Homélie de Mgr Georges Pontier - Messe des cendres à Saint-Germain l’Auxerrois

Saint-Germain l’Auxerrois (1er) - Mercredi 2 mars 2022

« Nous avons été choisis pour être ceux qui d’avance avons mis notre espérance en Christ. Pour dire et redire la dignité de tout être humain aimé de Dieu. Pour dire et redire que le chemin du pardon et de la justice est le chemin de libération et de salut. »

 Année C
 Jl 2, 12-18 - Ps 50, 3-4, 5-6ab, 12-13, 14.17 - 2 Co 5, 20 – 6, 2 Mt 6,1-6.16-18

L’entrée dans ce temps du Carême qui nous conduira à la grande fête de Pâques est marquée par ce geste symbolique de l’imposition des cendres, accompagné de deux formules liturgiques possibles qui en disent le sens. La première insiste sur l’appel à l’humilité, à la prise de conscience de notre condition humaine : « Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras en poussière. » Cette phrase, extraite du livre de la Genèse, est empreinte de réalisme : nous sommes fragiles. Il y a bien des choses que nous ne maitrisons pas dans nos vies personnelles ou collectives ! La pandémie que nous traversons depuis trop longtemps en est un exemple trop évident. La guerre en Ukraine, un autre. La seconde phrase reprend la prédication de Jésus : « Convertissez-vous et croyez à l’Evangile. » C’est l’invitation à croire en ce que Jésus a révélé : le visage d’un Dieu qui aime, qui donne la vie et la redonne, qui pour cela s’est fait l’un de nous et nous apprend qui nous sommes : des fils de Dieu et des frères et sœurs humains.

Voilà bien l’horizon ou le programme de notre carême rappelé encore par le verset qui précédait la lecture de l’évangile : « Aujourd’hui, ne fermez pas votre cœur mais écoutez la voix du Seigneur. » ou encore par ces phrases des autres lectures, celles du prophète Joël : « Revenez à moi de tout votre cœur, revenez au Seigneur votre Dieu, car il est tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour. » ou bien celles de l’apôtre Paul : « Par nous, c’est Dieu lui-même qui vous lance un appel : « Laissez-vous réconcilier avec Dieu. Le voici maintenant le temps favorable, le voici maintenant le jour du salut. »

Nos frères catéchumènes que nous accompagnons durant ce carême vers la célébration des sacrements de l’initiation chrétienne en sont pour nous encore un signe, un appel, un témoignage. Ils n’ont pas fermé leur cœur à la voix du Seigneur. La Bonne nouvelle de l’amour de Dieu pour eux les a touchés, les a bouleversés, les a réconciliés avec eux-mêmes, avec Dieu, avec leurs frères. Le sens de leur vie en est changé. Ils donnent foi à l’Evangile, accueillent la joie de se reconnaître fils de Dieu, s’engagent dans une vie fraternelle sans frontières !

Le temps du carême nous est donné pour accueillir l’œuvre de l’Esprit en nous. Il vient nous donner un cœur nouveau. Il vient nous guérir des peurs diverses qui nous habitent. Il vient nous donner le goût d’aimer. D’aimer Dieu du fond de notre cœur : « Ton Père est là, présent au plus secret. » Et durant ces jours de carême nous prendrons le temps de rejoindre cette présence de Dieu en nous. Nous cesserons de jouer aux absents, distraits par mille choses pourtant bien moins précieuses. Nous donnerons plus de temps à la lecture de la parole de Dieu, chez nous et avec nos frères et sœurs en communauté chrétienne. Nous prendrons encore le temps de nous aimer un peu mieux nous-mêmes en œuvrant pour lutter contre ce qui nous alourdit et nous enferme : mauvaises habitudes, addictions, amertumes, haines tenaces. Enfin nous nous ouvrirons à la joie de s’engager avec les plus défavorisés, à les accueillir, les écouter, les aider : malades, handicapés, étrangers. Nous partagerons ce que nous sommes et ce que nous avons.

Et tout cela, nous ne le faisons pas que pour nous ! Nous le faisons pour l’humanité de ce temps. Nous avons été choisis pour être ceux qui d’avance avons mis notre espérance en Christ. Pour dire et redire la dignité de tout être humain aimé de Dieu. Pour dire et redire que le chemin du pardon et de la justice est le chemin de libération et de salut. Pour dire et redire que rien, pas même la mort, ne pourra nous séparer de l’amour que Dieu nous porte. Pour dire et redire que seul l’amour est tout puissant et que les autres armes ne font qu’illusionner et détruire.

« Aujourd’hui, ne fermons pas notre cœur, mais écoutons la voix du Seigneur. » Laissons-le nous sauver. Œuvrons pour un monde de frères.

+Georges Pontier, administrateur apostolique de Paris.

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