Le cimetière de Picpus
Le cimetière de Picpus, ancien jardin d’un couvent de religieuses, fut réquisitionné en 1794 pour recevoir les corps des personnes guillotinées place du Trône-renversé.
Au XVIIe siècle, un couvent de religieuses dont l’entrée se situait 35 rue de Picpus, s’étendait sur 300 mètres jusqu’au mur des Fermiers généraux. Ce domaine fut confisqué en 1792 comme bien national et loué à un sieur Riédain. Le 13 juin 1794 (25 prairial) la commune de Paris réquisitionna son jardin et y fit creuser deux fosses destinées à recevoir les corps des personnes décapitées place du Trône-renversé (La Nation). Une porte fut ouverte dans le mur du jardin.
Fermé et comblé en 1795, le cimetière fut vendu en 1797 dans le plus grand secret à la princesse Amélie de Salm de Hohenzollern-Sigmaringen dont le frère reposait dans l’une des fosses. En 1803 la totalité du terrain de l’ancien couvent put être racheté par une société des familles des personnes inhumées dans les deux fosses, avec droit pour elles d’être enterrées dans un second cimetière à côté du premier.
Une chapelle y fut édifiée, confiée à la Congrégation des Sacrés-Cœurs et de l’Adoration. Très simple, cette chapelle possède un autel dédié à Notre-Dame de la Paix. Un tableau évoque les 16 carmélites de Compiègne, décapitées le 17 juillet 1794 et béatifiées le 27 mai 1906.
Les murs de la chapelle sont ornés de grandes plaques de marbre portant les noms de la totalité des personnes enterrées dans les deux fosses, d’après les minutes de leurs procès qui ont été conservées.
On trouve les fleurons de la noblesse française : de Sombreuil, gouverneur des Invalides, le prince de Rohan de Rochefort, le père Laval de Montmorency, la princesse de Saint-Maurice de Mont-Barrey, mais aussi un piqueur, un gendarme, un domestique, un banquier... Cette fournée du 17 juin de 54 personnes dite “des chemises rouges” fut décapitée par le bourreau Sanson en 24 minutes... La fournée du 13 messidor An 2, 1er juillet 1794, comportait 2 cultivateurs, 1 domestique, 1 tisserand, 1 instituteur, 1 prêtre, 1 fabriquant d’étoffes, 1 vicaire, 1 contrôleur des douanes, 1 épicier, 1 cabaretier, 1 soldat autrichien prisonnier de guerre, 1 infirmier, 1 garçon meunier...
Du 13 juin au 28 juillet, la guillotine fonctionna presque quotidiennement par fournées allant jusqu’à 55 personnes. 1306 corps reposent à Picpus. L’une des fosses contient 304 corps répartis en 3 couches, l’autre 1002 cadavres que l’on peut détailler ainsi :
- 1109 hommes : 579 gens du peuple, 178 gens d’épée, 136 gens de robe, 108 gens d’église et 108 ex-nobles.
- 197 femmes : 123 femmes du peuple, 51 ex-nobles, 23 religieuses.
Un grand espace de pelouse et d’arbres sépare la chapelle de l’entrée des deux cimetière est un espace de méditation et de prière.
Dans le jardin se trouvait la grotte qui servit aux fossoyeurs pour dépouiller les corps de tous leurs vêtements avant de les revendre. Tous les autres objets leur avaient été confisqué avant de monter dans la charrette fatale. Une plaque en garde le souvenir.
Dans le jardin se situe aussi le cimetière de l’association des familles reposant dans les fosses de Picpus. L’historien Lenôtre y a aussi sa tombe, en hommage à la remarquable étude qu’il a consacrée à ce cimetière. De même le père Coudrin et la mère Aymer de la Chevalerie, fondateurs de la congrégation des Sacrés-Cœurs et de l’Adoration. Parmi les familles notables : des Montmorency, Levis, Gramont, Talleyrand, Rohan-Chabot, La Rochefoucauld, Luynes, Montalembert, Noailles, Biron, Polignac...
La tombe du Général La Fayette est particulièrement honorée par le gouvernement américain. Près d’elle se trouve la plaque souvenir d’André Chénier.
Depuis le 21 octobre 2010, les pères Ladislas Radigue, Polycarpe Tuffier, Marcellin Rouchouze et Frézal Tardieu, fusillés rue Haxo lors de la Commune de Paris le 26 mai 1871, reposent dans le caveau des fondateurs de la congrégation des Sacrés-Cœurs et de l’Adoration. Ils avaient d’abord été inhumés au cimetière de Belleville, puis au cimetière d’Issy-les-Moulineaux en 1871, dans la chapelle du Sacré-Cœur en 1872 et de nouveau au cimetière d’Issy-les-Moulineaux en 1903. [1]
Voir aussi
– Article de Paris Notre-Dame “Le discret cimetière de Picpus”
Pour aller plus loin
– À propos des pères Ladislas Radigue, Polycarpe Tuffier, Marcellin Rouchouze et Frézal Tardieu : dossier “Les martyrs de la rue Haxo”.
[1] Voir le site https://www.ssccpicpus.fr/martyrs-de-picpus/