Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe à Notre-Dame de Grâce de Passy à l’occasion de la fin des travaux – Journée Mondiale des pauvres

Dimanche 16 novembre 2025 - Notre-Dame de Grâce de Passy (16e)

– 33e Dimanche Temps Ordinaire – Année C

- Ml 3, 19-20 a ; Ps 97, 5-9 ; 2 Th 3, 7-12 ; Lc 21, 5-19

La première lecture, tirée du prophète Malachie, et l’évangile que nous venons d’entendre font partie de ces textes, de cette littérature qu’on appelle apocalyptique : ce sont des apocalypses, c’est-à-dire des révélations, sur la façon dont le Seigneur entrevoit l’avenir de l’humanité et surtout sur le présent et l’avenir de son amour pour tous. Les apocalypses, dont celle de saint Jean que vous connaissez plus ou moins, et celles qui sont dans les évangiles que nous allons lire dans les dimanches qui viennent, ne sont pas faites pour nous faire peur ou pour nous faire une description abominable de la fin des temps, mais elles sont toujours – et il faut vraiment le dire et le redire – des descriptions du temps présent. C’est ce qui se passe dans le monde : que ce soit à l’époque des prophètes de la fin de l’Ancien Testament, que ce soit à l’époque de Jésus, que ce soit au cours de l’histoire qui nous sépare du temps où Jésus était sur terre, que ce soit aujourd’hui, il y a – et nous le savons bien – toujours des guerres, des violences, des révolutions, des persécutions pour les croyants et, pour beaucoup, la pauvreté, la détresse, et bien des malheurs qui sont le lot de l’humanité siècle après siècle, génération après génération, et qui n’épargnent pas, nous le comprenons bien, notre propre époque.

Ces textes de la littérature apocalyptique sont donc faits au contraire pour nous dire de tenir bon, de garder courage, car Dieu ne nous abandonne pas dans ces situations. C’est très important de l’imaginer et de s’en souvenir. Au milieu des périls, des détresses, des catastrophes naturelles, Dieu ne nous abandonne pas, même si tout le monde ne s’en rend pas compte. Souvent nous nous disons que s’il y avait Dieu tout cela n’arriverait pas. Or, ce que nous voyons c’est que les croyants sont capables de trouver dans ces moments-là non pas une sécurité illusoire, mais une force et une capacité à ne pas s’inquiéter, à rester paisibles, à continuer à faire leur travail, comme le dit saint Paul aux Thessaloniciens. Il le dit pour avoir été témoin qu’un certain nombre des croyants, un certain nombre de ceux qui voulaient suivre Jésus, se disaient que, puisque Jésus devait revenir bientôt ce n’était plus la peine de travailler, il n’y avait qu’à se croiser les bras et à attendre gentiment. Saint Paul affirme au contraire, et à nous encore aujourd’hui, qu’il faut faire son devoir. Aujourd’hui encore, la règle pour ceux qui espèrent en Dieu c’est d’être présents au monde d’aujourd’hui, de voir les souffrances et les malheurs qui arrivent et de travailler paisiblement pour gagner son pain d’abord, mais aussi pour venir en aide aux autres, pour permettre à ceux qui sont vraiment dans la détresse de ne pas être maintenus dans cette crainte permanente. Voilà ce que nous entendons et voilà ce à quoi nous sommes invités aujourd’hui précisément, alors qu’approche la fin de l’année liturgique, dimanche prochain, puis l’entrée dans le temps de l’Avent, qui est l’attente même du Seigneur, que nous vivons non pas simplement dans la préparation de Noël mais tous les jours de notre vie de croyant. Nous attendons toujours que le Seigneur se manifeste à nous, nous attendons toujours qu’il soit présent aux hommes et aux femmes de tous les temps. Nous attendons effectivement que le Seigneur donne aux croyants le courage d’agir, le courage d’espérer, le courage de faire du bien, le courage dans le monde où ils vivent de ne se laisser aller ni à l’oisiveté ni au découragement devant la dureté des temps.

