Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Ordinations sacerdotales à Notre-Dame de Paris

Samedi 28 juin 2025 - Notre-Dame de Paris

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- Ac 12,1-11 ; Ps 33 ; 2 Tim 4, 6-8.17-18 ; Mt 16, 13-19

La profession de foi de Pierre, jointe au récit de sa libération de la prison où il avait été envoyé, comme le sentiment de solitude de Paul dans un moment aussi violent à son égard, nous avertissent que ce n’est pas impunément que l’on s’engage à la suite du Christ !

Au chapitre 16 de l’Évangile de saint Matthieu, nous ne sommes pas encore tout proches du récit de la Passion ; au contraire nous sommes à un sommet de l’affirmation évangélique ! C’est le cri du cœur de Pierre qui jaillit. Jésus lui répond en lui disant que ce n’est pas selon la chair qu’il a parlé, c’est-à-dire que ce n’est pas un mouvement naturel qui l’a entraîné. C’est une parole prophétique, une parole inspirée par Dieu même, une parole soufflée par l’Esprit de Dieu qui réside dans le cœur de l’auditeur de Jésus et fait de lui un croyant, un disciple.

Aujourd’hui, la liturgie ne nous propose pas d’entendre l’un des récits de la conversion de l’apôtre Paul que celui-ci fait à trois reprises dans le Livre des Actes des apôtres, mais il est bon d’y faire allusion pour comprendre la naissance d’une vocation. C’est Saul qui interroge : « Qui es-tu, Seigneur ? » Et c’est Jésus qui répond : « Je suis celui que tu persécutes ! » Il est clair que c’est aussi une parole inspirée qui retentit dans son cœur, une parole qu’il n’aurait pas pu inventer lui-même. Et ce dialogue bref est rapporté de façon constante dans les trois épisodes. Il est suffisamment marquant pour que l’apôtre n’ait jamais pu l’oublier. Il est fondateur. Et il a fait de Saul, devenu Paul, le disciple que l’on sait.

La liturgie de la fête des apôtres Pierre et Paul, les colonnes de l’Église, qui préside à ces ordinations de l’été, nous attire du côté des obstacles qui se dressent ensuite sur la route des disciples, de ceux qui ont fait profession de foi dans le Seigneur Jésus, le reconnaissant comme leur Sauveur malgré leur indignité et leur fragilité, trop faibles pour comprendre ce qui leur arrive ! Ils voient que ce qu’ils font, même quand ils le font avec juste intention d’annoncer la parole de salut, n’est pas compris, voire rejeté et méprisé.

C’est le roi Hérode Agrippa qui en veut à l’Église naissante et qui trouve un bon motif de plaire à une partie au moins de l’opinion, en saisissant des membres de ce groupe tout neuf. Et voici Pierre sous bonne garde, emprisonné et près de comparaître. Mais la foi de l’Église, sa prière si cachée, si petite au regard du monde, est capable de soulever des montagnes, d’ouvrir des portes injustement fermées, et de ne pas étouffer la voix des témoins. Plus tard, le témoignage de Pierre n’échappera pas au don de sa vie, à l’épreuve du sang versé. Mais aujourd’hui, entouré de la prière de l’Église, Pierre peut être assuré que sa tâche commençante ira son chemin.

Paul fait une expérience semblable, mais dans un autre contexte. Il sait qu’il ne peut pas être indemne de tout danger dans la vie aventureuse que sa mission lui impose. Il ne décrit pas les risques qu’il encourt ou a déjà encourus, mais use d’allégorie pour en parler : le bon combat, la gueule du lion sont des termes que l’on comprend quand on sait la nature des persécutions qui ont touché les premiers chrétiens dans l’empire romain. Et surtout il fait l’expérience de la solitude du témoin qui fait comprendre le soutien si visible et impressionnant de Dieu lui-même : « Le Seigneur, lui, m’a assisté ; le Seigneur me remettra la couronne de justice, non seulement à moi, mais à tous ceux qui auront désiré avec amour sa manifestation glorieuse. » La foi au Christ sauveur, en la puissance de Dieu et en la force de leur Esprit commun est faite pour les temps difficiles ; les nôtres ne sont pas pires que ceux des premiers temps de la vie de l’Église, ou ceux des vingt siècles qui nous ont précédés. Aujourd’hui autant qu’autrefois, c’est le temps du témoignage : nous ne prétendons à aucun prosélytisme, mais nous savons que le témoignage donné, de la foi au Christ sauveur, entraîne avec lui une charité inventive et une espérance indéracinable qui sont la vraie richesse de notre existence.

