L’aventure de la fraternité
Paris Notre-Dame du 22 mai 2014
Pour sa deuxième édition, « Chemins de fraternité [1] » s’est déroulé en Normandie, du 16 au 18 mai, dans l’esprit de Diaconia 2013. Du Mont Saint-Michel à Pontmain, en passant par l’abbaye de la Lucerne, des personnes en situation de fragilité et des bénévoles ont vécu, ensemble, des journées de prière et d’amitié. • Par Agnès de Gélis
Chaque traversée de la baie du mont Saint-Michel est unique. Pour les 120 personnes du groupe « Chemins de fraternité », parti de Paris en car le vendredi matin, ce premier temps fort du pèlerinage était le début d’une aventure physique et spirituelle. À la suite de Christophe, un des guides spirituels de la baie, les pèlerins – provenant d’une douzaine de paroisses parisiennes – ont parcouru les huit kilomètres de sable en méditant sur le thème de la journée : « Qui suis-je ? »
Vivre en frères
Personnes exclues, bénévoles, paroissiens : des équipes de huit à dix personnes avaient été constituées pour aider chacun à tisser des liens, au-delà des apparences et des conditions sociales. « Chemins de fraternité, c’est vivre ensemble de manière naturelle, malgré les différences, souligne Mgr Éric de Moulins Beaufort, évêque auxiliaire, qui accompagnait le pèlerinage. Les personnes exclues portent des trésors d’humanité :un réel sens de Dieu, une confiance dans la Providence, le pardon. J’ai été impressionné par la foi de ces personnes qui vivent de grandes difficultés. » Cette année, certains pèlerins ont dîné dans des familles de la région, le samedi soir. « Beaucoup d’entre eux ont été émus de se sentir attendus, reprend Charles Gazeau, diacre et responsable du Vicariat pour la solidarité. C’était une façon de vivre la fraternité de façon plus large que dans sa paroisse ou son diocèse. » L’objectif de ces journées était aussi de créer des liens qui puissent perdurer au-delà du pèlerinage et fassent tâche d’huile dans les communautés paroissiales. Diacre à St-Ambroise (11e), Paul Geng, l’un des participants, s’imagine déjà « faire des visites dominicales pour conserver les liens ainsi créés ». Une idée qui pourrait répondre au désir de Charles Gazeau qui souhaite « mettre au cœur des paroisses la présence des plus petits, frères privilégiés du Christ. »
Se ressourcer
Pour ceux qui vivent dans la rue, marcher sur le sable, dans les bois et les prés, était une réelle évasion, loin des trop lourds soucis du quotidien. « Cela m’a fait du bien, affirme Olga,qui bénéficie des services de la bagagerie d’Antigel, à St-Jean-Baptiste de Grenelle (15e). Mais ce que je retiens surtout, c’est l’accueil des bénévoles, leur réelle amitié et la beauté des prières. Au Mont, les chants des sœurs m’ont apaisée. » À l’abbaye de la Lucerne, avant le repas, le groupe a fait l’exercice du « musée de silence ». Une invention de Diaconia 2013 qui consiste à imaginer, par groupe, une statue vivante, constituée de chaque personne du groupe. Cette fois-ci, la statue illustrait le beau passage d’Évangile sur la guérison de l’aveugle Bartimée. « Nous avons tous besoin de crier vers le Seigneur, comme ce personnage, précise Agnès Charbonnel, du Vicariat pour la solidarité. Les équipes ont beaucoup exprimé la dimension de la guérison et de la renaissance. » Le soir, une veillée spirituelle a rassemblé les groupes à l’église de St-Jean le Thomas, non loin de l’abbaye. Après la bénédiction de la lumière selon le rite pascal, les équipes ont lu les intentions de prière qu’elles avaient préparées. « J’ai ensuite proposé une minute de silence, décrit Charles Gazeau. Ce fut un moment de recueillement extraordinaire. »
Ouvrir son cœur
