sont fondés sur le baptême « et peuvent être confiés à tous les fidèles qui ont l’idonéité requise, de sexe masculin ou féminin ». Cette nouveauté est la suite d’un discernement ecclésial, une réponse aux synodes des évêques depuis 2008 : le synode sur la parole de Dieu, puis le synode sur l’Amazonie (2019), durant lequel a aussi été soulevée la question des « leaders féminins de communautés »... et le synode sur les jeunes (2018), qui a révélé une attente forte d’un leadership féminin plus visible dans l’Église. Au-delà de la question des femmes, ce décret redonne de la visibilité à ces ministères laïcs qui aujourd’hui encore, dans la pratique, concernent surtout les candidats à la prêtrise. Le pape encourage ainsi, par ce biais, à la créativité, pour développer d’autres formes de ministères… les laïcs en mission ecclésiale peuvent en être un exemple.

P. N.-D. – Comment éviter la logique de séparation : clercs versus laïcs ; femmes versus hommes ?

N. B. – Dans une lettre accompagnant son Motu proprio, le pape évoque la « réciprocité » et la « féconde synergie » de ces deux sacerdoces ordonnés l’un à l’autre, le sacerdoce ordonné et le sacerdoce baptismal. Le mot-clé, c’est la réciprocité, tant entre hommes et femmes, qu’entre vocations laïques et sacerdotales. Tout l’enjeu est d’entrer dans une anthropologie relationnelle, où l’un n’existe pas sans l’autre. Le pape met l’accent sur ce qui est premier dans l’Église, avant les différences de vocations ou de sexes : le baptême. D’ailleurs, il a promulgué ce Motu proprio le jour de la fête du baptême du Seigneur ! Comme baptisés, nous sommes tous appelés à vivre, à aimer et à servir, comme le Christ. Je crois que la remise en lumière de ces ministères institués au nom du baptême va dans le sens d’une Église plus synodale, plus missionnaire, moins cléricale. Les ministères ne sont pas un but en soi. Le but est le service du monde et l’évangélisation : de quoi l’Église a-t-elle besoin, aujourd’hui, pour mieux vivre sa mission ? Comment la vie des communautés peut-elle s’organiser ? Nous sommes appelés à entrer dans cette nouvelle étape proposée par l’Église, accentuant le sacerdoce commun des baptisés, dans la suite de Vatican II.

Propos recueillis par Laurence Faure @LauFaur

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