Nous savons en effet que bien de nos contemporains sont soumis à ce qui arrive de difficile, de déprimant, de violent. Beaucoup de nos contemporains vivent des détresses liées aux difficultés climatiques, beaucoup de nos contemporains sont obligés d’affronter des catastrophes naturelles, beaucoup de nos contemporains sont obligés aussi de baisser non pas les bras mais parfois la tête devant les dominations insupportables que certains pouvoirs font subir à leurs populations avec des volontés de guerre, avec l’entretien de la guerre civile. Quand cela ne nous atteint pas nous-mêmes, nous savons pourtant que cela atteint d’autres de nos frères. Et voilà pourquoi l’espérance dans laquelle nous sommes est capable de nourrir bien des charités, bien des solidarités, bien des fraternités. L’espérance qui nous habite nous rend capables d’agir pour nos frères qui sont plus en difficulté que nous et qui ont besoin de notre attention, de notre amour, de notre courage, de notre engagement pour les soutenir. L’espérance est en nous et le Christ, par sa Parole, la nourrit ; l’espérance est faite pour nous et le Christ, dans le don des sacrements et de l’eucharistie que nous sommes en train de vivre, que nous vivons aussi souvent que nous pouvons, nous donne la force d’agir avec fraternité, avec espérance pour que chacun tienne bon dans l’existence.

Dans quelques jours, à Notre-Dame, nous célébrerons la béatification de cinquante martyrs, que l’on a appelés les « martyrs du STO » - du Service du Travail Obligatoire pendant le nazisme - mais qu’on appelle plutôt aujourd’hui « martyrs de l’Apostolat » parce que ces jeunes ont été volontaires pour répondre à la demande de l’Église d’accompagner ceux qui étaient ainsi requis pour ce Service du Travail Obligatoire, de les accompagner par la prière, la foi et l’espérance, avec le courage de partager leur condition. Ce courage est une marque de l’espérance chrétienne de ces cinquante jeunes. Il y en a eu bien d’autres mais un prêtre de Paris, l’abbé Charles Molette, les a rassemblés en une cause unique pour qu’ils soient béatifiés et c’est une œuvre magnifique qui dit que l’Église a pensé, pendant ces temps de détresse, à ceux qu’il faudrait soutenir dans ce qu’ils devraient vivre en Allemagne nazie. Et ces cinquante étaient bien conscients du danger dans lequel ils entraient : ils savaient qu’ils allaient accompagner des détresses et ils n’ont pas failli à leur mission d’encourager les autres jeunes qui étaient là avec eux. Ils ont entrepris, au mépris des dangers, de soutenir, d’écouter, de rassembler pour la prière et, là où c’était possible, pour recevoir des sacrements que quelques prêtres pouvaient donner. Ils ont permis à ces jeunes de tenir bon et ils ont été inévitablement repérés par la puissance publique qui les a arrêtés, qui les a torturés souvent et qui les a tués. Ce martyre manifeste le courage de la foi : celui de l’Église qui a pris en charge cette mission et celui de ces jeunes qui ont accepté, parmi lesquels des séminaristes et des prêtres mais pas uniquement, des jeunes scouts, des jeunes de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne… ces jeunes-là sont partis pleins de courage apostolique pour soutenir d’autres jeunes. Voilà un exemple magnifique qui nous sera donné, qui nous est donné en ce temps : tout juste 80 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, ils vont être béatifiés.

Il y a aussi ce qui se passe aujourd’hui : la Journée mondiale des Pauvres. Depuis dix ans bientôt, le pape a demandé que, chaque année, et souvent cela coïncide avec la Journée du Secours Catholique chez nous, l’on fasse une Journée mondiale de prière et d’attention pour les Pauvres, afin de se souvenir qu’il y a tant et tant de générosité dans notre Église qui existe pour soutenir le courage de ceux qui vivent dans la pauvreté et pour leur donner le moyen de devenir eux-mêmes des acteurs de leur relèvement, d’entretenir en eux la puissance spirituelle qui leur permet de devenir ces acteurs-là.

Voilà quelque chose de magnifique, chaque année nous pouvons le vivre et, aujourd’hui à Rome, un certain nombre de pauvres de toute la terre se retrouvent autour du pape Léon, un certain nombre de Français réunis par le mouvement Fratello sont à Rome, un certain nombre de Parisiens, 350 m’a-t-on dit, y sont pour vivre quelque chose de l’espérance chrétienne devant les difficultés et les douleurs de la vie.

Que ces exemples nous inspirent et nous permettent de vivre dans l’espérance et de la communiquer puisque c’est le Christ lui-même qui la fait naître en nous et l’entretient.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris

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