Pendant ces journées, les personnes pouvaient prendre un temps d’échange avec un « écoutant ». « Nous avons souhaité donner aux personnes exclues cet espace de parole supplémentaire, en plus des temps de partage en groupe », précise Agnès Charbonnel. Mais chaque moment était propice à l’ouverture des cœurs. Après les vêpres dans l’abbatiale du Mont, l’une des participantes habituellement peu bavarde, s’est entretenue quelques minutes avec le prieur de la Fraternité monastique de Jérusalem de ce que la beauté de leur chants a éveillé en elle. « Nous en avions les larmes aux yeux, avoue Charles Gazeau. C’était la première fois que nous la voyions s’exprimer de façon aussi claire sur un sujet spirituel. » Pour lui, pendant ces journées, les « cœurs se sont ouverts, les personnes ont appris à s’apprécier, à découvrir la beauté des uns et des autres, à travers des échanges simples. » Dimanche, en fin d’après-midi, deux cars déversaient sur la place St-Augustin des cœurs transformés, des visages heureux. Pour les organisateurs, « les pèlerins sont rentrés avec quelque chose de plus au fond du cœur. » •
Témoignage
Thierry, une personne « accueillie » à St-Séverin (5e)
« J’ai découvert un message d’espérance »
« Au début, j’avais des réticences à faire ce pèlerinage. Dans le car, j’ai repéré des personnes que j’avais déjà côtoyées mais sur lesquelles j’avais des a priori. Puis, je me suis rendu compte que ces personnes, quel que soit leur état physique ou mental, avaient la foi et devaient donc être respectées, que je ne pouvais pas les juger. Pendant la traversée de la baie, nous nous sommes tous tenus les coudes pour franchir les rivières dont l’eau nous arrivait à la taille. Grâce à cela, nous sommes arrivés sains et saufs, bien que certaines personnes aient perdu l’équilibre. Ce geste symbolique de la fraternité m’a marqué. À Pontmain, j’ai aussi découvert un message d’espérance : la sainte Vierge ne nous abandonne pas, elle vient au secours des plus déshérités. »
Témoignage
Roger, bénévole à Hiver Solidaire, à St-Séverin (5e)« Pendant ces trois jours, plusieurs moments m’ont marqué. Par exemple, l’une d’entre nous avait du mal à monter les marches du mont Saint-Michel. Comme elle tenait à arriver en haut seule, nous l’avons tous encouragée, puis applaudie. Elle n’y serait sans doute jamais parvenue si nous n’étions pas là ! Pendant ce pèlerinage, nous avons vécu une telle communion que dès le lundi matin, nous nous sommes appelés par téléphone pour nous rappeler ces bons moments vécus. Ces personnes que j’avais déjà croisées à Hiver solidaire, je les vois autrement aujourd’hui. Il y a quelque chose de nouveau entre nous. Nous projetons de nous revoir en nous invitant à dîner chez les uns et les autres. Le chemin de fraternité, c’est nous-mêmes : c’est notre groupe, ce sont les moments passés ensemble. »
Témoignage
Thierry, une personne « accueillie » à St-Séverin (5e)« Au début, j’avais des réticences à faire ce pèlerinage. Dans le car, j’ai repéré des personnes que j’avais déjà côtoyées mais sur lesquelles j’avais des a priori. Puis, je me suis rendu compte que ces personnes, quel que soit leur état physique ou mental, avaient la foi et devaient donc être respectées, que je ne pouvais pas les juger. Pendant la traversée de la baie, nous nous sommes tous tenus les coudes pour franchir les rivières dont l’eau nous arrivait à la taille. Grâce à cela, nous sommes arrivés sains et saufs, bien que certaines personnes aient perdu l’équilibre. Ce geste symbolique de la fraternité m’a marqué. À Pontmain, j’ai aussi découvert un message d’espérance : la sainte Vierge ne nous abandonne pas, elle vient au secours des plus déshérités. »
[1] Une opération soutenue par la Fondation Notre Dame.