Homélie de Mgr Georges Pontier - Messe du 1er dimanche de Carême à St Germain l’Auxerrois
Saint-Germain l’Auxerrois (1er) - Dimanche 6 mars 2022
Que la proclamation du « Je crois en Dieu » dans un instant soit notre réponse à celui qui voudrait nous entretenir dans le doute !
– 1er dimanche de Carême – Année C
- Dt 26, 4-10 ; Ps 90 (91), 1-2, 10-11, 12-13, 14-15ab ; Rm 10, 8-13 ; Lc 4, 1-13
« Dans l’Esprit, Jésus fut conduit à-travers le désert où, pendant quarante jours, il fut tenté par le diable. » L’Église, au début de ce temps de carême, nous fait méditer cette réalité : la tentation fait partie de notre condition et même de notre condition de baptisés. C’est après son baptême que Jésus connait ce moment de la tentation ! Mais l’Esprit accompagne Jésus et nous accompagne pour vaincre la tentation. Quand Jésus donnera la prière du Notre Père à ses disciples qui lui demandaient de leur apprendre à prier, il leur fera demander comme nous le faisons encore : « Et ne nous laisse pas entrer en tentation, mais délivre nous du Mal » ou du malin, comme on peut désigner l’ennemi de Dieu, celui que l’on retrouve dans cette scène d’Évangile et qui vient faire douter Jésus : « Si tu es le Fils de Dieu… »
La voilà bien la tentation, celle qui vient de l’ennemi de Dieu et des hommes : Il veut rompre la communion de confiance, d’amour, voulue par Celui qui s’est donné des fils adoptifs en créant l’homme à son image. Il met en nous le soupçon sur Dieu comme il le fit dans ce péché que nous appelons le péché de l’origine, le péché originel, ce péché qui a mis en Adam et Eve le doute sur la bienveillance de Dieu, sur ses intentions, sur sa bonté. Et le voilà qui vient nous faire douter : Et si nous n’étions pas fils de Dieu ? Et si Dieu n’était pas bon ? Et si Dieu n’existait pas ? Oh cela peut prendre des formes diverses. Ces questions peuvent venir en nous à des moments différents de nos vies, quand les choses sont éprouvantes ou ne tournent pas comme nous l’espérions ; lorsque nous expérimentons la fragilité, l’épreuve, les limites de notre condition humaine.
« Si tu es fils de Dieu… » Le mauvais nous suggère de provoquer Dieu, de le convoquer à l’exploit, d’intervenir pour nous éviter de connaître la fragilité de notre existence et de transformer un lien d’amour et de confiance en un marchandage d’intérêt fondé sur la domination et le désir de maitriser toute chose.
Oui, la voilà bien la tentation ! Il ne s’agit pas seulement de ce que nous appelons au pluriel, les tentations de nos vies, les tentations au pluriel. Il s’agit bien de la tentation, la grande tentation, celle qui fait douter que nous ayons été créés par un Dieu d’amour, que nous ayons été sauvés par le Fils bien aimé, que son Esprit répandu dans nos cœurs réalise pour nous la prière que nous faisons : « Fais que nous ne soyons jamais séparés de toi. » La tentation, c’est bien celle-là : nous séparer de Dieu, de son amour, de sa tendresse, briser en nous la confiance, nous enfermer dans le désespoir.
On comprend bien pourquoi l’Apôtre Paul écrit aux Romains comme nous le lisions dans la lecture : « Si de ta bouche, tu affirmes que Jésus est Seigneur, si dans ton cœur, tu crois que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, alors tu seras sauvé. » (Rm 10,9)
Ce temps du Carême nous est donné chaque année pour renouveler notre acte de foi lors de la veillée pascale. Il nous est donné pour nous laisser conduire par l’Esprit au désert afin de visiter ce qui habite notre cœur et à débusquer tout ce qui a pris la place de Dieu dans nos cœurs et dans nos vies, les faux dieux qui nous promettent succès, plaisirs, illusions, dominations !
Que la proclamation du « Je crois en Dieu » dans un instant soit notre réponse à celui qui voudrait nous entretenir dans le doute ! Et comme nous nous savons fragiles, nous nous remettons entre les mains du Seigneur en lui disant : « Seigneur, viens au secours de la faiblesse de notre foi » « Seigneur, nous croyons en toi » « Viens Seigneur Jésus, nous t’attendons. »
+Georges Pontier, administrateur apostolique de Paris.