Vous, les diacres qui êtes devant nous et serez ordonnés prêtres dans quelques minutes, vous savez que vous avez été un jour « déplacés peu à peu vers le Christ » : c’était peut-être un événement fortuit de l’existence ou une douce évolution, ou encore un retour inattendu vers la foi que l’on avait cultivée chez vous, dans l’enfance et l’adolescence. Peu importe, c’était une découverte, le Christ vous attendait, vous faisait signe. Il a fallu conforter cette nouveauté ou ce renouveau : l’année de propédeutique à la Maison Saint-Augustin, pour la majorité d’entre vous, ou le noviciat pour les religieux, a été cette étape décisive : la découverte des Écritures, le service des pauvres, l’apprentissage de la prière et de la vie fraternelle à l’appel du Christ et à sa ressemblance.

Puis, il fallait devenir un disciple-missionnaire, le pape François nous en a montré le chemin et l’excellence. Dès sa première exhortation apostolique, La joie de l’Évangile, il nous a révélé ce secret qui est devenu une thématique indispensable, nous faisant observer que lorsqu’il est dit dans l’Évangile que le Seigneur en choisit douze, c’est pour être avec lui et pour les envoyer en avant de lui. Ils sont des disciples qui le suivent – c’est le sens de ce mot – et ils sont dans un même mouvement envoyés. On ne saurait choisir d’être disciple sans être en même temps prêt à se tenir à distance de lui pour aller à la rencontre de ceux chez qui nous le retrouverons présent et aimant. Les premiers temps de vos années de formation, les deux premières années, vous ont entraînés à cela. Le contact prolongé avec l’Écriture et l’habitude de la laisser résonner en vous, avec les autres étudiants et avec des paroissiens déjà, vous ont rendus plus familiers du Seigneur.

La troisième période ou étape, c’est celle que vous venez de vivre, période d’étude et d’imprégnation lente, mais elle ne se termine pas aujourd’hui ; elle est sans cesse inachevée. Elle consiste à se laisser transformer pour devenir un pasteur à l’image du Christ, un pasteur selon le cœur de Dieu. Quand nous regardons le pape Léon, nous nous disons qu’il est un homme d’expérience, un pasteur aguerri à de multiples responsabilités ; mais nous voyons aussi un disciple-missionnaire qui s’est laissé façonner peu à peu, toujours à l’écoute de la Parole de Dieu, toujours attentif aux besoins de ses frères et sœurs, diocésains au Pérou ou rencontrés auprès de ses confrères augustins. Et quand je vois les prêtres de notre diocèse de Paris auxquels vous serez bientôt agrégés dans le presbyterium, je vois aussi des hommes qui se laissent façonner pour devenir toujours mieux des pasteurs, des hommes qui aiment le peuple qui est ici : ils désirent aider ces hommes et ces femmes sur les chemins où ils trouvent le Christ. Chers frères, religieux de Saint-Vincent de Paul, membres de la Congrégation des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie, ou des Missions étrangères de Paris, je sais aussi que c’est en communautés fraternelles et au contact de ceux que le Seigneur rassemble avec vous, que vous devenez jour après jour des pasteurs et que vous demandez aussi la grâce d’y persévérer avec joie.

Mes amis, ne cessez jamais d’en demander la grâce ! Et vous tous qui les accompagnez, aimez avec eux le choix qu’ils ont fait de répondre à l’appel du Seigneur, sans les hisser cependant sur un piédestal, mais priez pour eux comme ils prient déjà et prieront sans cesse pour vous !

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris

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