Faire de l’Église « une maison sûre »
Paris Notre-Dame du 1er avril 2021
La session de printemps de l’Assemblée plénière des évêques de France s’est achevée le 26 mars. Parmi les sujets abordés, la question de la responsabilité de l’Église dans les abus sexuels commis en son sein. Onze résolutions ont été prises pour prévenir ces abus, faire mémoire et accompagner les victimes. Les explications de Mgr Dominique Blanchet, évêque de Créteil et vice-président de la Conférence des évêques de France (CEF).
Paris Notre-Dame - Dans son communiqué final, la CEF a commencé par reconnaître la responsabilité des autorités ecclésiales dans les abus sexuels passés. Il était important que cela soit fait ?
Mgr Dominique Blanchet – Oui, c’est une question de loyauté. Ce que nous avons reconnu, c’est que les faits sont indéniables, qu’il y a vraiment eu des agressions commises, ainsi que des manquements de la part des autorités ecclésiales qui auraient pu éviter telle ou telle récidive de la part de prêtres déplacés… Nous avons une responsabilité à assumer vis-à-vis du passé, vis-à-vis du présent et vis-à-vis de l’avenir. Vis-à-vis du passé, il nous faut reconnaître ce qui a été fait et agir en conséquence pour soulager ou atténuer la souffrance des personnes qui ont pu être blessées. Les personnes victimes, elles-mêmes, demandaient une parole claire qui leur dise : nous vous croyons.
P. N.-D. – Autre axe de ces résolutions, l’accompagnement des victimes. Le fonds de dotation que vous allez créer servira à financer l’ensemble de ce dispositif de lutte contre la pédocriminalité. Il comprend notamment une contribution spécifique d’aide aux victimes, un geste financier très attendu.
D. B. – Dans ce dispositif d’accompagnement, il y a trois dimensions qui concernent les victimes. L’aide que nous pouvons leur apporter ; le fait de garder mémoire de ces actes afin de prévenir les générations futures ; enfin, l’assurance que nous travaillons aujourd’hui à la prévention de ces abus, que nous formons des personnes pour cela. Parmi les victimes, il y a des personnes qui parlent ou qui ont parlé et d’autres qui ne peuvent pas parler, car elles pensent qu’on ne les croira pas. Il faut qu’elles sachent que nous savons qu’elles existent. Par ailleurs, les victimes demandaient qu’il y ait une instance indépendante pour arbitrer et échanger avec elles sur la juste contribution de solidarité à leur verser, dans la limite de ce qui est possible et selon nos moyens. C’est pourquoi nous avons retenu dans une de nos résolutions cette instance d’assistance indépendante. Par ailleurs, nous avons décidé de nous doter de moyens supplémentaires pour l’exercice de la justice canonique en créant un tribunal pénal canonique interdiocésain pour la France, car cela fait partie du droit des personnes victimes que d’avoir recours à cette justice et parce que nous-même en avons besoin pour établir des sanctions justes, en Église.
P. N.-D. – La CEF a également souhaité adresser une lettre aux catholiques de France. Pourquoi ?
D. B. – Parce que nous avons senti le trouble profond des fidèles, un trouble qui nous atteint aussi. Nous, évêques, sommes affectés avec tous. Ce trouble vient d’une part de la dure réalité de ce qui nous est montré, et d’autre part, de la grande déception causée par des figures de prêtres et de religieux mis en cause. Quand nous, évêques, avons commencé à évoquer les questions de solidarité et de notions financières, les mots étaient piégés, nous avions du mal à nous entendre sur la signification de ce geste. Cette difficulté à s’entendre se percevait aussi dans la société, elle se percevait parmi les personnes victimes. Aujourd’hui, nous avons trouvé une expression commune. Mgr Éric de Moulins-Beaufort l’a souligné lors de la conférence de presse : par ces résolutions, nous disons ensemble que nous sommes résolus à affronter ce fléau, que nous continuerons sur ce chemin en prenant le temps d’évaluer ce qui est mis en place. Il s’agit là vraiment d’un acte de communion et de consolation du peuple de Dieu. Et l’occasion d’adresser un double appel. Un appel à être vigilants ensemble et un appel aussi à soutenir les personnes victimes, chacun étant invité à y contribuer à sa façon, soit en travaillant à ces formations que nous voudrions mettre en place, soit en abondant au fonds de dotation pour financer les moyens qui nous permettront de faire de l’Église une maison sûre.
Propos recueillis par Priscilia de Selve @Sarran39
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